Les Québécois ne pouvaient espérer une plus belle journée pour célébrer la 175e édition de leur Fête nationale, eux qui ont exhibé dans l'allégresse drapeaux bleus et coups de soleil hier, au parc Maisonneuve. Et le nouvel animateur du Grand spectacle de la Saint-Jean, Guy A. Lepage, a sûrement soufflé - et sué - un coup en constatant que le ciel, bleu Québec au-dessus des têtes des 250 000 spectateurs (selon les organisateurs), ne viendrait pas gâcher son premier spectacle.

Après le «cycle Brathwaite» de la Fête nationale montréalaise, Lepage, qui lui succédait, a répondu aux attentes en imposant ce ton à la fois drôle et cinglant qu'on lui connaît. Un ton qui, soit dit en passant, se mariait bien avec la facture musicale de la soirée, décidément plus rock que par les années précédentes, plus punchée, bien desservie par une sélection d'artistes venant à la fois de la pop fédératrice (Marie-Mai) et de la frange plus avant-gardiste (Karkwa) de notre musique populaire.

 

Preuve que notre Saint-Jean a retrouvé de l'aplomb, on a choisi de lancer le spectacle à 21h avec J'ai l'rock and roll pis toé, classique d'Offenbach, propulsé par Éric Lapointe, Marie-Mai, Ariane Moffatt, Karkwa, Zébulon et le reste de la bande de musiciens fleurdelisés, accompagnés par ces cols bleus (à ne pas confondre avec les cous bleus...) du rock que sont les Porn Flakes. Surfant sur ce premier élan, Marie-Mai a ensuite canardé Mentir, et la fête était lancée.

Le gros rock qui garde son public sur la touche n'était pas que le seul plat au menu de la soirée: Ariane Moffatt, revenue de son exil parisien, nous a fait danser sur son succès Je veux tout, La Bottine Souriante (qui a donné une longue performance plus tôt dans la journée) nous a fait giguer grâce à La Grand' Côte, alors que Florence K. nous offrait Las Calles del sur un ton de pop-jazz cubain.

Les moments qu'on garde en souvenir? Ariane et Karkwa entonnant Mille après Mille de Gerry Joly durant ce pot-pourri «Coups de coeur» ... qui s'est conclu par un duo Lepage-Marie-Mai chantant Tourne la page de René et Nathalie Simard! Aussi, le pot-pourri des groupes marquant de la pop québécoise était particulièrement réussi, alors que les chanteurs se sont échangé Illégal, Le Picbois, La Rue Principale et La Maudite Machine, cette dernière interprétée par Karkwa. Depuis le temps qu'on les compare à Octobre!

Tout le long de la soirée, les propos à teneur politique sont demeurés dans les limites du consensus. S'il fallait trouver une devise à ce spectacle, ce serait, comme l'a maintes fois répété l'animateur: «Je nous souhaite le Québec que nous méritons», formulation qui a l'avantage d'être encourageante tout en restant assez neutre. Après tout, «c'est la fête de tous les Québécois», a souligné Guy A. Lepage, une déclaration qui peut aussi être entendue comme une réponse à la tempête autour de la présence d'artistes anglo-montréalais la veille, lors du spectacle de L'Autre Saint-Jean au parc du Pélican du quartier Rosemont. Mais pour les indépendantistes, la finale du spectacle, le succès Terre Promise puissamment envoyé par Éric Lapointe, suffisait à la fête.

Un concert rythmé

Entre déclarations enflammées envers le peuple québécois - à cet égard, on se souviendra davantage de la performance d'actrice que des mots de Suzanne Clément -, blagues bien envoyées et moments musicaux relevés, pas une fois le spectacle n'a manqué de rythme. Alors, on le reconduit à son nouveau poste de maître de cérémonies nationalistes, Lepage? Sans hésitation. Et bon lendemain de veille!