Avant que Grand Corps Malade monte sur la scène du parc de la Francophonie, dimanche, au Festival d'été, certains se demanderont peut-être comment un gars qui récite de la poésie sur un léger fond musical peut empêcher son public de somnoler.

Sur disque, on ne se pose plus la question. Envoûtés par sa grave voix magnétique et ses textes truculents sur la banlieue parisienne, l'amour comme des voyages en train et le combat entre le coeur, la tête et les couilles, au moins 20 000 Québécois ont craqué pour Midi 20, le premier album du slameur de Seine-Saint-Denis.

Mais sur scène?

Aux sceptiques, il faudrait rappeler qu'en soi, le slam sur disque est une anomalie. «La scène slam, c'est de l'a cappella, c'est le partage de la scène, du live», explique Grand Corps Malade, lors d'une entrevue réalisée ce printemps, des bureaux parisiens de Universal, sa maison de disques. «Les gens, ils sont là pour le plaisir, pas pour essayer d'en vivre de manière professionnelle, les gens viennent juste de temps en temps s'éclater.»

Réplique du spoken word américain, le slam existe depuis une dizaine d'années en France. À la base, c'est de la poésie clamée devant un public, sans musique. Une poésie moins hermétique que celle qu'on retrouve dans les recueils, avec de gros mots, mais aussi de jolies tournures de phrase. Les slameurs se réunissent dans les bars et les cafés, parfois pour des compétitions où ils disposent de quelques minutes pour impressionner la galerie.

Grand Corps Malade a commencé dans les bars et les cafés de Saint-Denis. «C'est ce qui m'a nourri, qui m'a donné envie d'écrire, de faire des disques», dit-il. Encore aujourd'hui, Fabien Marsaud (vrai nom) continue de slamer dans les bars et d'animer des soirées slam.

Explosion

Depuis que Midi 20 est sorti, le nombre de scènes slam a explosé en France, a constaté GCM. «Comme mon disque a bien marché, j'ai eu l'occasion de parler beaucoup de slam aux médias. (...) Le projecteur qui était sur moi pour l'album, j'ai essayé de le dévier un peu et d'éclairer ce qu'était vraiment le slam.»

Certaines écoles françaises ont même mis sur pied des ateliers d'écriture de slam. «Les profs ont compris que le slam était une façon pour les élèves de s'approprier un peu la langue, dit-il, de s'approprier la poésie, et pas juste de réciter des textes par coeur de poètes d'une autre époque.»

Au Québec aussi, le slam est sorti de l'anonymat. Québec a sa ligue de slam - Slam-cap - depuis l'an dernier. Une fois par mois, des poètes, des rappeurs et des conteurs s'affrontent au café-bar l'AgitéE. À Montréal, des soirées slam-poésie organisées par le slameur Ivy - qui vient de sortir un album - existent depuis deux ans et font régulièrement salle comble.

Jusqu'à maintenant, Grand Corps Malade n'a présenté qu'un concert au Québec. C'était l'été dernier, à Montréal, aux FrancoFolies. L'ambassadeur du slam avait déjà fait fureur en France, en Suisse et en Belgique. Il anticipait une réponse enthousiaste dans la métropole québécoise, mais peut-être pas que son concert soit un des premiers à guichets fermés des Francos.

«Je ne m'attendais pas à ce que le public soit si réactif, se rappelle-t-il. Il s'est levé deux ou trois fois. Sur les 120 concerts qu'on a pu faire, je pense vraiment que ça fait partie des salles les plus chaudes.»

Grand Corps Malade au parc de la Francophonie à Québec

Dimanche, 21h45