Devant des passants attentifs, éberlués, souvent pressés, 90 artistes montréalais se sont donnés en cadeau pour cette première Fête à Montréal organisée par le Quartier des spectacles. À l'heure de pointe hier, les Montréalais ne pouvaient faire 10 pas sur les trottoirs du centre-ville sans se faire lancer un chaleureux «Bonne fête monsieur!» par un membre de l'équipe de rue du Quartier des spectacles.

Vêtus de leurs impers rouges distinctifs, ils distribuaient de petits papiers comme des cartes d'anniversaire. Et les cadeaux: musique, théâtre, mode, danse... Toutes les disciplines avaient été conviées à la fête pour ces quelque 300 «performances spontanées» d'une quinzaine de minutes chacune. C'était gratuit et généreux, ça mettait un peu de folie dans cette journée grise, comme l'acteur jouant Cyrano devant une pelle mécanique, rue Sainte-Catherine, en récitant au nez des passants.

La magie de cette journée du 369e anniversaire de Montréal résidait dans la surprise de croiser Pascale Picard à une entrée du métro Place-des-Arts, un défilé de mode descendant Saint-Denis, une danseuse au bout d'un tunnel, une performance de musique classique dans le brouhaha des passants.

Rue Saint-Denis, deux acteurs jouaient une scène de querelle de couple. Le regard malaisé des passants était à lui seul un spectacle. Pour d'autres, cependant, deux personnes qui parlent très fort dans ce secteur, c'est une scène habituelle... À quelques pas, deux jeunes grattaient une guitare sur la pelouse, participants non inscrits au programme de la fête. Toutes disciplines y étaient représentées, même les arts du cirque.

Beau temps, mauvais temps

La météo ingrate de ce 17 mai a donné du fil à retordre aux organisateurs de la journée. En matinée, ils ont dû se rabattre sur le plan B: au lieu des concerts extérieurs, tout le monde s'est retrouvé dans les tunnels du métro et du Montréal souterrain. Forcément, plusieurs performances ont été annulées. D'autres, déménagées: l'installation Friction 2.0 - trois musiciens sur des vélos stationnaires trafiqués - proposée par MUTEK se déroulait dans le passage de la Place des Arts au lieu de la place de la Paix.

Temps moche oblige, l'auteur, compositeur et interprète Mark Berube a commencé sa journée à midi seulement. Vers 15h30, il grattait sa guitare, accompagné de la violoncelliste Kristina Koropecki, au coin de la rue Sainte-Catherine et du boulevard Saint-Laurent. Parfois, les gens lui jetaient des pièces de monnaie: «On a fait 3$, nous a-t-il dit en riant. On ira boire un verre après!» Dans la matinée, Elisapie Isaac jouait dans le métro. Une dame lui a donné 1$ en lui disant: «Vous irez loin dans la vie...»

Le soleil a fini par se montrer timidement pour le retour à la maison. Devant le pavillon Judith-Jasmin de l'UQAM, rue Sainte-Catherine, une dame prenait des photos d'un Tom Waits en robe de chambre et ses six musiciens en se demandant la raison de ces petits concerts spontanés. La dame habite l'État de la Virginie. C'est l'anniversaire de la fondation de Montréal, aujourd'hui! C'est son premier voyage chez nous, ça fait 40 ans qu'elle en rêve, avec son mari. «Ensuite, nous allons passer quelques jours à Québec.» En trois heures à Montréal, elle avait déjà pris une trentaine de photos.