Les bibliothèques et les écoles publiques du Québec ne pourront faire l’acquisition de l’autobiographie de Ginette Reno, intitulée Ginette, puisqu’il sera vendu hors librairie, a appris La Presse.

La décision de Ginette Reno, associée au producteur et homme d’affaires Nicolas Lemieux, de vendre son autobiographie en ligne et dans les pharmacies Jean Coutu en exclusivité aura pour conséquence que l’ouvrage pourrait ne pas se retrouver dans les rayons des bibliothèques de la province.

En effet, la Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre oblige les acheteurs institutionnels – bibliothèques et écoles publiques entre autres – à acheter tous leurs livres « dans au moins trois librairies agréées » de leur région administrative.

Toute acquisition de livres pour le compte d’un ministère du gouvernement, de l’un de ses organismes ou un mandataire de l’État doit, pour être valide, être faite auprès d’un libraire qui est titulaire d’un agrément délivré en vertu de la présente loi. [...]

Article 3 de la Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre

Par exemple, la Ville de Longueuil doit faire l’acquisition des livres qu’elle désire pour ses bibliothèques publiques dans au moins trois librairies agréées de la Montérégie.

« Pour le moment, si on veut respecter la loi, nos bibliothèques ne pourront pas procéder à l’acquisition du livre de Ginette Reno », a confirmé jeudi Ève Lagacé, directrice générale de l’Association des bibliothèques publiques du Québec.

Des ventes hors librairie

Dans un entretien accordé à La Presse publié le 17 mars dernier, Nicolas Lemieux a indiqué que les libraires pouvaient faire l’acquisition du livre de Mme Reno en passant par son site transactionnel Oziko, mais à ses conditions, notamment avec une remise de 15 % – au lieu des 40 % normalement accordés aux détaillants.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Nicolas Lemieux

Le président de l’Association des libraires du Québec, Éric Simard, également libraire à la Librairie du Square, avait indiqué dans cet article qu’il n’achèterait pas le livre à ces conditions et qu’il n’encouragerait pas ses collègues libraires à en faire l’acquisition. Renaud-Bray avait eu la même réponse.

Même si certaines librairies devaient en faire l’acquisition, on ne respecterait pas l’esprit de la loi. Le but est évidemment de protéger les petites librairies de toutes les régions du Québec et d’avoir une diversité de livres dans l’ensemble du réseau de nos bibliothèques.

Ève Lagacé, directrice générale de l’Association des bibliothèques publiques du Québec

Il existe cependant une « procédure d’exemption » à la loi, nous dit Ève Lagacé, mais « l’interprétation de cet article n’est pas claire, ce cas-ci est très particulier ». « Nous sommes actuellement dans l’attente d’un avis juridique du ministère de la Culture et des Communications », a-t-elle précisé.

Les 11 exemptions citées dans l’article 25 de la Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre concernent essentiellement les livres anciens et rares dont la distribution a cessé, les réimpressions et publications d’ouvrages de maisons d’édition spécialisées, les livres autres que ceux de langue anglaise ou française, les documents audiovisuels, etc.

Une fois que l’Association des bibliothèques publiques du Québec aura statué sur la question, elle publiera un avis destiné à l’ensemble de ses membres.

Nicolas Lemieux avait justifié sa décision de contourner la chaîne du livre – éditeur, distributeur, libraire – en faisant valoir qu’il y avait trop d’intervenants dans la chaîne, et que le modèle actuel était devenu « archaïque ».

« En fin de compte, il ne reste presque jamais rien pour l’auteur, nous avait-il dit. On parle de 10 %, mais parfois c’est encore moins. Moi, je gère et je produis des artistes, donc mon rôle est de les aider à faire plus d’argent. »

Ginette Reno, qui a autopublié le livre écrit par l’auteur-compositeur Lambert – qui sera lancé le 6 avril –, s’est entendue avec M. Lemieux pour lui verser un pourcentage des ventes pour la distribution et la mise en marché.

Lisez notre reportage sur la vente du livre de Ginette Reno hors librairie