Oubliez l'image du poète tourmenté, du chanteur écorché vif, du voyageur mystérieux. S'il est effectivement poète, chanteur et grand voyageur, l'Acadien Fredric Gary Comeau lance un quatrième album - son deuxième en français - étonnant, direct et lumineux malgré la peine. Effeuiller les vertiges est en fait parcouru par une femme fantôme qui hante les chansons, la pochette, le livret... et l'auditeur.

Il est volubile, Fredric Gary Comeau, et il rit à pleines dents, alors qu'il répond aux questions de la journaliste, étendu sur son lit... à baldaquin. Ça tombe bien, sur la pochette de son nouvel album, Effeuiller les vertiges, il est, là aussi, étendu. Mais plutôt en compagnie d'une femme aux allures spectrales, fantôme blafard d'un amour en-allé. C'est clair, ce n'est pas Ariane Moffatt, qui signe et chante en duo une chanson avec lui sur l'album, la très belle Nos tremblements (également téléchargeable gratuitement sur le site www.fredricgarycomeau.com). Non, cette silhouette laiteuse, opalescente, c'est celle d'une zone de turbulences à la taille fine...

«Dans mon précédent disque français (Ève rêve, en 2006), il y avait une énergie stable et amoureuse: j'étais en couple depuis quelques années, il y avait beaucoup de chansons inspirées de la même femme, c'était une période «luxe, calme et volupté». Et puis à 37 ans, j'ai reçu un diagnostic de diabète de type 2. Oh, c'est bien contrôlé, mais ça reste une maladie chronique pareil - et puis, ma mère est morte du cancer à 46 ans, disons que, tout d'un coup, je me suis senti atrocement mortel. Et j'ai réagi en partant avec une fille beaucoup trop jeune pour moi, pendant deux mois! J'ai vécu ma crise de quarantaine à 37 ans, finalement», conclut-il très simplement, avant de préciser qu' il est de nouveau en couple et que ça va très bien, merci. «Disons que Ève rêve était mon disque Matisse, et que Effeuiller les vertiges, c'est mon album Picasso...»

Il est désarmant comme ça, Comeau. «In your face», comme disent mes confrères anglophones, direct, franc, puisant à même sa vie pour créer disque ou recueils (en mars dernier, il lançait Vérités, son dixième recueil de poèmes depuis 1991).

Pas besoin d'être fin psychologue pour comprendre que cet épisode a mis fin à un «bonheur étincelant de cinq ans» ... et donné les textes étonnants, parfois cruels, parfois sensuels, toujours très bien écrits et jalonnés de vers qui se chantent, de Effeuiller les vertiges. Sans oublier des voyages de toutes sortes.

Disque plus hargneux, plus contrasté, il est réalisé et arrangé avec brio par le très doué François Lalonde, qui avait aussi réalisé Ève rêve et travaillé fort sur Hungry Ghosts, le deuxième disque (en anglais) de Comeau que nous sommes nombreux à avoir beaucoup aimé en 2002. Pour Effeuiller les vertiges, Lalonde lui a tricoté des splendeurs d'arrangements qui viennent soutenir la voix grave de Comeau, quelque part entre Kevin Parent et Charlélie Couture.

Si le disque est déjà en magasin, c'est officiellement le 11 novembre, à l'eXcentris, au cours d'un spectacle avec ses musiciens (et un metteur en scène, pour la première fois de sa carrière), que Comeau lancera Effeuiller les vertiges, dans le cadre de l'événement Coup de coeur francophone. «Coup de coeur est un peu responsable de mes disques en français. Je n'avais composé que deux chansons en français et les gens de CCF, qui m'avait vu en première partie de Taïma, m'ont demandé en 2002 si je voulais faire un show francophone! Du coup, je me suis mis à écrire des chansons en français. Sur Effeuiller les vertiges, il y a la chanson L'hiver est arrivé, que j'avais composée pour Coup de coeur, et on l'a donc enregistrée comme on l'avait faite à l'époque, avec le guitariste Claude Fradette. En fait, j'ai beaucoup écrit en français comme poète, mais c'est CCF qui est carrément responsable de ma carrière de chanteur en français!»

Fredric Gary Comeau, en spectacle le 11 novembre, à l'eXcentris, dans le cadre de Coup de coeur francophone.