Combien d'heures par semaine votre jeune consacre-t-il aux jeux vidéo? Et, surtout, que peut-il en retirer?

Combien d'heures par semaine votre jeune consacre-t-il aux jeux vidéo? Et, surtout, que peut-il en retirer?

La question faisait l'objet d'un colloque réunissant les rares chercheurs universitaires francophones qui s'intéressent à la question, hier au congrès de l'ACFAS.

«Les jeux vidéo sont un phénomène social qui est trop peu étudié par les universitaires, et souvent mal, déplore Laurent Tremel, du Musée national de l'Éducation-INRP à Rouen. Les connaissances sur ce médium me paraissent extrêmement pauvres par rapport à un phénomène économiquement et socialement très important.»

Sa propre expérience l'a notamment amené à s'intéresser aux jeux de rôle, dans lesquels le joueur incarne un personnage évoluant dans des univers virtuels de plus en plus riches, des univers dans lesquels il peut interagir en ligne avec des milliers, voire des dizaines de milliers d'autres joueurs.

«Dans ces mondes, on peut développer un personnage (un «avatar») tel qu'on le désire, et le faire évoluer pour atteindre des niveaux de plus en plus élevés dans un monde imaginaire. Dans un jeu, ils peuvent incarner des grands hommes, des vedettes du sport, même des dieux«, explique M. Tremel.

Les joueurs peuvent ainsi y vivre des existences virtuelles, ou s'échapper de leur propre réalité.

«La fonction sociale des jeux vidéo est de créer de la réussite et du plaisir pour rendre plus agréable une existence quotidienne problématique, notamment pour les jeunes qui ont du mal à s'insérer dans la société. Par exemple, un jeune vivant dans un cadre urbain peut être amené à se projeter une forêt bucolique, peuplée de créatures magiques», constate le chercheur.

N'y a-t-il pas là risque de dérive? Risque de voir le joueur sombrer dans ce monde virtuel au détriment de la réalité?

«C'est aux parents d'essayer de faire la part des choses, prévient M. Tremel. Ils ont raison de s'inquiéter du temps qu'un enfant peut passer seul devant un ordinateur. Dans un jeu en ligne comme "The Sims II", par exemple, la vie des personnages est modélisée à partir de paramètres simplifiés, mais la vraie vie est beaucoup plus problématique.»

Dans ce contexte, les critiques ne manquent pas pour dénoncer l'univers des jeux vidéo, et de leur influence présumément néfaste sur la jeunesse.

«Les critiques extrémistes relèvent souvent d'une méconnaissance et ont tendance à globaliser», estime toutefois M. Tremel, tout aussi sceptique sur la notion de «bons» et «mauvais» jeux véhiculés par les concepteurs.

«Les bons jeux posent tout autant de problèmes que les mauvais jeux», souligne-t-il, en donnant l'exemple de la série "Age of Empires" qui permettrait, selon certains, de contribuer à l'apprentissage de l'Histoire.

«C'est une proposition grotesque, affirme-t-il. Ces jeux présentent une vision réductrice de l'Histoire, avec des notions construites autour de la guerre. Souvent, la vision qu'ils présentent est biaisée par des perspectives d'ordre idéologique.»

Autant de raisons, selon lui, pour approfondir l'étude des jeux vidéo, de leur réception par les différents groupes en fonction de l'âge et du sexe (les filles, en général, s'y intéressent peu) et de leur fonction sociale. Mais ces études sont rares.

«Elles sont quasiment inexistantes en France, où le sujet n'est pas considéré comme légitime au niveau universitaire. Il nous manque des bases objectives pour prendre conscience de l'importance du phénomène», déplore M. Tremel. Il estime que le colloque d'hier contribuera à faire avancer la recherche dans ce domaine.

Le secteur du jeu vidéo vous intéresse? Consultez le blogue de Sébastien Ebacher.