On connaît quelques Métayer mais peu de métayères. Marguerite Bourgeoys, première institutrice de Montréal, fondatrice de la congrégation de Notre-Dame et sainte, compte parmi les femmes les plus illustres de la Nouvelle-France. Mais Catherine Crolo?

À l'instar de la plupart des quelque 200 invités hier à l'inauguration du pavillon nommé en son honneur à la Maison Saint-Gabriel, La Presse a appris que Catherine Crolo avait été la première des 86 métayères responsables de l'exploitation de la ferme (métaierie) des soeurs de la congrégation de Notre-Dame (CND), à la Pointe-Saint-Charles.

Les noms des 85 autres soeurs qui ont occupé la (lourde) fonction entre 1668 et 1964 apparaissent sur les dalles de «l'allée des métayères» qui, de place Dublin, mène au pavillon Catherine-Crolo. Complètement rénovée, l'ancienne résidence Jeanne-LeBer de la CND servira désormais de pavillon d'accueil à la Maison Saint-Gabriel.

Musée d'histoire depuis 1966 - un des mieux dotés du Québec avec plus de 15 000 artéfacts -, la Maison Saint-Gabriel avait servi, au cours des trois siècles précédents, de résidence aux soeurs converses qui travaillaient à la ferme et, entre 1663 et 1673, à une cinquantaine des quelques 800 «filles du Roy» envoyées dans la colonie, en manque cruel de présences féminines.

Le nouveau pavillon comprend un vaste hall, une boutique-tisanerie, des salles de conférence (qu'on pourra louer après les Fêtes) et un restaurant, le bien nommé Réfectoire. «N'y cherchez pas hot-dogs ou pizza!» avertit soeur Madeleine Juneau, la dynamo qui, comme directrice générale de la Maison Saint-Gabriel, a supervisé le projet jusque dans ses plus menus détails.

«Comme Marguerite Bourgeoys le promettait à celles qu'elle hébergeait, nous offrons pain et potage... et quelques autres plats maison. Mais ici, pas de traiteur!» lancera encore soeur Juneau, félicitée de toutes parts pour avoir «livré» le projet de presque 10 millions sans dépassement de coûts et trois mois avant la date prévue. L'apport de la congrégation Notre-Dame (édifice et terrain) s'élève à 2,5 millions, les gouvernements ont mis quelque 6 millions et 1,3 million est venu du privé.

Rappelant l'importance historique de la métairie - en 1731, entre les emplacements actuels des ponts Champlain et Victoria, la ferme du sud-ouest de l'île occupait 212 arpents de terre -, le maire Tremblay a profité de son passage chez les bonnes soeurs pour annoncer la création d'une «grappe» agroalimentaire, la septième grappe industrielle montréalaise. Le maire a aussi évoqué la mise sur pied d'un circuit touristique religieux dont pourrait faire partie la Maison Saint-Gabriel (et sûrement le musée Marguerite-Bourgeoys du Vieux-Montréal) .

«Nous avons des échanges avec des responsables à Jérusalem et à Erevan, la capitale de l'Arménie qui a adopté la religion chrétienne en l'an 300.» Avec son patrimoine religieux, dont l'Oratoire du saint frère André, Montréal peut certainement se tailler une place dans ce grand circuit mondial, a expliqué M. Tremblay, très en verve hier.

Entre-temps, les Montréalais ont avantage à découvrir, à 100 mètres de la rue Wellington, l'oeuvre agricole et sociale de Catherine Crolo et des femmes valeureuses qui lui ont succédé. Et à ouvrir chacun des tiroirs de la table du Réfectoire, tous remplis d'histoire.