(Londres) Au cœur du quartier londonien de Covent Garden, la petite église Saint-Paul est bien animée pour un milieu de semaine. A l’intérieur, une centaine d’Ukrainiens s’installent dans le brouhaha mais quand le silence finit par tomber, l’atmosphère se tend et le groupe se met à chanter.

À les écouter entonner un air d’opéra de Verdi, guidés par le chef de chœur du Royal Opera House de Londres, difficile d’imaginer que c’est la sixième fois seulement que ces 130 Ukrainiens chantent ensemble, et encore moins que tous ne sont pas professionnels.

Le groupe, accompagné des 45 membres du chœur de la prestigieuse institution londonienne, chantera le 16 mars dans le cadre d’un concert à guichet fermé dédié à leur pays, qu’ils sont nombreux à avoir fui après l’invasion russe il y a un an.

« On était connus comme une nation qui aime chanter et la musique est une part importante de notre culture », affirme à l’AFP Iryna Stepanova, une Ukrainienne de 32 ans qui vivait à Kharkiv, à l’est de l’Ukraine, avant de s’installer au Royaume-Uni en mai 2022.  

« Je pense qu’aujourd’hui, plus que jamais, il faut que nous défendions l’Ukraine sur le plan culturel », estime la jeune femme qui a répondu à l’appel du Royal Opera House pour rejoindre la chorale.  

« Nous espérions rassembler 45 chanteurs et nous avons eu 360 candidatures », s’enthousiasme Jillian Barker, directrice de l’enseignement au sein de l’institution.

Quelque 130 Ukrainiens de tous âges - en majorité des femmes, « les hommes sont au combat » - ont finalement été choisis pour participer. Certains sont professionnels, d’autres n’avaient jamais chanté auparavant.

« Réel échange »

« Ce qui est fou, c’est qu’ils ne se connaissaient pas », explique Mme Barker. « Ce sont seulement des gens qui se sont retrouvés et qui ont formé ensemble une communion en chantant ».

Lors de « la première répétition, ils ont chanté entre eux et nous étions là, debout, en train de pleurer car le son était tellement puissant », ajoute-t-elle.

« C’est une expérience incroyablement émouvante » d’entendre « la connexion spéciale entre un pays natal, une langue et une musique », relève William Spaulding, le chef de chœur du Royal Opera House, qui guide la chorale avant la représentation.

Pour que le projet fonctionne, les organisateurs ont travaillé sur le répertoire, composé d’airs d’opéra « pouvant être chantés par des non-professionnels » et de musiques patriotiques et folkloriques ukrainiennes.

« Ils chantent leur répertoire ukrainien et nous apportons le répertoire de l’opéra », explique Jillian Barker. « Et nous faisons un concert qui est un réel échange. »

Pour Iryna Stepanova, qui avait déjà fait partie d’une chorale en Ukraine, « c’est incroyable de chanter avec le Royal Opera » mais « ce n’est pas simple, ils sont vraiment très professionnels ».

À une semaine du concert, qui aura lieu au Royal Opera, elle est un peu stressée. « Mais j’ai surtout hâte car je pense que ça va être une expérience unique pour tous les Ukrainiens ».  

En tant que chanteur professionnel, Dmytro Hovorov avoue lui qu’il appréhendait de chanter avec des amateurs. « Mais j’ai été vraiment surpris, le niveau est très élevé. »

Originaire de Tcherkassy, le jeune homme de 22 ans vivait déjà au Royaume-Uni avant l’invasion russe.  

« Une chorale ukrainienne avec des chants ukrainiens, c’est vraiment puissant et ça envoie ce message que nous nous battons toujours, que nous sommes toujours forts, qu’on va gagner et que ça va aller », affirme-t-il.

Après le Royal Opera, l’Ukraine sera au centre de l’Eurovision en mai à Liverpool. Le pays avait gagné l’édition 2022 mais ne peut pas accueillir l’évènement sur son sol en raison de la guerre.