Roots of Yggdrasil, le quatrième jeu du studio montréalais indépendant ManaVoid, est le fantasme ultime de l’amateur de gestion de villes à la SimCity, réinventé ici par la mythologie nordique avec une touche d’éternel recommencement. Un jeu magnifique mais exigeant, dans une démarche ambitieuse pleinement assumée.

Il existe beaucoup de prétendants à la succession du jeu SimCity popularisé par Maxis à partir de 1989, et probablement autant de variations sur le concept de « roguelike », né du jeu Rogue en 1980. Les deux font frémir tout aficionado du jeu vidéo. Quant à la mythologie viking, elle est, avec les zombies, un des thèmes préférés du jeu vidéo, au cœur d’au moins une soixantaine d’œuvres depuis une décennie.

Qui d’autre que ManaVoid, le prolifique studio montréalais à qui on doit déjà Epic Manager, Rainbow Billy et Checkmate Showdown depuis 2014, pouvait avoir l’idée de regrouper ces influences et leur donner un sens ? Qui d’autre qu’un groupe d’artisans mené par le PDG et cofondateur Christopher Chancey, également président du conseil d’administration de la Guilde du jeu vidéo du Québec depuis 2021 et cofondateur en 2019 du collectif Indie Asylum qui regroupe 12 studios indépendants, pouvait avoir l’audace de reprendre non pas un, mais trois thèmes cultes du jeu vidéo ?

Répartir à zéro

Voici donc Roots of Yggdrasil, qui a été révélé au public en février 2023 avec une campagne Kickstarter dont l’objectif initial de 20 000 $ a été atteint en cinq jours. En date de ce dimanche 14 janvier 2024, 1050 contributeurs ont versé 39 175 $, un succès prometteur pour une œuvre indépendante qui sera disponible en accès anticipé sur Steam à compter du 24 janvier prochain.

Yggdrasil, pour les Vikings, est l’Arbre-Monde sur lequel repose le monde et ses neuf royaumes. Dans le jeu de ManaVoid, après la destruction du monde par le Ragnarok, une poignée de survivants menés par une jeune femme, Sunna, devra repeupler et revigorer le monde une île à la fois, en obtenant suffisamment de Pousses pour alimenter le Navire. En récoltant notamment des Noix de trois sortes différentes, on obtient des améliorations qui permettront d’améliorer les Racines d’Yggdrasil (d’où le nom du jeu) pour boucler le jeu.

CAPTURE D’ÉCRAN

Tout irait bien si les efforts pour peupler les îles n’étaient rapidement bousillés par l’arrivée d’une tempête, un vortex appelé Ginnungagap. Vous le voyez apparaître après un certain nombre de tours, avancer graduellement et engloutir votre navire si vous n’avez pas récupéré suffisamment de Pousses pour qu’il puisse reprendre le voyage. Alors, comme dans tout bon roguelike, vous perdez presque toute votre progression et devez repartir à zéro.

CAPTURE D’ÉCRAN

Le cœur du jeu, ici, c’est le développement des îles sur lesquelles vous vous installez. Et les règles sont très complexes, au point où une dizaine d’heures de jeu dans notre cas ne nous permettent pas encore de toutes les saisir. C’est manifestement voulu, tout comme on ne révèle pas toutes les subtilités de la progression dans SimCity d’entrée de jeu. Dans Roots of Yggdrasil, la difficulté est amenée à tout autre niveau, puisqu’on ne sait pas a priori quels sont les effets d’ingrédients mystérieux comme l’Eitr ou le Connecteur d’Eitr, l’utilité du fer ou des arbustes, des observatoires, des casernes ou du puits d’eau. Il faut tout essayer, tenter de développer sa communauté pour espérer quitter l’île à temps pour continuer l’aventure.

Coloniser et explorer

Les premières étapes de la colonisation sont assez simples à saisir. À partir du tableau de bord appelé Holt, vous avez le choix entre plusieurs îles qui demandent un certain temps à atteindre, et vous avez une banque de temps limité. Vous débarquez sur une île et vous devez la peupler. Vous disposez d’une série de cartes en main, d’autres sont cachées dans la pioche d’où proviendront trois cartes à chaque tour. Pour accomplir votre tour, vous devez utiliser les cartes que vous avez en main. Il y en a des dizaines de types différents ; prenons les exemples les plus utilisés. Pour coloniser, vous devez placer sur le terrain, à un endroit accessible qui apparaîtra en vert, une carte Habitation solide. Elle demande 2 unités de provision la première fois, et son coût augmente chaque fois. En haut à gauche, vous voyez le nombre d’unités de provision, de force et d’Eitr dont vous disposez. Ce nombre augmente théoriquement à chaque tour, à moins que vos installations fassent en sorte que vous consommiez plus que ce que vous produisez.

CAPTURE D’ÉCRAN

L’île, à votre arrivée, n’est accessible qu’en partie. Vous devez l’explorer en sélectionnant des plaquettes qui requièrent un certain nombre d’unités de force. Au bout d’un certain nombre de tours, une nouvelle zone est disponible et vous pourrez y déposer une de vos cartes. Camp de bûcheron, carrière ou mine de fer, arbuste, connecteur d’Eitr pour déplacer cette ressource d’un endroit à un autre, dépôt de bois, armurerie, à vous de comprendre à quoi ils servent. Vous aurez également en main des cartes comme Marché, Statue du héros, Malédiction, Hengue runique et des missions affichées sur l’écran en haut à droite vous enjoignant d’atteindre un certain niveau de population, de construire un type de bâtiment ou d’accomplir des missions.

L’art de réinventer

Le but ultime est de gagner des Pousses en remplissant certaines conditions. Il faut par exemple qu’une unité d’Eitr soit à proximité ou qu’un bâtiment de production comme une Raffinerie soit construit. Comment ? À vous de trouver par essais-erreurs. Honnêtement, après plusieurs séances de jeu, nous sommes loin d’avoir saisi la plupart des mécaniques. On dispose de quelques indications, mais elles sont minimales et ne révèlent pas tous les effets de vos actions. Comme nous avons joué sur une version préliminaire qui n’est pas à 100 % celle qui sera offerte aux joueurs le 24 janvier prochain, peut-être que des tutoriels et des aides plus complètes seront intégrés.

CAPTURE D’ÉCRAN

Côté design, Roots of Yggdrasil est superbe, avec un trait de dessin crayonné sur fond de musique médiévale. Pas d’animations ou de cinématiques spectaculaires, ici, tout est mis dans le concept et la mécanique qu’on devine enrichie par l’inventivité sans limites des artisans de ManaVoid. Et même si le jeu a clairement des références connues, vous n’aurez jamais vu sur votre écran une œuvre comme Roots of Yggdrasil.

Roots of Yggdrasil

  • Développeur et éditeur : ManaVoid Entertainement
  • Plateforme : PC
  • Sortie : 24 janvier 2024 (Accès préliminaire sur Steam)
  • Prix : 14,99 $ US

Note : 8,5 sur 10

Testé sur un PC avec une copie fournie par ManaVoid Entertainement

Visitez la page officielle de Roots of Yggdrasil sur Steam