«Avant, le milieu de la culture ne s'identifiait pas à Montréal, parce que les fonds venaient de Québec et d'Ottawa.» «Avant», c'était avant l'arrivée en scène de Culture Montréal, «mouvement d'idées» qui fête aujourd'hui ses dix ans de réflexion et d'action.

De «ville-décor», «Montréal est devenue une métropole culturelle non pas plus riche, mais plus résiliente, qui serait difficile à mettre sur les genoux», lance Simon Brault, cofondateur et président de Culture Montréal depuis le début.

«On entend souvent les politiciens dire qu'ils veulent faire de la politique autrement, continue Simon Brault, rencontré dans son bureau de l'École nationale de théâtre, qu'il dirige depuis 1997. Nous, à Culture Montréal, on a commencé à parler de la culture autrement...»

Autrement, en passant d'abord du rôle traditionnel de «quémandeur» à celui d'acteur de premier plan: «Avant, le milieu de la culture demandait aux politiciens quel était leur programme culturel. Aujourd'hui, on dit: voici la plate-forme; où vous situez-vous par rapport à ça?»

Autrement aussi dans le discours même, le «narratif» comme dit Brault, qu'il a commencé à élaborer avec d'autres pionniers comme Gaëtan Morency (Cirque du Soleil), Jacques Vézina (Théâtre d'Aujourd'hui) et Dinu Bambaru (Héritage Montréal), bien des années avant la mise sur pied de Culture Montréal. L'organisme, on se souviendra, a reçu son baptême politique quand le maire Gérald Tremblay a chargé Simon Brault de former la délégation culturelle en vue du Sommet de Montréal du printemps 2002, tremplin vers la «nouvelle ville».

Depuis, Simon Brault porte ce discours «cohérent» sur toutes les tribunes - culturelles, politiques, économiques, sociales -, variations stratégiques éclairées sur les trois axes d'action de Culture Montréal, «organisation militante» qui compte aujourd'hui plus de 1000 membres individuels de toutes les sphères. Trois axes donc: la défense du droit à la culture, la promotion du rôle de la culture dans le développement de la ville, et l'affirmation de Montréal comme métropole culturelle.

«Le droit à la culture restera toujours notre raison d'être, affirme Simon Brault, qui est aussi vice-président du Conseil des arts du Canada. Mais alors qu'avant on réclamait la démocratisation de la culture, Culture Montréal parle maintenant de participation culturelle», approche qui, selon lui, doit se décliner jusque dans les quartiers où il entrevoit l'émergence prochaine de microfestivals «dans des bouts de rue»».

Un bout de rue, par ailleurs, dont il n'est «pas content» est celui du boulevard Saint-Laurent entre la rue Sainte-Catherine et le Monument-National, propriété de l'École nationale de théâtre dont il a dirigé la réfection entre 1991 et 1993, épopée qui l'a mis face aux «enjeux de la ville»... et à l'avant-scène de l'intervention culturelle.

«Au début, dans le Quartier des spectacles, il s'agissait de réaménager l'espace public pour stopper le déclin des salles. Maintenant, on doit mettre en scène de nouvelles façons de participer à la vie culturelle et présenter une offre plus variée. La crowd d'Osheaga n'est pas encore là...»

L'autre priorité immédiate de Culture Montréal concerne les ateliers d'artistes comme ceux du 5455, de Gaspé où, à la suite d'un changement de propriétaire, les locataires font face à l'éviction. Culture Montréal considère la création d'un fonds de capital «patient» qui, à l'instar d'ArtScope à Toronto, permettrait à des regroupements d'artistes comme Pied carré d'accéder à la propriété collective.

Et 100 autres «actions réfléchies» assises sur une «analyse critique» rigoureuse - à laquelle Simon Brault ne participe pas toujours -, qu'il soit question de l'occupation du territoire, des arts de la scène ou des bibliothèques publiques. «Culture Montréal, dit son fondateur, est une affaire plus grosse que moi et me survivra.» La méthode Brault aussi.