C’est sans doute la pièce-documentaire la plus importante à voir le jour depuis J’aime Hydro. Depuis cinq ans, Justin Laramée s’intéresse à l’industrie laitière du Québec et à ses failles. Run de lait n’épargne personne : producteurs, syndicats, transformateurs, gouvernements, consommateurs, tout le monde y passe.

Au départ, l’auteur, comédien et metteur en scène a voulu savoir pourquoi la détresse psychologique et le taux de suicide étaient si élevés chez les producteurs laitiers. Jumelé à la scientifique Ginette Lafleur dans le cadre d’un projet présenté au OFFTA en 2016, il a créé une installation sonore intitulée Avant de partir.

« On s’est rendu compte que dans leurs lettres d’adieux, les producteurs listaient tout ce qu’il y avait à faire dans leur ferme, des choses à ne pas oublier… On s’est donc inspiré de ces lettres, mais comme s’ils déléguaient des tâches pour partir en vacances, parce qu’ils ont besoin d’un peu de liberté, ils travaillent tout le temps ! »

L’industrie laitière s’est plus tard retrouvée au cœur de l’actualité : la remise en question de la gestion de l’offre, la renégociation de l’ALENA (qui a ouvert 10 % du marché canadien aux produits étrangers), l’exclusion du lait du guide alimentaire, etc.

Encouragé par Anabel Soutar, Christine Beaulieu (J’aime Hydro) et plusieurs collaborateurs, dont son complice Benoît Côté – qui sera sur scène avec lui –, Justin Laramée a mis le pied à l’étrier pour créer ce qui ressemble à un one-man show. « En 2018, une importante manifestation des producteurs laitiers pour préserver la gestion de l’offre a été l’élément déclencheur pour moi. Je me suis rendu sur place, je leur ai parlé. »

J’ai voulu comprendre pourquoi la moitié des fermes laitières au Québec avaient disparu depuis 20 ans, alors qu’on fournit près de la moitié du lait au Canada !

Justin Laramée

Petit à petit, Justin Laramée a obtenu des réponses. « D’abord, nos vaches sont de plus en plus performantes, c’est une question d’alimentation et de génétique, explique-t-il. Et puis, comme dans plusieurs autres domaines, il manque de relève. Enfin, il y a une consolidation des grandes fermes. Les fermes moyennes tendent à disparaître… »

Le titre de sa pièce s’inspire des rencontres menées au cours de son enquête depuis cinq ans.

Je commence par ma rencontre avec une productrice laitière, qui a vendu sa ferme après le suicide de son mari ; elle me dit d’aller voir son voisin qui a racheté sa ferme ; et lui me dit de rencontrer telle autre personne. C’est comme ça que j’ai construit ma run de lait.

Justin Laramée

Dans son spectacle, Justin Laramée rappelle que les gens boivent moins de lait, mais mangent plus de fromage et de yogourt. Le retour en force du beurre – tombé en disgrâce au profit de la margarine pendant un certain nombre d’années – a également fait croître la demande en lait. Une demande accrue qui force les producteurs à produire toujours plus.

« Neuf vaches sur dix ne voient pas la lumière du jour, dit le dramaturge. Ça m’a amené à réfléchir aux conditions de vie des animaux. Et au fait que pour donner du lait, les vaches doivent mettre bas chaque année. Le problème, c’est qu’une fois sur deux, il s’agit d’un mâle, qui ne donnera pas de lait, et il y en a beaucoup trop. Comme ça coûte trop cher de les engraisser, on en tue des dizaines de milliers par année… »

Ce n’est pas tout. Justin Laramée nous parle du scandale du lait diafiltré, une protéine liquide importée des États-Unis – pour échapper aux tarifs douaniers – et rajoutée dans nos fromages pendant 15 ans (protéine qui contient des hormones de croissance). Le problème, c’est que tout le monde se renvoie la balle.

Ce que le consommateur peut faire, minimalement ? « Acheter des produits avec une vache bleue ou noire, qui garantit qu’il n’y a aucun produit laitier provenant de l’étranger », conseille Justin Laramée.

Après sa série à La Licorne, Run de lait – présentée à Québec au printemps – partira en tournée au Québec. Une quarantaine de dates sont déjà programmées.

Il faut qu’on ait une vraie conversation nationale autour de notre plus importante production agricole, le bien-être animal, les changements climatiques, en lien avec notre autonomie et notre autosuffisance alimentaire. C’est un spectacle sur le Québec.

Justin Laramée

Les distances parcourues par les vaches que l’on consomme l’intéressent particulièrement. « On a 375 000 vaches à abattre au Québec et plus d’abattoirs. Ça veut dire que notre vache part de Drummondville, se fait enlever son étiquette pour se faire abattre en Pennsylvanie, où on la désosse avant de l’envoyer en Alberta et de la renvoyer 8000 km plus loin dans un A&W… de Drummondville. Je vais travailler là-dessus pendant les deux prochaines années. Comment ça se fait qu’on soit un des plus importants éleveurs de vaches au monde et qu’on est incapables de savoir d’où vient la viande qu’on mange ? »

Bonne question.

À La Licorne du 22 novembre au 21 décembre. En tournée partout au Québec en 2023.

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Aussi à l’affiche

Tu ne me croiras pas

PHOTO EVA-MAUDE TC, FOURNIE PAR LA LICORNE

Mattis Savard-Verhoeven et Mary-Lee Picknell sont réunis sur scène pour la pièce Tu ne me croiras pas.

