Le musée Pointe-à-Callière propose, mardi prochain, une exposition de classe mondiale consacrée à l'île de Pâques, terre volcanique perdue au milieu du Pacifique, plus petite que l'île d'Orléans, mais où s'est développée une civilisation aussi unique que remarquable entre les Xe et XIXe siècles.

Avec l'exposition Île de Pâques, le grand voyage, le Musée d'archéologie et d'histoire fait un gros coup international. Il s'agit du plus grand rassemblement d'objets de l'île de Pâques sur le continent américain, et du plus important au monde en ce qui a trait au nombre et à la variété des pièces exposées depuis une exposition en Belgique en 1992, selon Francine Lelièvre, directrice générale du musée.

Pointe-à-Callière a recréé la forme de l'île, aujourd'hui appelée Rapa Nui, dans une de ses salles en plaçant les vitrines en cercle, les unes à côté des autres. Ces vitrines contiennent plus de 200 objets provenant des collections de prêteurs privés et de 17 grands musées du monde, dont le British Museum de Londres, le Metropolitan Museum of Art de New York, les Musées du Vatican, les Musées royaux d'art et d'histoire de Bruxelles ou encore le musée du quai Branly, à Paris.

Jeudi, il était fascinant de voir les conservateurs de ces grands musées s'activer et installer délicatement leurs pièces dans les vitrines. L'île de Pâques et ses célèbres statues géantes moaï ont une histoire passionnante. L'île est habitée aujourd'hui par 4000 personnes, dont la moitié sont des Rapanuis, l'ethnie polynésienne qui a peuplé l'île au tournant du premier millénaire. Les autres habitants sont chiliens, Rapa Nui étant sous la responsabilité du Chili depuis 1888.

Les oeuvres exposées proviennent de la période précédant la tragédie de 1862, alors que des marchands d'esclaves péruviens ont décimé la moitié de la population en embarquant 1100 Rapanuis. Ce drame marque la fin de la période faste de cette civilisation que le navigateur néerlandais Jakob Roggeveen a découverte le jour de Pâques de 1722.

L'exposition décrit la hiérarchie sociale et la façon de vivre des Rapanuis au début de la colonisation de l'île: leurs croyances, la végétation et la faune qu'on y trouvait, les premiers objets fabriqués: des calebasses, des sacs en feuilles de bananier, des équipements de pêche, etc.

On peut admirer des pétroglyphes d'hommes-oiseaux et de superbes statues sculptées dans du bois de toromiro ou du faux bois de rose, deux arbres qui ont subitement disparu de l'île au XVIIIe siècle. Les pièces représentent des personnages dont on voit les côtes abdominales: on les appelle des kavakava. Il y a aussi des rames sculptées, des ornements de cou, une tabatière et une tablette de bois portant toutes deux des signes rongorongo, le système d'écriture des Rapanuis, encore bien mystérieux.

On peut aussi observer deux figurines à ossature de roseau recouverte de tapa (des fibres d'écorce battues) dont l'une est une tête à deux visages. Il semble n'en exister que quatre dans le monde. Les deux exposées proviennent du Nouveau-Brunswick. Elles ont été apportées au XIXe siècle au Canada par un baleinier.

Il y a également une petite statue moaï prêtée par Bruxelles. On apprend d'ailleurs comment les Rapanuis déplaçaient et érigeaient ces statues géantes de 18 tonnes en moyenne. L'exposition résume les recherches scientifiques faites au fil des siècles par les explorateurs: Cook, La Pérouse, Pierre Loti, Katherine Routledge et les chercheurs français et belge Alfred Métraux et Henri Lavachery, en 1934-1935, dont le film est présenté à la fin de l'exposition.

Une reproduction d'une statue moaï de 9 pieds a également été placée à l'entrée du musée, au bord de la rue de la Commune, en face de l'ancienne douane. Il s'agit d'une reproduction moulée dans l'île de Pâques en 1960, emportée à New York puis offerte à Montréal en 1970. L'original a depuis disparu, emporté par un raz-de-marée. Il reste 890 moaï sculptées dans le tuf, dans l'île de Pâques, faisant de 4 m à 10 m de hauteur. Cinq seulement sont exposées à l'étranger. Récemment, un référendum a eu lieu à Rapa Nui: les habitants ont voté contre la sortie des statues de l'île, même de façon temporaire.

«C'est un privilège pour nous d'accueillir une telle exposition, dit Francine Lelièvre. Nous sommes très fiers d'avoir obtenu le O.K. de tous ces musées du monde. Et puis, cela va faire plaisir aux objets de tous se rencontrer ici!»

L'exposition a bénéficié de la collaboration des archéologues Michel Orliac, du CNRS, en France, et Nicolas Cauwe, directeur de la mission archéologique belge à l'île de Pâques. Le musée a créé un catalogue de 160 pages sur l'exposition contenant également des articles de spécialistes de cette île... du bout du monde.

Île de Pâques, le grand voyage, au musée Pointe-à-Callière, du 8 juin au 14 novembre.

Horaires et tarifs: www.pacmusee.qc.ca