Sugar Sammy est l’un des rares humoristes québécois qui parviennent à faire rire les foules de nombreux pays. Les artistes d’ici qui ont trouvé leur public ailleurs et qui ont conquis les marchés internationaux l’inspirent. En voici trois, qui nous racontent brièvement leur parcours.

Jay Baruchel, acteur, scénariste, réalisateur

Jay Baruchel joue depuis qu’il est jeune ado. En 1995, il décroche un petit rôle dans la populaire série Are You Afraid of the Dark ? L’année suivante, il tourne le premier de 40 épisodes de My Hometown, dans la peau du personnage principal, Thomas Thompson. Ses débuts à Hollywood suivent peu après. On le voit entre autres dans Almost Famous en 2000. Toutefois, il peine à trouver du travail dans son propre pays.

« Dans le Canada anglais, tu ne vaux rien tant que tu n’as pas réussi aux États-Unis, affirme Jay Baruchel. J’étais à Los Angeles, je venais de travailler avec Clint Eastwood sur [Million Dollar Baby] qui allait remporter l’Oscar du meilleur film et les directeurs de distribution à Toronto ne me prenaient pas assez au sérieux pour me laisser auditionner. »

Knocked Up, Tropic Thunder, She’s Out of My League, les films d’animation How To Train Your Dragon et bien d’autres ont changé la donne. « Aujourd’hui, j’ai 41 ans et j’ai joué dans plein de trucs qui ont fait beaucoup d’argent aux États-Unis, alors ils ne peuvent plus m’ignorer », affirme celui qui a grandi dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal.

« Je rêve du jour où le Canada anglais fera comme le Québec et réalisera que c’est possible de faire ses propres films et ses propres séries et d’avoir ses propres vedettes. Il y a des exceptions comme Trailer Park Boys, FUBAR, Goon, mais l’écosystème culturel québécois est beaucoup plus sain. »

Jay Baruchel termine l’entrevue en disant qu’il espère que plus de « ça » aidera, en montrant du doigt l’affiche de son film entièrement canadien BlackBerry, qui vient d’arriver en salle.

Chloe Wise, artiste visuelle

PHOTO CHLOE WISE, FOURNIE PAR BLOUIN DIVISION

Chloe Wise au milieu de sa plus récente exposition

Chloe Wise était de retour à Montréal en mars dernier afin de présenter sa plus récente exposition à la galerie Blouin Division. « C’est la ville où j’ai grandi, alors c’est nostalgique. C’est un endroit que j’adore et j’ai de la gratitude pour cette ville, même si je n’y ai pas passé de vrai temps depuis 10 ans », raconte-t-elle au téléphone dans un français un peu cassé mais bien clair.

En effet, elle habite New York depuis une décennie après un arrêt à Toronto à la suite de ses études à Concordia. L’artiste, qui a entre autres travaillé avec Kent Monkman avant de s’établir aux États-Unis, a constaté des différences entre les milieux artistiques dès qu’elle s’y est installée.

« À Montréal et à Toronto, tout le monde me disait : “Prends ton temps, attends ton tour, il faut que tu deserve, il faut que tu te prouves.” Et je comprends, c’est comme ça dans beaucoup d’endroits où il n’y a pas assez d’opportunités, explique-t-elle. Mais à New York, il y a tellement de nouveauté, tellement de possibilités. Quand je suis arrivée, l’attitude que j’ai perçue était : “Bienvenue, tu fais quoi ? On est intéressés. Montre-nous !” Personne n’a besoin de savoir si les autres aiment [ce que tu fais] avant de t’accepter. »

« J’ai commencé à faire des expos et deux mois après mon arrivée à New York, ma galerie canadienne m’a invitée à faire une expo à Montréal. C’est un peu comme si on avait besoin de l’approval de New York pour avoir sa chance au Canada. »

  • Des œuvres de Chloe Wise

    PHOTO MORGANE BOULDEN, FOURNIE PAR BLOUIN DIVISION

    Des œuvres de Chloe Wise

  • Des œuvres de Chloe Wise

    PHOTO MORGANE BOULDEN, FOURNIE PAR BLOUIN DIVISION

    Des œuvres de Chloe Wise

  • Des œuvres de Chloe Wise

    PHOTO MORGANE BOULDEN, FOURNIE PAR BLOUIN DIVISION

    Des œuvres de Chloe Wise

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Chloe Wise précise que puisque sa mère est américaine, déménager a été fort simple pour elle. Mais c’est son talent et son originalité qui lui ont réellement permis de présenter ses œuvres au monde entier. Elle participera d’ailleurs à la foire Art Basel, en Suisse, le mois prochain.

Dave 1, de Chromeo, musicien

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Dave 1 de Chromeo

Outre Kaytranada, Chromeo était la seule présence québécoise au réputé festival Coachella, il y a un mois, en Californie. David Macklovitch, alias Dave 1, la moitié du duo funk-électro, raconte au téléphone que cette cinquième participation était probablement sa préférée et que le fait d’être parmi les seuls à représenter son coin de pays y est pour quelque chose.

« Il y a plein de choses qu’on fait qui nous rendent fiers de notre singularité, et j’espère que la presse et le public montréalais n’oublieront pas qu’on se considère nous-mêmes encore comme des émissaires de la ville qui nous a formés, indique le chanteur. Qu’un Juif et un Libanais se trouvent dans un lycée français et découvrent le funk en checkant Bouge de là à MusiquePlus n’aurait pas été possible sans Montréal. »

Dave 1 et Patrick Gemayel, alias P-Thugg, ont formé Chromeo au tournant des années 2000 avec le soutien de Tiga et de son étiquette Turbo, mais c’est le déménagement subséquent de David à New York qui a permis au groupe de faire ses premiers spectacles aux États-Unis. « Notre premier album [She’s in Control] est sorti en 2004 avec un deal d’une compagnie internationale, donc on faisait des shows un peu partout. Après, quand je travaillais sur l’album Fancy Footwork, j’habitais à Paris. Ce sont un peu mes déplacements qui ont aidé à ce qu’on soit connus internationalement, mais on n’a jamais senti qu’on manquait de soutien de la part de Montréal. »

Ce sentiment de fierté et cet amour pour sa ville d’origine reviennent tout au long de notre conversation. « Je n’ai jamais voulu proposer cette idée qu’on a dû être connus internationalement pour être reconnus à Montréal, assure Dave 1. Au contraire, on a toujours, de façon subtile ou subreptice, essayé de rendre hommage à une tradition québécoise. Chaque fois qu’on fait de la presse à Montréal et qu’on nous demande nos influences, on dit tout le temps Les BB. Patrick Bourgeois, c’est mon idole, for real. Pour moi, ce sont les Hall & Oates du Québec. Tout mon style, même mon style vestimentaire, est basé sur un groupe québécois des années 1980 qui s’appelle Madame. C’est les premiers que j’ai vus porter des Ray-Ban et des perfectos. »

Ces influences pourront être constatées au MTelus le 19 octobre. La date de sortie du nouvel album de Chromeo sera annoncée sous peu.

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