Maripier Morin va bien. Maripier Morin va mieux. Trois ans après son excommunication du show-business, et deux mois avant son retour en ondes, l’animatrice respire avec davantage de sérénité. « Mon chemin de croix, je suis encore dedans. Mais la croix est moins lourde. »

La Presse a rencontré Maripier Morin jeudi après-midi à Montréal, au terme d’un évènement médiatique qui avait attiré une soixantaine de personnes (journalistes, photographes, influenceurs, amis, artistes). La raison ? Le lancement d’une gamme de boissons sans alcool baptisée Mox.

Pendant près de trois heures, la jeune femme de 36 ans a navigué de convive en convive, pris la pose devant l’objectif des photographes et multiplié les entrevues. Le tout, en talons hauts (accessoire qu’elle n’a « plus l’habitude de porter », précise-t-elle) et, surtout, en souriant. Après l’avoir vue verser des larmes sur plusieurs tribunes au cours des derniers mois, cette scène paraissait marquer une coupure.

D’un œil extérieur, on croyait observer un poisson qui retrouve son bocal. Une perception que Maripier Morin, une fois attablée au restaurant Joséphine, a rapidement corrigée.

« Je te mentirais si je disais que je dors très bien depuis une semaine. Il y a toujours le spectre de l’évènement média. Est-ce que les gens vont venir ? Est-ce que les choses vont bien se passer ? Comment je vais me sentir ? Je crée des scénarios dans ma tête. Je vois toujours la pire affaire : y aura pas un chat, pis les gens vont me lancer des roches. C’est à peu près ça… »

N’empêche qu’en regagnant le feu des projecteurs de cette manière, la principale intéressée a-t-elle l’impression de renouer avec « sa vie d’avant », alors qu’elle trônait au sommet de l’échelle ?

« Je ne retrouverai jamais cette vie-là, et je ne sais pas si elle m’intéresse, répond candidement Maripier Morin. Ce qui est important pour moi, aujourd’hui, c’est la rencontre avec l’humain. Faire la promotion d’un nouveau produit au hasard, parler aux journalistes et prendre de belles photos pour nourrir mon ego, c’est mauvais pour moi. Avant, j’avais l’impression que ça allait me rendre heureuse. Mais c’est un leurre. Ça n’existe pas. La vraie affaire, c’est ce que je suis en train de construire au quotidien avec mon chum, ma fille, ma famille. »

À point nommé

Le retour de Maripier Morin gronde depuis quelque temps. Il sera officialisé le lundi 21 août prochain, lorsqu’elle prendra les commandes de l’émission matinale de WKND 99,5 Montréal, une jeune station de radio du groupe Leclerc Communication lancée en 2020, l’année où tout s’est écroulé après une dénonciation publique de Safia Nolin pour harcèlement sexuel et agression physique. L’étoile du petit écran s’est ensuite retrouvée au cœur d’enquêtes journalistiques révélant ses comportements répréhensibles (Le Devoir, La Presse).

À l’écouter parler de l’état d’esprit dans lequel elle était lorsque Benoît Simard, le directeur des programmes de WKND, l’a contactée, en février dernier, pour qu’elle passe une audition, on constate que l’appel est arrivé à point nommé.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Maripier Morin

J’étais en train de penser : “Peut-être qu’il va falloir que j’aille travailler au Tim Hortons éventuellement.” J’étais comme : “J’aurai fait deux films [Arlette, La chute de l’empire américain]. J’aurai eu une belle carrière.” Dans ma tête, j’étais rendue au point où j’avais l’impression qu’il fallait que je tire la plogue émotionnellement.

Maripier Morin

« À un moment donné, se sentir à contre-courant, quand rien ne marche… Tout le monde a une limite. Je pense que j’avais atteint la mienne », poursuit-elle.

