Les Parisiens pourraient bientôt avoir leur salle de spectacles virtuelle. Et le projet, qui permettra aux habitants de la Ville lumière d'assister en direct - via un site internet - aux différentes premières, tout en demeurant dans le confort de leur foyer, suscite déjà l'intérêt du milieu culturel québécois et montréalais, qui songe à s'inspirer de cette idée.

D'ici 2012, la capitale française pourrait «ouvrir les portes» de sa première salle «immatérielle», mentionnait Christophe Girard, adjoint au maire de Paris et chargé de la culture, invité à prononcer un discours à l'occasion du colloque Cultiver la ville qui se tenait hier à Montréal.

Pour concrétiser le projet, différents théâtres et salles de spectacles de la ville diffuseront sur le même site internet leurs différentes prestations et leurs premières. Un moyen, selon M. Girard, de permettre aux gens moins nantis d'assister, d'une façon différente, à une foule de manifestations artistiques. Autre objectif: initier un plus grand nombre de gens à la culture - notamment les jeunes - et les convaincre, grâce aux découvertes qu'ils feront sur le web, d'aller ensuite assister en direct à une levée de rideau. «Il ne faut pas avoir peur d'internet, il faut se l'accaparer», croit M. Girard.

L'idée parisienne pourrait-elle être importée au Québec et permettre ainsi de susciter l'intérêt des jeunes - très branchés sur le web - qui boudent présentement les arts classiques comme la musique classique, la danse, le théâtre ou encore l'opéra? «Je trouve que c'est très, très intéressant, a mentionné hier la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, également présente au colloque qui avait lieu à la Grande bibliothèque. J'aurais des questions [à poser à Christophe Girard], à savoir comment on règle les droits d'auteur. On va sûrement se revoir, a-t-elle ajouté avec le sourire aux lèvres. Son message finalement, c'est d'essayer de rejoindre le plus de monde possible, initier le plus de gens possible à l'offre culturelle. Ainsi, on fait en sorte que les gens viennent et en prennent l'habitude.»

Simon Brault, auteur de l'essai Le facteur C: l'avenir passe par la culture et président de Culture Montréal - organisme qui a initié le colloque -, croit lui aussi que cette initiative, qui permet d'assister à des concerts ou à des pièces de théâtre par le biais de son écran d'ordinateur, mérite d'être regardée de plus près.

«Je pense que ça pourrait être étudié, dit-il. Déjà, il y a des compagnies de théâtre, de danse qui commencent à diffuser des extraits de leurs spectacles sur leur site internet. Mais je pense que ce serait sûrement intéressant pour faire découvrir des choses qui sont plus risquées.»

M. Brault ajoute que ce genre de projet pourrait certainement être repris et mis en place par la Vitrine culturelle de Montréal, un organisme d'information et de promotion des différentes activités artistiques offertes dans la métropole.

Vérifications faites auprès de la Vitrine, la directrice générale, Nadine Gelly, émet, pour sa part, quelques réserves, mais ne rejette toutefois pas l'idée. Pourquoi des réserves? D'abord, toutes les questions entourant les droits d'auteur peuvent rendre l'expérience périlleuse et surtout coûteuse, explique-t-elle. D'autre part, Mme Gelly est loin d'être convaincue que tous les organismes culturels se rallieraient au projet pour la simple et bonne raison que la diffusion des spectacles en entier sur l'internet pourrait inciter davantage de gens à rester à la maison plutôt que de venir s'asseoir en salle. Résultat: les ventes de billets au guichet pourraient diminuer.

La directrice générale admet toutefois que le web représente un outil indispensable à la promotion de la culture et souligne du même souffle que la Vitrine a déjà mis en ligne sur son site quelques initiatives. «On a engagé quelqu'un spécialement pour ça», mentionne-t-elle. Ainsi, la vitrine a diffusé en ligne des extraits vidéo portant sur les coulisses du théâtre Jean-Duceppe, par exemple. L'organisme a aussi présenté des extraits du spectacle de Gregory Charles et du Cirque du Soleil.

«C'est effectivement vrai que, avant d'assister à une performance, les gens ont le goût de voir des extraits», soutient Mme Gelly. Mais de là à présenter des spectacles en entier, il y a un pas qu'elle ne semble pas prête à franchir.