La première œuvre du studio indépendant montréalais Lowbirth Games se démarque par un ton et un graphisme d’une grande originalité. La cofondatrice et productrice Chloé Lussier explique d’où est venue l’inspiration.

La Presse : Quelles sont les influences de This Bed We Made ?

Chloé Lussier : Les plus grosses influences au niveau de la jouabilité sont les jeux de DON’T NODE, la série Life is Strange. D’ailleurs, on a eu le plaisir d’échanger avec l’équipe de DON’T NODE à plusieurs reprises. C’est un peu comme nos idoles, ça nous a vraiment fait plaisir. Ce sont des jeux qu’on a adorés en tant que joueurs et joueuses, on trouve qu’ils ont fait un travail incroyable de rejoindre un public qui est trop souvent oublié : une adolescente, dans une école secondaire qui doit résoudre un crime.

PHOTO FOURNIE PAR LOWBIRTH GAMES

Chloé Lussier, productrice de This Bed We Made et cofondatrice du studio Lowbirth Games.

Pour l’histoire, des plans de caméra, de la musique, on s’est énormément inspiré de l’œuvre de Hitchcock. C’est un incontournable à toutes les époques, mais pour les années 50, c’est difficile de passer à côté de Hitchcock et de son influence. Il y a même de petits « Easter Eggs » dans le jeu, on s’est amusé à faire des petites références ici et là, à certaines de nos œuvres fétiches.

Pourquoi avoir choisi Montréal en 1958, un hôtel de luxe, une femme de chambre dans l’hôtel Clarington ?

CL : La raison principale, c’est parce qu’on aime notre ville, puis on avait envie de le montrer. Puis on se disait : « Tiens, un hôtel, c’est tellement similaire d’une ville à l’autre, c’est comme une espèce d’oasis, peu importe dans quelle ville tu vas. » Ça aurait pu se passer à peu près n’importe où.

Aussi, ça me fait vraiment vraiment plaisir de montrer notre culture.

Les années 50, ce ne sont pas nécessairement les plus glorieuses dans notre histoire, c’est la Grande noirceur. Mais il y a quand même des choses exceptionnelles qui se sont passées au Québec dans ces années-là.

Et puis, il y a des gens qui peut-être sont un peu plus dans l’ombre, mais qui se sont quand même battus pour que leur identité marginalisée ne soit pas mise de côté. On voulait un peu mettre une nouvelle lentille sur cette époque-là, très mal aimée de l’histoire du Québec. On trouvait que le potentiel narratif associé à ça était très très fort.

Ça nous permet justement un peu de revisiter cette époque-là de notre histoire, de mettre de l’avant des héros et des héroïnes atypiques.

On n’a pas l’habitude de voir des femmes de chambre comme protagoniste dans un jeu vidéo. Ça nous permettait de faire quelque chose de différent, permettant aux joueurs et joueuses de faire le détective, mais sans l’autorité d’une personne qui est dans la police. Un peu une héroïne de la vie quotidienne, quoi.

Quel est le plus important pour votre équipe : le graphisme, l’enquête ou le message social ?

CL : Ouf, c’est difficile comme question. Ce ne sont pas de choses qui sont décollées une de l’autre. On ne travaille pas en silo, on n’est pas une équipe de 1000 personnes. Au final, c’est certain que l’histoire, c’est la partie la plus importante. Mais à mon sens, une histoire, ce n’est pas seulement raconté par les dialogues, c’est raconté aussi par les choix de couleur, par les plans de caméra, par le design des personnages. Des développeurs de jeux vidéo ont l’impression qu’ils doivent sacrifier des choses pour que l’histoire soit intéressante. Moi, c’est tout le contraire : tout est fait dans le but de raconter une histoire. Tout le monde dans l’équipe est un peu écrivain à sa façon.

Dans le même ordre d’idée, je pourrais dire que les joueurs et joueuses aussi participent à raconter l’histoire. Leur interaction a un impact direct sur le déroulement de l’histoire.

Qu’est-ce qui a été le plus compliqué à réaliser dans cette aventure de près de quatre ans ?

C’est sûr que la pandémie a joué un rôle important dans le développement de studio, parce qu’on a commencé notre studio en 2019, tout juste avant. La première année, on était seulement les trois fondateurs. Quand on a eu les opportunités qui nous ont permis de grossir notre équipe, on était en 2020, donc on a un peu bâti notre équipe en pleine pandémie. C’est sûr que c’est un peu particulier.

La pandémie a également eu l’effet d’intéresser beaucoup de gens aux jeux vidéo et ça, c’est un thème central pour nous : on voulait que le jeu soit très accessible à des gens qui n’ont peut-être pas touché à des jeux vidéo depuis de longues années. C’est qu’on voulait justement se créer un code de référence. Les jeux vidéo, ce sont souvent des œuvres « auto-référentielles » avec beaucoup d’hommages à d’autres jeux. On est tellement amoureux de notre passe-temps préféré qu’on a tendance à multiplier les références. Nous, on a par contre consulté des designers de mode, d’intérieur, pour justement essayer d’aller chercher autre chose.

Pour des considérations de concision et de clarté, cette entrevue a été éditée.

Lisez notre critique du jeu This Bed We Made