La plus américaine des chanteuses françaises est de retour aux FrancoFolies, où elle a fait ses débuts au Québec il y a trois ans. Emily Loizeau présentera les chansons de son album Pays sauvage en première partie d'Ariane Moffatt au Métropolis.

Fais battre ton tambour, la deuxième chanson du nouvel album d'Emily Loizeau, est remarquablement envoûtante. Sur une rythmique lente, marquée par le cliquetis d'un tambourin et de cymbales, soutenue par une chorale gospel (le groupe franco-américain Moriarty, en fait), elle chante un immense chagrin d'amour, implorant presque la musique de l'aider à le traverser. L'idée qui s'impose étonne: on se sent très près des complaintes de Zachary Richard.

 

Emily Loizeau a écrit cette chanson pour un film, expressément pour être interprétée par une chanteuse soul noire. «J'ai voulu la chanter aussi, parce qu'elle est importante pour moi. Mais je ne voulais pas que ça fasse Emily Loizeau chante le blues», précise la musicienne, qui dit avoir écouté beaucoup de vieux enregistrement de gospel dans sa vie.

Ne pouvant pas faire semblant d'avoir le bagage d'une Afro-Américaine du sud des États-Unis, elle a choisi d'assumer sa blancheur et son identité française. «Le côté cajun», résume-t-elle. Sa chanson, elle l'a donc abordée comme «une femme blanche qui regarde la terre et cherche à renouer avec ses racines.»

Les ancêtres d'Emily Loizeau ne sont pas américains, mais britanniques. Une partie d'entre eux, du moins, puisqu'elle est née en France d'un père français et d'une mère anglaise. Ses racines musicales, par contre, sont en partie américaines: folk, blues, Tom Waits et Dylan en tête. D'où le côté américain de ses disques, à la fois assumé, affiché et empreint d'une authenticité qu'on ne débusque pas souvent chez les Français.

«Même si je suis née en France et que j'ai une formation classique, le folk et le blues, c'est ce que j'ai écouté le plus, dit-elle. Plus jeune, grâce à un oncle britannique qui a émigré en Colombie-Britannique, j'avais aussi découvert Kurt Weill et Tom Waits, des trucs plus théâtraux», expose la frêle trentenaire.

Ancrée dans l'imaginaire

Ses chansons donnent en effet l'impression d'avoir été mises en scène et ancrées dans l'imaginaire. C'était vrai de L'autre bout du monde, chanson titre de son premier disque, et de Jasseron, irrésistible duo avec Franck Monnet où il est question d'un cadeau d'anniversaire pas ordinaire. L'impression demeure à l'écoute de son deuxième disque, Pays sauvage, qu'elle vient présenter à l'occasion des FrancoFolies.

«L'idée, c'était de faire un disque live, très fidèle et très sincère par rapport à ce qui se passait en studio», raconte la chanteuse. Une fois ses morceaux composés, elle a voulu les enregistrer dans la plus grande simplicité: tout le monde dans la même pièce, autour de micros. Des collègues - Moriarty, Thomas Fersen, etc. - ont d'ailleurs été invités le temps d'un duo ou pour faire les choeurs.

Ce boulot terminé, Pays sauvage a toutefois bénéficié d'un gros travail de réalisation. Tout au long du disque, on découvre, en arrière-plan, toutes sortes de sons inusités: cris d'animaux, voix d'enfant, vent, cloche... Emily Loizeau parle aussi de volcans et même d'une cérémonie tamoule enregistrée à l'île de la Réunion. Des chants qu'on croit déceler derrière le refrain de la pièce titre. «C'est comme un film sonore qui se déroule du début à la fin, suggère-t-elle, mais qu'on n'entend pas toujours.»

Elle ajoute ne pas avoir recherché d'unité dans le ton et avoir tenté seulement d'en arriver à «quelque chose d'expressif». Pas de doute, c'est réussi. Mais comment diable va-t-elle transposer cela sur scène? Elle sera accompagnée de cinq musiciens.

«Tout le monde chante, chacun possède un timbre de voix différent, et tout le monde fait des percussions à un moment ou à un autre, précise la musicienne. On a fait les chansons à quatre, avant que je me mette à lancer des invitations à tout le monde pour l'enregistrement, alors il est presque naturel pour nous de les faire à cinq.»

Ce soir, 21h, au Métropolis, en première partie d'Ariane Moffatt

EN UN MOT

Emily Loizeau, née d'un père français et d'une mère britannique, mélange avec brio ses deux cultures. L'influence américaine est patente, mais intégrée avec une authenticité quasi unique chez les artistes venus de France.

CHANSON ESSENTIELLE

Fais battre ton tambour, tirée de Pays sauvage, est un morceau parfaitement envoûtant, qui donne la mesure de sa vision et de son talent de chanteuse.