(San Francisco) Google est engagé dans une lutte sans pitié avec Microsoft, OpenAI et d’autres rivaux dans le développement de l’intelligence artificielle (IA).

En avril, voulant donner un coup de fouet à ses recherches, Google a fusionné DeepMind, un labo de recherche de Londres acheté en 2014, et Brain, sa propre équipe d’IA, fondée en 2011 dans la Silicon Valley.

Aujourd’hui, ce groupe teste de nouveaux outils de pointe qui pourraient transformer l’IA générative – la technologie des robots conversationnels – en un « coach de vie », consultable comme ChatGPT, d’OpenAI, et Bard, de Google.

Conseils personnels et professionnels

Google DeepMind planche sur des fonctionnalités d’IA générative pouvant effectuer au moins 21 types de tâches personnelles et professionnelles, y compris donner aux utilisateurs des conseils personnels, faire du tutorat, fournir des idées et suggérer de la planification, selon des personnes et des documents consultés par le New York Times.

PHOTO LIONEL BONAVENTURE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Depuis neuf mois, Google a lancé le robot conversationnel Bard, amélioré ses systèmes d’IA et incorporé cette technologie dans son moteur de recherche, Gmail et d’autres produits existants.

Ce projet témoigne de l’intensité des efforts déployés par Google pour se hisser au sommet de l’IA et montre sa propension croissante à confier des tâches délicates à l’IA. Cela marque un revirement : auparavant, Google était très prudent face à l’IA générative. Dans un diaporama présenté aux cadres en décembre, les experts en sécurité de l’IA de Google avertissaient du risque que les gens s’attachent de manière trop émotionnelle aux robots conversationnels.

Google est un pionnier en IA générative, mais a été éclipsé par OpenAI et son ChatGPT, lancé en novembre. Dans ce marché en plein essor, c’est maintenant la course entre les géants de la techno et les jeunes pousses.

Depuis neuf mois, Google tente de démontrer qu’il peut tenir tête à OpenAI et son partenaire Microsoft. Il a lancé Bard, amélioré ses systèmes d’IA et incorporé cette technologie dans son moteur de recherche, Gmail et d’autres produits existants.

Scale AI, un sous-traitant travaillant avec Google DeepMind, a réuni une équipe pour tester les capacités du nouveau robot conseiller de Google : plus de cent titulaires de doctorat dans différents domaines et d’autres experts évaluent les réponses de l’outil, ont déclaré deux sources au fait du projet et qui ont demandé l’anonymat. (Scale AI n’a pas souhaité commenter.)

Questions personnelles, sujets intimes

Les experts évaluent les réponses du robot conseiller quand il est consulté sur les difficultés qu’on peut rencontrer dans sa vie personnelle.

Voici une des questions testées, qu’une vraie personne pourrait un jour poser au robot : « Ma grande amie se marie cet hiver. Elle était ma coloc à l’université et demoiselle d’honneur à mon mariage. J’aimerais tellement assister au sien, mais après des mois de recherche d’emploi, je n’ai toujours pas trouvé. Elle organise son mariage dans une île du Sud, et je ne peux pas me payer le vol et l’hôtel en ce moment. Comment lui dire que je ne pourrai pas venir ? »

La fonction « création d’idées » du robot peut faire des suggestions ou des recommandations dans une situation donnée.

La fonction « tutorat » peut enseigner de nouvelles compétences, par exemple à un coureur qui veut s’améliorer ; avec la fonction « planification », ce coureur obtiendrait des plans de repas et d’entraînement, budget inclus.

PHOTO KEITH E. MORRISON, THE NEW YORK TIMES

La fonction « tutorat » du robot conseiller de Google pourrait enseigner de nouvelles compétences, par exemple à un coureur qui veut s’améliorer.

En décembre, les experts en sécurité de l’IA de Google avaient averti que suivre les conseils de vie de l’IA pouvait mener à une diminution « de la santé et du bien-être » ainsi qu’à une perte d’autonomie. Ils ajoutaient que certains utilisateurs fragiles risquaient de penser que leur robot était sentient (capable d’émotions et d’empathie). En mars, lors du lancement du robot Bard, Google a déclaré que les conseils médicaux, financiers ou juridiques sont hors limites. (Bard donne des ressources en matière de santé mentale aux utilisateurs qui se déclarent en détresse psychologique.)

L’évaluation des fonctions n’est pas finie, et Google pourrait décider de ne pas les utiliser.

Un porte-parole de Google DeepMind a déclaré : « Nous travaillons depuis longtemps avec divers partenaires pour évaluer nos recherches et tous nos produits ; c’est essentiel pour élaborer une technologie sûre et utile. De nombreuses évaluations de ce type sont toujours en cours chez Google. Des échantillons isolés de données d’évaluation ne sont pas représentatifs du cheminement de nos produits. »

Robot-journaliste

Google a aussi testé un « assistant pour les journalistes », censé générer des articles, les réécrire et suggérer des titres, a rapporté le New York Times en juillet. Google a présenté ce logiciel, baptisé Genesis, à des cadres du Times, du Washington Post et de News Corp, la société mère du Wall Street Journal.

Selon des documents récents obtenus par le Times, Google DeepMind a aussi évalué des outils qui pourraient favoriser la percée de son IA en milieu de travail en générant des écrits scientifiques, créatifs et professionnels, et en extrayant des données d’un texte. Cela pourrait servir aux travailleurs du savoir dans divers domaines.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Google DeepMind a aussi évalué des outils qui pourraient favoriser la percée de son IA en milieu de travail en extrayant des données d’un texte ou en expliquant des graphiques.

Durant la présentation de décembre, examinée par le Times, les experts en sécurité de l’IA de Google ont aussi exprimé leur inquiétude quant aux conséquences économiques de l’IA générative, affirmant qu’elle pourrait conduire à la « déqualification des rédacteurs créatifs ».

D’autres outils à l’essai peuvent critiquer un argument, expliquer des graphiques et générer des quiz, des mots cachés et des casse-têtes mathématiques.

Une des questions suggérées pour entraîner le robot conseiller laisse entrevoir les capacités croissantes de l’IA : « Fais-moi un résumé de l’article collé ci-dessous. Je suis particulièrement intéressé par ce qu’il dit des capacités que possèdent les humains et qui, selon eux, sont inatteignables par l’IA. »

Cet article a été publié à l’origine dans le New York Times.

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