Dans L'art presque perdu de ne rien faire, Dany Laferrière nous entraîne dans les dédales de sa pensée et de ses rêveries. Il qualifie ce nouveau livre de «roman de ses idées», qui donne à voir son cerveau.

Dany Laferrière n'aime pas parler cuisine. L'idée d'écrire L'art presque perdu de ne rien faire est née d'une série de chroniques qu'il a faites à la radio. Mais quelle proportion du livre représentent-elles? Quels textes sont nouveaux? Aucun intérêt, répond-il.

«J'ai écrit un livre qui tient tout seul, organisé de la seule manière dont il pouvait l'être. Ce n'est pas une collection de chroniques, parce que c'est rare que ça marche. De bonnes chroniques, mises ensemble, ne font pas nécessairement un bon livre», dit-il. L'auteur a voulu un roman avec sa dynamique propre, sans passé. «Je voulais rassembler mes réflexions de manière organique, qu'elles suivent un seul courant, celui du narrateur.»

Les textes sont ainsi regroupés par thème, par exemple L'aventure du voyage, L'univers des sens, Un lecteur dans sa baignoire ou De la nature du pouvoir. Le tout est intercalé de poèmes en prose, en quelque sorte la respiration du livre : L'art de se perdre, L'art de danser sa vie, L'art de s'effacer, L'art de ne pas oublier...

Promenade dans la tête d'un homme, L'art presque perdu de ne rien faire redonne ses lettres de noblesse à la lenteur et à la réflexion, qui est une protection contre l'unanimité ambiante, la logique marchande et les diktats, dans un monde aux idées formatées et à l'opinion instantanée.

«C'est le livre de quelqu'un qui aime rêvasser», dit Dany Laferrière. Manifeste pour la pensée libre, mais jamais sentencieux - «Mon opinion n'est pas très importante» -,L'art presque perdu de ne rien faire est un hommage à la digression en tant qu'«ultime subversion». «De nos jours, dès que quelque chose dépasse, on le coupe, on l'enlève.»

Dany Laferrière, lui, aime bien quand ce n'est pas carré et ce livre en est l'exemple parfait: plusieurs textes nous amènent ailleurs que ce qu'ils annoncent et font des liens qu'on ne voit pas venir. L'auteur sourit et affirme que c'est ainsi que le cerveau travaille: il n'a fait que donner le sien en exemple. «C'est le mouvement du hamac. Ça va, ça vient, et à la fin on a une vision complète. Mais le droit de rêver est un droit inaltérable», ajoute-t-il, citant Héraclite: «L'homme qui dort construit l'univers».

Vie quotidienne

Les rêveries de Dany Laferrière voguent de l'été montréalais à un bébé qui porte les objets dans sa bouche, de ses auteurs fétiches au théâtre, de la guerre, d'une panne d'électricité aux scénarios des téléséries américaines. «J'ai voulu m'éloigner des grands sujets de l'actualité en étant plus intemporel et montrer que la vie humaine, le quotidien ont leur place dans l'actualité. Une belle journée d'automne, par exemple, en fait partie», dit l'auteur qui cultive «l'art d'être présent au monde» en observant chaque détail et en le magnifiant.

«J'écris sur l'art de ne rien faire, mais ça ne veut pas dire que je ne fais rien!»

Dany Laferrière estime que L'art presque perdu de ne rien faire montre simplement une autre facette de lui, un autoportrait de ses idées après ceux de son enfance, sa jeunesse, Montréal, l'exil... «Je dis: voilà un homme, ce qui l'accompagne, tout ça en fait partie. Pour moi, il n'y a pas de différence entre L'énigme du retour et ce roman.»

Maintenant que Dany Laferrière nous a démontré comment fonctionne son cerveau, à notre tour de donner davantage d'espace au nôtre, et de l'exercer comme un muscle. «Tout le monde pense, c'est la chose la mieux partagée sur terre.» Surtout, ajoute-t-il, que c'est «l'fun» de prendre le temps de réfléchir. «C'est la deuxième chose la plus agréable, tout de suite après le sexe.»

L'art presque perdu de ne rien faire

Dany Laferrière

Boréal, 392 pages