Des raisons idéologiques. Voilà ce qui a poussé Industrie Canada à priver le festival gai et lesbien Divers/Cité d'une subvention de 155 000 $. Cela, même s'il était admissible à une aide financière, estiment les partis de l'opposition à Ottawa, qui dénoncent vertement la décision prise par le gouvernement de Stephen Harper.

«Les conservateurs n'étaient clairement pas à l'aise avec ce festival sur le plan idéologique», lance sans détour le porte-parole libéral en matière de Patrimoine, Pablo Rodriguez. On invente des règlements au fur et à mesure pour justifier une décision qui n'est pas justifiable sur le plan administratif. Ils font indirectement ce qu'ils ne peuvent pas faire directement.»

La députée bloquiste Carole Lavallée abonde dans son sens. «Le gouvernement met la hache dans tout ce qui ne fait pas son affaire. La morale des uns ne peut pas devenir les règles de tous», ajoute-t-elle.

En mai, les organisateurs de Divers/Cité - dont les activités s'amorceront dimanche - avaient soumis une demande de subvention de 155 000 $ dans le cadre du Programme de manifestations touristiques de renom (PMTR), créé cette année et géré par le ministère de l'Industrie. «On a su que notre dossier avait passé toutes les étapes qui précèdent l'approbation du ministre, mentionne la directrice générale de Divers/Cité, Suzanne Girard. On s'est fait dire qu'on satisfaisait aux critères.»

Mme Girard a appris en début de semaine qu'elle ne recevrait finalement pas la somme espérée. Celle-ci avait déjà tenu compte des 155 000 $ lorsqu'elle a fait le budget de son festival, et des sommes supplémentaires avaient été allouées à des activités de promotion et de publicité grâce à cette subvention. Elle s'explique mal pourquoi le gouvernement a finalement décidé de ne rien donner à Divers/Cité.

Demandes trop nombreuses

À Ottawa, le ministre responsable du PMTR, Tony Clement, a expliqué que les demandes de subvention avaient été très nombreuses et qu'il était impossible de dire oui à tout le monde. Il s'est bien défendu d'avoir pris cette décision pour des raisons idéologiques.

Le Ministère a justifié ce refus en mentionnant que plus de 150 demandes provenant de partout au pays avaient été faites et que, jusqu'à maintenant, 26 manifestations avaient bénéficié du programme. «À ce jour, le Québec a reçu une quantité importante du montant total du financement disponible à l'échelle nationale en 2009, a souligné par courriel Derek Mellon, porte-parole d'Industrie Canada. Comme un grand nombre de festivals et de manifestations de renom au Québec satisfont aux critères, ce ne sont pas tous les demandeurs qui recevront un financement au titre du PMTR.»

Ces raisons ne pèsent pas lourd dans la balance, estime la directrice générale de Divers/Cité. «Ils ne peuvent pas dire qu'ils ont eu beaucoup de demandes parce que 150 demandes pour un pays comme le Canada, je m'excuse, mais ce n'est pas énorme», dit-elle.

Parmi la vingtaine de festivals subventionnés - dont les noms figurent sur le site internet du Ministère - la Gay Pride de Toronto est le seul s'adressant directement à la communauté gaie. Et d'ailleurs, il y a quelques semaines, le versement d'une subvention de 400 000 $ à ce festival torontois a suscité la controverse dans l'Ouest.

Peu de temps après avoir pris cette décision, la ministre d'État au Tourisme, Diane Ablonczy, qui gérait le Programme des manifestations touristiques de renom, s'est fait retirer le dossier. Il a ensuite été remis à son collègue de l'Industrie, Tony Clement.

Un député conservateur de la Saskatchewan, Brad Trost, avait alors déclaré que Mme Ablonczy avait été remplacée en raison de sa décision d'aider financièrement le festival de Toronto. Selon lui, les Canadiens ne souhaitent pas que les deniers publics financent des festivals à caractère plus politique que touristique.

Malgré tout, Suzanne Girard n'est pas prête à affirmer que le gouvernement Harper a fait preuve de discrimination. «Je n'ose pas songer à ça, car ça serait une triste situation pour le Canada, mentionne-t-elle. Et ce n'est pas l'image qu'on veut donner au reste du monde. Toute l'industrie touristique au Canada tente d'attirer la communauté gaie.»

Avec La Presse Canadienne