Il n’y a pas si longtemps, La Zarra était encore coiffeuse à Montréal. Samedi prochain, elle représentera la France au concours Eurovision, devant des millions de téléspectateurs. C’est dire le chemin parcouru pour cette chanteuse québécoise d’origine marocaine, qui fait désormais carrière dans l’Hexagone.

On sait déjà certaines choses de sa performance prévue samedi.

Que la chanson s’intitulera Évidemment, dans un style mixant pop variété et chanson française. Qu’elle portera une grande robe noire très glam. Et que la mise en scène s’annonce « dangereuse ».

Extrait d’Évidemment, de La Zarra

Dans un article paru vendredi après sa première répétition au Bank Arena de Liverpool (où se tient le concours), le site d’information français 20 minutes raconte que l’auteure-interprète apparaîtra à trois mètres de hauteur, sur une plateforme cylindrique en mouvement.

« Il y a toute une mécanique qui va la faire monter et descendre. La Zarra aura donc une ceinture de sécurité, qu’elle devra détacher lorsqu’elle se retrouvera au sol, puis rattacher pour remonter », confie Alexandra Redde-Amiel, cheffe de la délégation française à l’Eurovision, à 20 minutes. « Tout est pensé minutieusement pour elle, pour que la performance soit iconique. »

Iconique, on ne sait pas. Mais selon les dernières prévisions des bookmakers, la chanteuse de 35 ans serait la troisième favorite pour remporter le concours, derrière la Suède et la Finlande. La BBC, elle, l’a placée parmi les vainqueurs potentiels.

« Avec la mise en scène adéquate, elle peut se faufiler », souligne William Lee Adams, expert d’Eurovision et créateur du site Wiwibloggs. « Elle va plaire au jury à cause de sa voix et elle va plaire aux gens parce qu’elle vient du peuple. Elle a l’attitude d’une drag queen, cette confiance qui semble dire : je me fous de ce que vous pensez de moi… »

PHOTO TIRÉE DU SITE D’IMDB

Céline Dion à l’Eurovision, en 1988

Annie, Céline, Natasha…

Ce n’est pas la première fois qu’une Québécoise ou une Canadienne participe au concours Eurovision.

Natasha St-Pierre avait aussi représenté la France en 2001, finissant en 4position. Céline avait gagné pour la Suisse en 1988. Et une ancienne interprète de la série Watatatow !, Annie Cotton, avait terminé troisième en 1993, également pour la Suisse.

Deux Canadiennes anglophones sont aussi passées par l’Eurovision, soit Sherisse Laurence, représentante du Luxembourg (3e en 1986) et Rykka, encore pour la Suisse, 18e en 1996.

La France, elle, n’a pas gagné l’Eurovision depuis Marie Myriam en 1977. Et elle compte vraiment sur La Zarra pour se refaire une réputation.

Il y a trois semaines, la chanteuse a cependant donné des sueurs froides à son équipe en refusant de se présenter sur scène à Amsterdam lors d’un spectacle préparatoire.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La Zarra, de son vrai nom Fatima Zahra Hafdi

Cette absence « pour des raisons personnelles » a beaucoup fait parler dans les médias français, qui ont critiqué cet apparent caprice de diva, rumeur nourrie par une réputation d’artiste exigeante et pas toujours facile.

La Presse a tenté dans la foulée de lui parler, mais la maison de disques nous a fait savoir que La Zarra ne recevait pas.

Elle a toutefois fini par publier un message sur les réseaux sociaux pour rassurer ses soutiens. « C’est la dernière ligne droite et je suis plus que jamais déterminée à porter avec fierté et amour les couleurs de la France, a-t-elle déclaré le 26 avril. Nous allons faire scintiller la scène de Liverpool. Nous avons préparé un spectacle éblouissant, dangereux et “so chic” à la française. »

Derrière les portes closes

Sa performance « eurovisienne » est une étape de plus dans l’étonnante ascension de La Zarra.

Découverte en 2016 par Benny Adam, producteur hip-hop montréalais d’origine marocaine, l’ancienne coiffeuse, de son vrai nom Fatima Zahra Hafdi, a été directement repêchée par Universal France, sans passer par la case Montréal.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Benny Adam

La multinationale a manifestement beaucoup investi dans cette prometteuse chanteuse, qui se réclame autant d’Édith Piaf que de l’Algérienne Warda. Son premier single, Tu t’en iras, a été certifié platine dans l’Hexagone en 2021, tandis qu’elle apparaissait dans nombre d’émissions de variétés destinées à promouvoir le produit.

Exceptionnellement cette année, il n’y a pas eu de concours préliminaire pour désigner le représentant ou la représentante de la France à l’Eurovision. Le choix de La Zarra s’est fait derrière des portes closes. Grâce au lobbying de Universal ? Possible, mais pas certain, conclut William Lee Adams.

« Il arrive que les maisons de disques absorbent une part des coûts liés à la candidature d’un artiste, c’est un incitatif pour le diffuseur. Mais dans le cas de La Zarra, je crois qu’elle a vraiment été choisie pour son talent. L’équipe française est affamée. Elle veut gagner le concours plus que n’importe quel autre pays. Alors j’aurais tendance à croire que son choix a été motivé par la qualité… »