Vous comprenez mal les dialogues d’un film ou de votre série télé préférée ? Vous êtes loin d’être seul, constate un sondage Léger réalisé pour La Presse. Et s’il est parfois possible d’atténuer le problème, il s’agit souvent de choix artistiques ou technologiques, voire de symptômes de pertes auditives contre lesquels on ne peut rien. Ou si peu.

Sous-titres populaires

Près d’un Québécois sur trois, 31 % plus précisément, regarde la télévision en utilisant des sous-titres. Selon un sondage Léger réalisé pour La Presse du 25 au 28 août auprès d’un échantillon de 1000 personnes représentatif de la population québécoise, la raison principale du recours aux sous-titres est tout à fait logique : 28 % des utilisateurs de sous-titres le font parce qu’ils maîtrisent mal la langue dans laquelle le programme est diffusé. Cette raison est mentionnée par 37 % des francophones.

Cependant, 18 % des utilisateurs de sous-titres répondent « parce que j’entends mal ». Le même pourcentage estime que « la qualité audio est mauvaise ». Aux États-Unis, un sondage mené en juin 2022 par la firme Preply avait donné des résultats encore plus marqués ; 50 % des 1260 Américains sondés avaient précisé utiliser des sous-titres la plupart du temps, et 72 % de ceux-ci avaient blâmé la mauvaise qualité de l’audio. Enfin, 55 % estimaient qu’il est maintenant plus difficile de comprendre les dialogues qu’auparavant.

Bref, ce grief des téléspectateurs est largement répandu. En voici trois causes.

Course à la minceur

Les lourdes télévisions à écran cathodique n’offraient sûrement pas la meilleure image, mais elles disposaient d’un atout qui a disparu depuis au moins une décennie : l’espace. Celui-ci permettait d’intégrer des haut-parleurs plus gros et, surtout, placés à l’avant du téléviseur.

De plus en plus minces, avec des bordures minimales, les téléviseurs récents à diodes électroluminescentes ne permettent le plus souvent l’installation de haut-parleurs qu’à un seul endroit : à l’arrière. À titre d’exemple, un téléviseur comme le plus récent QLED de Samsung a une épaisseur de 2,57 cm sans socle. Un Bravia XR de Sony ? 5,3 cm.

« Il y a trop de compromis technologiques derrière les haut-parleurs des téléviseurs modernes, ils ne sonnent pas bien, estime François Lacasse, mixeur sonore professionnel. Les manufacturiers télé, je serais curieux de savoir combien ils investissent dans le son. On le voit dans les grands magasins, ils sont là pour vendre de l’image. »

C’est une évidence, un haut-parleur orienté vers l’arrière, en sens opposé de l’endroit où s’assoit le téléspectateur, ne livrera pas un son idéal. Le résultat sera encore pire si le téléviseur est collé à un mur avec un support.

La solution la plus simple est d’ajouter une barre de son. Ce marché a explosé depuis 2015, passant de 12,1 à 42 millions d’unités vendues dans le monde, selon Statista. On trouve des modèles dans des gammes de prix très variées, surtout entre 100 et 1000 $. Autre solution : la bonne vieille chaîne stéréo branchée sur le téléviseur. « Le mieux est d’avoir deux bons haut-parleurs et un amplificateur », conseille M. Lacasse.

Problèmes auditifs

Au Québec, on estime que 31 % de la population adulte, soit 2,1 millions de personnes, a des problèmes d’audition, et le phénomène ne cesse de croître, selon les statistiques de l’organisme Audition Québec. « Ce n’est pas tant que l’audition humaine a baissé, mais les gens perdent l’audition de plus en plus jeunes, vers 30 ou 40 ans plutôt que vers 50 ou 60 ans », explique Marie-Ève Léveillé, audiologiste et porte-parole de l’Association québécoise des orthophonistes et audiologistes (AQOA). Une des causes principales : le « fléau » de l’écoute musicale à fort volume avec des écouteurs « que les gens ont tout le temps, même qu’ils dorment parfois avec ».

Un des symptômes de cette perte auditive que constate Mme Léveillé dans sa pratique, c’est le fait de ne plus comprendre les dialogues à la télévision. « C’est souvent une des premières plaintes. On n’a alors plus accès à des indices visuels, on ne voit pas nécessairement les lèvres ou le visage de la personne qui parle », explique-t-elle.

Elle conseille de « donner des moments de pause » à ses oreilles, de réserver des périodes de silence ou de son à bas volume. « Si on dépasse la dose maximale, l’oreille humaine se fatigue. Plus le son est fort, plus la pause doit être longue. »

À la source

En tant que professionnel du son, président et fondateur de Studio Interlock Audio à Montréal, François Lacasse précise d’entrée de jeu qu’« il n’y a rien d’intentionnel » à ce que les dialogues à la télévision soient parfois difficilement compréhensibles. Mais c’est souvent le cas, et les raisons sont multiples, reconnaît-il.

La première explication, bien connue des experts : les artisans d’œuvres travaillent longtemps sur leur production et finissent par s’habituer au son. « On finit par connaître tout ce qui est dit. Même si le son est un peu plus faible, on ne se pose plus la question, on comprend. »

Les dialogues difficiles à comprendre peuvent relever d’un choix artistique, avec des acteurs qui marmonnent ou un réalisateur qui veut désorienter le spectateur. « Le marmonage, c’est ça qui est à la mode. […] Christopher Nolan, dans l’industrie, est connu pour enterrer ses dialogues, il aime laisser un certain mystère. »

Il y a également tout un défi technique à mixer le son d’une œuvre qui sera entendue aussi bien dans une salle de cinéma dernier cri que sur un téléphone cellulaire, en passant par un téléviseur – avec ou sans haut-parleurs d’appoint – et un ordinateur portable. C’est ici que les plateformes de diffusion en continu comme Netflix et Disney+ ont changé la donne.

« Pour la plupart des films, on va faire un mix cinéma et un autre pour la télé. Une plateforme comme Netflix ne va faire qu’un seul mix, ils ont pris l’habitude de mixer tous les shows comme si on avait tous des cinémas maison, avec beaucoup de dynamique. »

Et l’évolution des standards sonores, où on utilise de plus en plus la compression pour réduire les débits de données, affecte la qualité du résultat. « Dès qu’on parle de sans-fil, on parle de compression de données. Ça ne peut pas être meilleur que filaire. L’information est compressée et décompressée, il y a un coût. »