« On a tenté de faire dialoguer le passé et le présent », lance Anne Élisabeth Thibault, directrice générale de Pointe-à-Callière, cité d’archéologie et d’histoire de Montréal. Le site principal de ce qu’on reconnaît aujourd’hui comme le musée Pointe-à-Callière était originalement occupé par le Royal Insurance Building, soit la douane de Montréal, à partir de 1861. Ce sont principalement les entrailles de ce bâtiment historique que l’on découvre à travers l’exposition Montréal au cœur des échanges.
La refonte de l’exposition est marquée par une nouvelle collaboration avec des autochtones des nations Anichinabé (Algonquins), Kanien’keha (Mohawks) et Wendat (Hurons). Des récits dans trois langues autochtones (anicinape, kanien’khà et wendat) sont entendus en boucle autour de la projection d’un feu interactif.
« Les autochtones nous indiquent que la façon de transmettre le savoir, ce n’est pas par l’écrit, mais vraiment par la parole, par le son, par les émotions », rappelle Mme Thibault. Grâce à un écran tactile, le musée offre maintenant un lexique de mots français traduits dans les trois langues. On y apprend que les saisons sont plus nombreuses chez les Anichinabés, puisqu’on y retrouve le pré-printemps et le pré-automne en plus des quatre saisons habituelles.
La contribution des Premières Nations s’observe également à travers des œuvres d’art offertes au musée par des artistes autochtones. Entre autres : Forces nourricières, une sculpture de bois réalisée par Steve McComber qui met en relation les trois sœurs, soit la courge, le maïs et le haricot.
La collaboration avec les trois nations est centrale au message de l’exposition. « Montréal est au cœur des échanges depuis des millénaires », dit Brigitte Lacroix, chargée du projet de refonte. Des échanges d’outils, de matériaux, de connaissances et de rituels caractérisaient les relations entre les chasseurs-cueilleurs et les Français à Montréal.
Cette cohabitation s’observe aussi dans les catacombes du premier cimetière de la ville, où les autochtones et les Français étaient enterrés côte à côte en respectant les rites funéraires de chacun.
Parcours linéaire
Dans les vestiges de la vieille douane, les zones de l’exposition sont séparées par des demi-murs de pierre anciens sur lesquels sont projetés « des cartels lumineux », indique Mme Thibault. Titres, dates, citations et usages des vestiges : voilà l’information contenue dans ces projections lumineuses.
L’ajout d’une signalisation claire et de quelques flèches collées au sol bosselé favorise une promenade linéaire à travers l’exposition. « Parfois on est un peu mêlés, donc on a donné un parcours à nos visiteurs », détaille Mme Thibault.
Cédée par un collectionneur privé, une carte détaillée de Montréal en 1708 a été numérisée. Elle peut être parcourue grâce à l’outil Google Maps, « dans le but ultime d’amalgamer le passé et le contemporain », explique Mme Lacroix. Ce plan interactif permet de recréer la journée typique d’un citoyen de Montréal à pied, à cheval et même en toises, soit l’unité de mesure de l’époque.
« On est allés dans une histoire actuelle […] avec une approche scénographique dans laquelle les interactifs, les installations lumineuses et les projections font en sorte qu’on crée des ambiances et des immersions », souligne Mme Lacroix.
La technologie 3D est un autre outil contemporain qui a été ajouté à l’exposition pour la moderniser. Les visiteurs peuvent examiner une reconstitution du bâtiment Royal Insurance et le replacer au cœur de la pointe de l’île de Montréal. « Notre objectif, c’est de mieux faire comprendre les différentes couches archéologiques », soit les niveaux de construction qui relatent l’histoire de la ville, révèle Mme Lacroix. L’exposition renouvelée offre donc l’occasion de marcher sur quatre millénaires d’histoire déployés sous nos pieds.