Pour avoir tenu des propos injurieux contre Patrick Bruel en le traitant de «menteur» et de «militaire israélien» lors d'une émission des Francs-tireurs, à Télé-Québec, l'humoriste Dieudonné est condamné à payer 75 000 $ au chanteur-acteur.

Dieudonné n'a jamais répliqué à cette poursuite en diffamation intentée au Québec en 2007, et il n'a jamais mandaté d'avocat pour le représenter. Il a été condamné par défaut cette semaine par Me Danièle Besner, greffière spéciale de la Cour supérieure à Montréal. La requête visait essentiellement à obtenir des dommages moraux et exemplaires. Elle avait été déposée par Patrick Bruel Benguigui (de son nom véritable), contre Dieudonné M'Bala M'Bala (de son vrai nom aussi), et se chiffrait au départ à 175 000$. M. Bruel soulignait le «caractère répétitif» des agissements de Dieudonné ainsi que sa «mauvaise foi».

Me Besner a toutefois réduit les dommages étant donné que l'émission n'a été diffusée qu'une seule fois, le 29 novembre 2006, à Télé-Québec. S'étant découvert un «souci» juridique après la première diffusion, Zone 3, producteur de l'émission, avait en effet décidé de ne pas la rediffuser. Cela avait franchement déplu à l'animateur Richard Martineau, qui avait qualifié le producteur de «pleutre». L'extrait s'est cependant retrouvé sur YouTube, où il avait été visionné 57 615 fois au 8 juillet dernier. «C'est peu élevé, compte tenu du potentiel reconnu de YouTube», a noté Me Besner.

L'entretien de Richard Martineau avec Dieudonné avait été tourné en France. Au sujet de Bruel, Dieudonné avait déclaré: Il soutient activement l'armée israélienne. C'est quasiment un militaire israélien. Donc quand on bombarde le Sud-Liban et qu'on tue des enfants palestiniens, lui, pour lui, c'est normal.»

Dieudonné avait poursuivi sur sa lancée en soutenant que Bruel «est un produit même de ce système politique ultrasioniste, c'est un supermilitant... il a le complexe de supériorité de certains Israéliens». Il avait ajouté que Bruel est un «menteur qui ment à son public depuis toujours». Il faut dire que, peu de temps auparavant, à l'émission Tout le monde en parle, à Radio Canada, Bruel s'était étonné de la tribune qu'on donnait à Dieudonné. De toute évidence, les deux ne s'aiment pas beaucoup.

En mains propres

Dans la foulée de cette déclaration, Bruel a intenté une poursuite.

«Il y a un choix clair des termes dans le but de choquer... Il est conscient du fait qu'il blesse M. Bruel et le choque par ses propos. Le défendeur utilise la notoriété de monsieur Bruel pour augmenter sa propre notoriété et c'est pourquoi il s'attaque également à l'image de monsieur Bruel en tant que vedette... Il a déjà tenu des propos antisémites dans le passé», avaient notamment fait valoir les avocats de M. Bruel dans leur demande.

Dieudonné ne s'est jamais défendu, mais des huissiers lui ont remis signification de l'action en mains propres, assure Me Catherine Mandeville, l'une des avocates qui représentaient M. Bruel dans cette affaire. Quelle est la portée d'un tel jugement, étant donné que Dieudonné réside en France? «Normalement, il y a une procédure relativement simple pour faire exécuter un jugement entre les pays qui ont des systèmes de justice semblables. On devrait être capable de faire exemplifier ce jugement-là en France», explique l'avocate.

Comme Patrick Bruel est en voyage, Me Mandeville n'avait pas encore réussi à le joindre pour l'aviser du jugement.

Spécialiste de la provocation, Dieudonné a déjà été condamné en France pour des propos jugés comme des incitations à la «haine raciale.»