Issue d’une technologie québécoise, testée par les policiers, transformant leur téléphone en caméra corporelle, l’application Robine est maintenant offerte aux simples civils.

Pour 42 $ ou 72 $ par mois, pour les personnes considérées comme « à haut risque de violence », cette application mobile envoie d’abord les captations vidéo dans une voûte infonuagique. Une centrale de surveillance enregistre par ailleurs la géolocalisation, authentifie les vidéos et peut transmettre le tout aux forces policières. Toutes les données sont authentifiées et peuvent être utilisées en cour.

Développée depuis cinq ans, Robine est actuellement utilisée par 31 femmes et 2 hommes qui ont « des besoins urgents en protection personnelle », précise le cocréateur de l’application, Gino Désautels. Le service s’adresse par exemple à des femmes victimes de violence conjugale, à des jeunes qui subissent de l’intimidation ou à des personnalités publiques qui auraient besoin de sécurité accrue.

« Il y a quelques années, on a développé des solutions pour les policiers, pour les applications mobiles qui transforment les téléphones en bodycam, explique M. Désautels. On a décidé de prendre cette technologie-là et de la rendre disponible pour les personnes à haut risque de violence. »

Effet dissuasif

Robine est une réponse à l’appel du premier ministre François Legault qui, en 2021, avait appelé les Québécois à se mobiliser après une vague de féminicides, explique M. Désautels.

PHOTO FOURNIE PAR EYENATION

Le cocréateur de l’application Robine, Gino Désautels

On voyait qu’il y avait beaucoup d’organismes qui travaillaient sur la sensibilisation, mais il n’y avait pas beaucoup d’entreprises privées.

Gino Désautels, cocréateur de l’application Robine

Robine ne remplace pas les services d’urgence, précise-t-il, mais « peut favoriser un retour à la vie normale ». Il donne en exemple une femme divorcée qui craint de rencontrer son ex-conjoint violent, à qui elle doit laisser les enfants pour sa période de garde. Toute la scène peut être filmée par l’application Robine, transmise en direct à la centrale de surveillance et donc conservée même si le téléphone est arraché.

D’entrée de jeu, le fait de filmer la scène et de prévenir l’agresseur potentiel qu’une centrale de surveillance est à l’écoute a un effet dissuasif évident, note le cocréateur.

« La police ne peut pas être à côté de toi tout le temps, tous les jours, mais nous autres, oui […]. Nous, on supervise ce genre d’évènements à risque. On est avisés et, si la situation dégénère puis que la cliente n’est pas capable d’appeler le 911, on le fait pour elle et on transmet les images à l’autopatrouille la plus proche. »

Un « investissement »

Robine a été testée « en profondeur », affirme-t-il, avec des expériences dans les maisons d’hébergement, dans les centres d’appels d’urgence 911, lors de patrouilles avec des policiers.

« Aujourd’hui, on est prêt et on a des commentaires absolument fantastiques. On change la vie des gens. C’est très gratifiant d’entendre les commentaires de ceux qui nous disent : “Moi, je ne voulais plus sortir de chez moi, je ne voulais plus travailler parce que j’étais à risque à chaque fois je me déplaçais.” Ça permet un retour à la vie normale à ces personnes. »

Le coût élevé de cette protection, 42 ou 72 $ par mois, il le voit comme un « investissement », pour la victime tout comme pour la société. « Une personne qui ne travaille pas ne paye pas d’impôts, puis ça, ça coûte cher à la société. » Cet abonnement est techniquement admissible à un remboursement, le propriétaire de Robine, EyeNation, étant un fournisseur autorisé de l’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) et de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Le site web de Robine offre par ailleurs une section pour vérifier si une personne est admissible au remboursement d’un forfait de protection avancée.