Dans un pays déchiré par la guerre, deux anciens amants se retrouvent dans une manufacture abandonnée et fomentent ensemble le plus grand projet de résistance : celui de s’aimer. Mary-Lee Picknell et Mattis Savard-Verhoeven défendent sur la scène intime de La Licorne les mots de Guillaume Lapierre-Desnoyers, mis en scène par Frédéric Blanchette. Une première création sur scène pour ce texte salué par une mention spéciale lors des prix Gratien-Gélinas de 2019.

À La Licorne, du 14 novembre au 8 décembre

Stéphanie Morin, La Presse

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Plastique

PHOTO ELIOT LAPRISE, FOURNIE PAR LA LICORNE

Plastique rassemble plusieurs personnages masqués qui tentent de survivre malgré la disparition du pétrole.

Forme peu exploitée malgré ses infinies possibilités, le théâtre de masque s’invite à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier avec la pièce Plastique, de Félix Emmanuel et Zoé Girard. « Analogie poétique, lucide et bédéesque de la crise climatique », cette dystopie satirique plantée en 2122 rassemble sur scène une foule de personnages archétypaux aux visages amplifiés. Dans le lot, certains persistent à croire que le secret de la vie éternelle se cacherait dans le rare plastique caché sur le globe…

Au Théâtre Denise-Pelletier, du 22 novembre au 10 décembre

Stéphanie Morin, La Presse

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Ciseaux

PHOTO JÉRÉMIE BATTAGLIA, FOURNIE PAR ESPACE LIBRE

Dans Ciseaux, Mélodie Noël Rousseau (en haut) et Geneviève Labelle veulent découper en morceaux les clichés lesbophobes.

Pièce de théâtre documentaire s’attardant à la mémoire queer de Montréal d’un point de vue féministe, Ciseaux se déploie à partir de matériel documentaire, numéros drags et prises de parole de personnalités de la diversité sexuelle et de genre telles que Manon Massé, Safia Nolin ou Judith Lussier. Sur la scène d’Espace Libre, les autrices et interprètes Geneviève Labelle et Mélodie Noël Rousseau veulent se réapproprier les clichés lesbophobes pour mieux les déconstruire. Un spectacle qui se veut résolument festif, rempli d’humour et d’authenticité.

À Espace Libre, du 15 novembre au 3 décembre

Stéphanie Morin, La Presse

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Le jardin des délices

PHOTO SYLVIE-ANN PARÉ, FOURNIE PAR L’USINE C

Le jardin des délices, à l’Usine C

Voilà une occasion unique de voir cette création mémorable de Marie Chouinard, présentée une seule fois à Montréal à ce jour. Inspiré du tableau grandiose du peintre néerlandais Jérôme Bosch, un triptyque considéré par plusieurs comme un des plus grands tableaux ayant existé, Le jardin des délices imaginé par Chouinard y fait écho avec une œuvre en trois actes – Le jardin des délices, L’enfer, Le paradis. Grandiose, la pièce, d’abord créée en 2016 dans la foulée du 500e anniversaire de la mort du peintre, déploie des reproductions mouvantes, des scènes peintes et des danses ludiques faisant vivre sur scène des positions et accessoires se trouvant sur la toile. Une fresque fantasmagorique à voir ou à revoir.

À l’Usine C, du 17 au 19 novembre, puis du 23 au 26 novembre

Iris Gagnon-Paradis, La Presse

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Le sacre de Lila

PHOTO AMEN LAHCEN, FOURNIE PAR L’AGORA DE LA DANSE

Le sacre de Lila, par Ismaël Mouaraki

Les cérémonies de Lila, rituels mystiques traditionnels de la terre d’où il tire une partie de ses racines, le Maroc, ont inspiré le chorégraphe Ismaël Mouaraki pour cette nouvelle création qui s’annonce la plus personnelle du répertoire de sa compagnie, Destins Croisés. Sur scène, un groupe de danseurs du Québec et du Maroc sont réunis dans un rite révélant la sensibilité et la sensualité du corps masculin, alors que Mouaraki continue d’explorer sa gestuelle signature, métissage de danse urbaine et contemporaine. Le tout, sur une trame sonore mariant traditions marocaines et influences électroniques, composée par Antoine Berthiaume en collaboration avec le collectif Oktoecho et sous la direction artistique de Katia Makdissi-Warren.

À l’Agora de la danse, du 23 au 26 novembre

Iris Gagnon-Paradis, La Presse

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La salle des machines

PHOTO SARAH TATINE, FOURNIE PAR LE CEAD

Phara Thibault figure parmi les dramaturges qui seront lus lors de l’évènement La salle des machines.

Pour la deuxième année, le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui accueille l’évènement La salle des machines du Centre des auteurs dramatiques du Québec (CEAD). C’est l’occasion pour le public d’entendre des textes inédits qui pourraient trouver leur chemin jusqu’à la scène. Des acteurs de renom tels Didier Lucien, Frédéric Dubois ou Alice Ronfard se chargeront de lire des textes signés par Maud de Palma-Duquet (lauréate du prix Gratien-Gélinas 2022 pour Bénévolat), Phara Thibault ou Pénélope Deraîche-Dallaire, notamment.

Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, du 15 au 19 novembre

Stéphanie Morin, La Presse

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