Si vous avez apprécié les vastes territoires à explorer et les combats sanglants des derniers Assassin’s Creed, vous grognerez devant le nouvel opus, Mirage. Ce qui serait dommage, car Ubisoft Bordeaux a bien réussi ce virage ramenant au premier plan la discrétion et une seule ville, Bagdad au IXe siècle.

Assassin’s Creed Mirage, qui arrivera sur les tablettes (façon de parler) ce jeudi 5 octobre, marque réellement un retour aux sources après plusieurs opus guerriers et vastes comme Odyssey et Valhalla. Cette fois-ci, les possibilités d’améliorations d’armes sont limitées, l’action se déroule essentiellement dans Bagdad et ses environs désertiques, et l’enquête et l’infiltration sont plus récompensées que l’attaque frontale et le massacre généralisé. En fait, on vous déconseille d’adopter une tactique ouvertement agressive. D’abord parce que votre personnage n’est pas un combattant très efficace, ensuite parce que vous vous retrouverez avec une mauvaise réputation qui nuira à votre progression.

Nous aurions pu commencer cette critique par la mise en contexte, le nouveau décor dans lequel se déroule Mirage, mais il nous a semblé important après quelque 18 h de jeu de souligner la mécanique différente de ce nouvel opus. Notons que c’est une des rares fois – à l’exception de Syndicate et Odyssey développés à Québec, et de Rogue à Sofia – qu’Ubisoft Montréal n’est pas un des chefs d’orchestre d’un épisode principal. Montréal est cependant un des 12 studios du groupe, avec quelque 120 artisans sur 550, qui ont participé au développement de Mirage.

Initiation à l’assassinat

On est plongé en 861 à Bagdad, alors une des trois plus grandes villes au monde, capitale du nouvel empire arabe et 11 ans avant les évènements relatés dans Valhalla. La reconstitution historique est à la hauteur de ce à quoi Assassin’s Creed a habitué les joueurs depuis 2007. On se balade avec délice dans cette ville labyrinthe aux ruelles grouillant de vie, où s’interpellent des passants en arabe pendant que le muezzin résonne et que les soldats du calife rôdent. On sent tout le soin, presque l’amour que les développeurs ont mis dans ce décor de jeu vidéo, basé sur une authenticité historique solide qu’on peut consulter pendant tout le jeu.

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On personnifie un petit voleur de rue aux grandes ambitions, Basim, qui arrivera à joindre les rangs de ceux qu’on ne voit pas, qui deviendront les Assassins deux siècles plus tard. Au lieu du classique classement de niveau par numéros, il graduera au fur et à mesure de sa formation, d’initié à maître. Il doit tout apprendre, du saut de la foi aux sauts acrobatiques d’un point à un autre, en passant par la mutilation pour sortir ses lames cachées, dans la forteresse légendaire d’Alamut. Pas d’armes variées ici, uniquement une épée et une dague qu’on peut légèrement améliorer, avec cinq « outils » pour bien faire son métier d’assassin.

On ne surprendra pas les habitués en résumant l’essentiel de la quête de Basim : il doit démasquer et tuer les chefs de l’Ordre des Anciens, le sempiternel ennemi dans Assassin’s Creed qui deviendra plus tard les Templiers. S’ajoutent ici les forces du calife, manipulé par l’Ordre, et des rebelles parfois amicaux, parfois imprévisibles.

La mission serait linéaire et pourrait se régler en une trentaine d’heures si des dizaines de ramifications, de missions secondaires et de « contrats » ne venaient l’étoffer. Et si on s’en veut un peu de s’éparpiller et de passer de nombreuses heures à boucler ces missions, il faut avouer qu’elles font partie du plaisir. Elles permettent d’acquérir objets précieux et compétences qui vous faciliteront ensuite la vie.

Pickpocket un jour

On l’a déjà précisé, peu de missions peuvent être bouclées simplement en fonçant dans le tas. Au-delà de trois ou quatre ennemis, Basim est débordé et se fait tuer. En plus, sa « notoriété », que l’on voit s’afficher en bas d’écran, en pâtit. Au premier niveau, les habitants le reconnaissent et appellent les gardes à l’aide. Au deuxième, les soldats tentent de vous intercepter dès qu’ils vous aperçoivent. Au troisième, vous êtes activement recherché. Les seules solutions pour blanchir votre réputation : arracher des murs des avis de recherche, ou payer en « jetons de service de pouvoir » des crieurs de rue, les Munadi.

Ces jetons, qui sont divisés en trois catégories, sont obtenus en menant à bien certaines missions. On doit également utiliser les compétences passées de Basim en détroussant des gens dans la rue. La méthode est rigolote : il faut non seulement lancer le vol, mais également cliquer une deuxième fois à un moment bien précis. Plus le vol est important, par exemple pour ces « éclats mystérieux » qui permettent d’acquérir de nouvelles armes, plus l’opération est délicate.

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Toute cette mécanique fait d’Assassin’s Creed Mirage un jeu où les heures défilent sans qu’on les voie passer. Les nouvelles mécaniques ne déboussoleront pas les habitués, qui retrouveront les quêtes, récoltes de trésors, l’aigle, les parkours et sauts de la foi qu’ils connaissent. Ils retrouveront aussi quelques défauts agaçants, à commencer par la multiplication des enquêtes et missions. On a pourtant fait un effort pour les limiter, assure-t-on chez Ubisoft, pour pouvoir boucler le jeu en moins de 30 heures. Ce qui nous semble impossible si on a la manie, comme bien des joueurs, de vouloir tout découvrir.

Les amateurs de jeu vidéo narratif, ceux qui aiment les scénarios bien ficelés aux ressorts étonnants et au ton unique, ne sont pas la clientèle cible ici. Dommage, car les premières heures, celles où Basim déploie son humour taquin, sont prometteuses. La quête des suppôts de l’Ordre réserve quelques surprises, mais elle est surtout un support pour déployer la mécanique du jeu, qui est de haut niveau, comme Ubisoft sait si bien le faire.

Et on ne s’en plaindra pas trop fort, puisque ce défaut permet de boucler des missions qui semblent impossibles : les ennemis sont parfois vraiment stupides. Ils vont voir un des leurs mort et retourner comme si de rien n’était à leur ronde. Bien caché, on peut les attraper un après l’autre sans sonner l’alarme.

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Mais Assassin’s Creed Mirage demeure un bon cru, pas de doute, qui arrive à renouveler un peu le genre sans le chambarder. On a trouvé un bon équilibre entre discrétion et combats, la quête est assez prenante pour accrocher son joueur et la qualité graphique est magistrale. Il faudra du recul pour juger s’il s’agit du meilleur opus de la série, comme l’ont déjà décrété certains critiques qui l’ont essayé brièvement le mois dernier. La compétition est forte pour ce titre.

Dans une version précédente, nous avons omis de mentioner Assassin’s Creed Syndicate et Rogue comme exemples de jeu de la franchise dont Montréal n’a pas été un des chefs d’orchestre.

Assassin’s Creed Mirage

  • Développeur : Ubisoft Bordeaux
  • Genre : Action-aventure
  • Prix : À partir de 69,99 $
  • Date de sortie : 5 octobre 2023

Note : 8,5 sur 10

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