À partir d'aujourd'hui, le quartier DIX30 de Brossard est assailli par des lapins qui surgissent de chapeaux haut-de-forme, des boîtes à charcuter des femmes et des mouchoirs qui se métamorphosent en colombes. Pour la première fois de son histoire, l'Association canadienne des magiciens a convié ses membres au Québec, pour son congrès annuel. Quel avenir pour la magie?

Secrets professionnels qui se volatilisent sur YouTube. Difficulté de créer des trucs innovateurs, quand tout a été vu et fait 1000 fois par Houdini, Copperfield et tous les autres Alain Choquette. Sous-représentation des femmes dans un métier où, de tous temps, elles ont surtout servi d'accessoires ou de faire-valoir. Besoin de collégialité d'une communauté d'artistes un peu en marge... Environ 300 magiciens se sont donné rendez-vous au théâtre L'étoile jusqu'à dimanche, pour l'événement CAMaraderie 2009, un week-end d'ateliers destinés aux pros et de performances pour le grand public.  

«Un congrès comme celui-là nous donne l'occasion d'apprendre de nouveaux trucs et offre plusieurs opportunités professionnelles», confie le magicien David Acer, reconnu pour son truc de cartes à jouer qui disparaissent en fumée.

 

Selon Acer, la relève magicienne rencontre de nos jours des défis générés par la circulation sur l'Internet de secrets autrefois jalousement gardés. «Il est devenu facile d'apprendre les règles fondamentales de la magie. Au cours des 10 dernières années, plusieurs émissions de télé ont aussi exposé des secrets. En cette ère de l'information, le grand défi est de réussir à mystifier les gens.»

 

Les sujets abordés lors du congrès iront de la micromagie à la manipulation de colombes jusqu'aux grande illusions, souligne Marc Trudel, l'un des organisateurs de l'événement. «Une des conférences sera donnée par Bob Fitsh, un spécialiste en tricherie engagé par les casinos», mentionne l'ancien «magicien officiel» du Musée Juste pour Rire.

 

Comment les magiciens professionnels peuvent-ils tirer leur épingle du jeu et vivre de leur baguette magique dans un monde du divertissement dominé par Vegas, Macao, les Siegfried et Roy et les mégaspectacles du Cirque du Soleil?

 

Selon David Acer, magicien reconnu pour son côté cabotin - on le qualifie de mélange entre Howie Mandell et Robin Williams -, l'explosion du domaine du divertissement a créé un marché pour des formes plus modestes de magie. «Il y a une demande pour les spectacles qui s'adresse à des petits groupes de gens», souligne ce Torontois,

Marc Trudel, qui fait partie de la quinzaine de magiciens québécois à vivre de leur art, arrive à gagner honnêtement sa vie en se produisant dans les entreprises et les écoles. Un univers peut-être pas très «glamour» mais lucratif, selon ce magicien dans la mi-vingtaine qui avait à peu près le même âge qu'Harry Potter lorsqu'il a commencé à pratiquer son art. D'ailleurs, la magie recrute très jeune ses virtuoses, qui sont le plus souvent initiés à leur vocation par un kit reçu à Noël.

 

«À part ma conjointe Sophie-Anne (qui est aussi magicienne), peu de gens de mon entourage connaissent mes trucs. Comme j'ai commencé à fréquenter les congrès de magiciens à 10-12 ans, mon père (mort aujourd'hui) m'accompagnait à ces événements et connaissait certains de mes secrets. Mais le jour où j'ai été capable d'exécuter un tour qu'il ne comprenait pas, j'ai su que j'étais rendu quelque part...»

 

Comment devient-on magicien en 2009? En misant sur l'originalité et en développant une personnalité unique. Marc Trudel, qui a gagné le Championnat canadien de magie sur scène en 2007 avec un numéro de cartes à jouer qui grossissent et explosent, estime qu'il y aura toujours des spectateurs pour applaudir des trucs vieux comme le monde.

 

Encore aujourd'hui, on continue d'applaudir des performances de femmes tranchées en deux dans des boîtes et de colombes qui se volatilisent.

 

Selon Éric Leclerc, un magicien québécois qui vit à Toronto, «il y aura toujours une place pour l'innovation et les nouveaux trucs, même si on a pas mal tout vu aujourd'hui, grâce aux David Copperfield et David Blaine».

 

Et malgré YouTube ou ces magiciens masqués qui divulguent des secrets ancestraux à la télé, des mordus de magie continuent à inventer de nouveaux trucs dans leur laboratoire. «Au congrès, certains conférenciers vont exposer de nouvelles façons d'exécuter de vieux trucs, comme par exemple de faire apparaître des colombes», confie Marc Trudel. Le grand public, quant à lui, pourra s'immiscer dans le monde magique en assistant au Championnat canadien de magie (demain soir) et à la Soirée fantastique de Montréal animée par l'illustre Alain Choquette (dimanche soir).

 

Ce week-end, Brossard rime avec Poudlard...

 

CAMaraderie 2009, jusqu'à dimanche, au théâtre L'étoile du complexe DIX30, à Brossard.