Maripier Morin était tellement convaincue qu’elle allait mordre la poussière avec WKND qu’elle n’a même pas informé son amoureux, l’acteur Jean-Philippe Perras, qu’une audition top secrète était prévue. En fin de compte, malgré une nervosité apparente (« Je shakais »), l’essai s’est avéré concluant, et l’offre s’est concrétisée.

« Je suis juste contente d’avoir la chance de faire le métier que j’aime, déclare-t-elle en sirotant son cocktail sans alcool. En thérapie, quand je suis arrivée, ils m’ont demandé : “Qu’est-ce que tu vas faire du reste de ta vie ?” Je n’ai jamais pleuré de même. Parce que je n’ai aucune idée dans quoi je suis bonne, à part communiquer, être curieuse et parler aux gens. Je n’ai pas d’études. Je vais faire quoi sinon ? »

Passer à autre chose ?

Quiconque possède un téléviseur, une tablette ou encore un téléphone cellulaire connaît les grandes lignes du cheminement de Maripier Morin depuis l’été 2020. Récemment sur ICI Télé, on l’a vue s’épancher avec France Castel à l’émission L’autre midi à la table d’à côté. On l’a aussi entendue à l’émission balado Ouvre ton jeu de Marie-Claude Barrette. Dans chaque cas, elle n’a reculé devant aucun sujet : ses années de consommation de drogue et d’alcool, sa thérapie, sa démarche, sa guérison, etc.

Et depuis décembre 2021, elle anime une baladoémission à vocation sociale intitulée Grains d’espoir qui, vous l’aurez deviné, traite de dépendance.

Après avoir abordé le sujet sur plusieurs tribunes, est-ce que Maripier Morin compte un jour imiter France Castel et refermer doucement la porte sur ses vices passés ?

« J’en parle dans mon podcast parce que ça me fait du bien, et je sens que ça fait du bien à beaucoup d’autres personnes. Mais je ne vais pas faire juste ça. Sinon, c’est aliénant. Pis ça devient inintéressant. À un moment donné, c’est comme : “OK, c’est beau. On a compris. Passe à autre chose !” »

La seule conviction que j’ai, c’est que dans mon prochain projet d’animation, de documentaire ou peu importe, je vais aller ailleurs. J’ai envie d’aller explorer d’autres terrains de jeu. Oui, je suis une dépendante, mais j’ai plein d’autres facettes. J’ai encore plein d’aspirations, plein d’idées, plein de projets…

Maripier Morin

« Je fais mon possible »

Maripier Morin sait que son nom sera « éternellement » collé aux évènements des dernières années. Mais elle semble bien l’accepter.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Maripier Morin

« Quand j’ai commencé les rencontres de fraternité, ils me disaient toujours : “Maripier, il faut que tu laisses le temps au temps de faire son temps.” Ce n’est pas ce que je voulais entendre. Je voulais que ça aille à mon rythme ! Mais ils avaient raison : ça prend du temps. Je n’aurais pas été capable d’être ici, six mois plus tard, à parler d’un processus de rétablissement, des assises que j’ai réussi à déposer dans ma vie, des réflexions que j’ai faites, des changements concrets et réels que j’ai apportés. »

D’ici son entrée en ondes à WKND 99,5 Montréal, l’animatrice devra franchir une étape charnière du parcours d’une mère : envoyer sa fille Margot, âgée d’un peu plus de 1 an, à la garderie. Ce passage obligé semble grandement la préoccuper, puisqu’à deux reprises durant notre entretien, elle l’évoque en grimaçant.

« Quand j’accepte ma vulnérabilité, je trouve ma force pour avancer. Parce que je ne suis pas parfaite, je ne suis pas une Wonder Woman, je ne suis pas la maman de l’année. Je fais juste mon gros possible. »

Quant au reste, elle voit enfin le bout du tunnel.

« Je suis en train de reprendre confiance en moi, en mes moyens… Ça fait du bien, se prendre avec bienveillance. C’est nouveau pour moi. Je n’ai pas l’habitude. »