Le Festival Triste, du 23 au 26 novembre, convie le public à explorer la beauté de la tristesse à travers l’art, sous toutes ses formes. Discussions avec la cofondatrice de l’évènement, Anne-Julie St-Laurent, ainsi qu’avec l’auteure-compositrice-interprète Helena Deland, qui lancera son récent (et triste) album dans le cadre du festival.

Il n’est pas bien compliqué de saisir ce qui relie l’album Goodnight Summerland d’Helena Deland et le Festival Triste, où elle le présentera pour la première fois sur scène à Montréal. Le disque paru à la fin d’octobre est marqué par le deuil de la mère de l’artiste, qui a traduit dans des pièces folk dépouillées les émotions vives de cette perte. « C’est une expérience extrêmement triste, entre autres », nous dit l’artiste, jointe par téléphone à son retour à Montréal, après une série de spectacles aux États-Unis et au Canada.

Elle nous explique également qu’on lui a parfois demandé, avec une teinte de reproche, pourquoi tant de tristesse imprégnait son œuvre. « C’est un peu étrange de demander à quelqu’un que sa musique ne soit pas triste », constate Helena Deland, dont l’album est aussi « plein d’autres choses », mais qui, comme bien des artistes, a fait de sa peine un canevas.

À l’entendre parler, on comprend encore mieux pourquoi le Festival Triste, où l’on ne risque jamais de se faire reprocher sa mélancolie, est l’endroit idéal pour le spectacle de lancement de Goodnight Summerland.

C’est super de mettre de l’avant ces sentiments-là qui sont peut-être jugés plus difficiles, mais font partie de la majorité des œuvres d’art en général.

Helena Deland

La tristesse sous toutes ses formes

Pour la deuxième année, la tristesse sera ainsi à l’honneur dans le Mile End. Des concerts, des spectacles de danse, des projections de films, des installations, des discussions… autour de ce thème universel, les organisateurs de l’évènement souhaitent créer une communion, des échanges et du divertissement. La tristesse est universelle, mais pas forcément célébrée ou même acceptée. Pourtant, en ce mois de novembre, cette convocation à plonger tête première dans ce sentiment en s’entourant d’art n’est pas si farfelue.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Anne-Julie St-Laurent, Alice Perron-Savard et Maxime Genois

« Des fois, on peut avoir envie d’aller consommer de l’art avec des gens, mais que ce soit quelque chose de plus doux, de plus introspectif, de plus vulnérable », affirme Anne-Julie St-Laurent, cofondatrice de l’évènement. C’est de cette envie qu’est né le Festival. Celle qui a aussi cofondé le festival Bleu Bleu, en Gaspésie, s’est retrouvée en 2018 avec l’envie de parfois être dans un contexte de festival… sans que ce soit festif. Une conversation avec son ami, le musicien Joseph Marchand, a fait germer l’idée du Festival Triste. Quatre ans plus tard, accompagnée de Maxime Genois et d’Alice Perron-Savard, Anne-Julie St-Laurent a concrétisé son idée.

« Quand j’en parlais à des gens, la moitié me demandait pourquoi je faisais ça et trouvait que c’était négatif et l’autre moitié était vraiment très investie », relate-t-elle.

On l’a vu la première année, il y a vraiment un public qui a envie d’être là, on veut vivre des moments vulnérables ensemble, les artistes sur scène sont tellement généreux et peuvent présenter des œuvres qu’ils ne jouent pas d’habitude parce que le contexte est parfois moins bon. C’est beau à voir.

Anne-Julie St-Laurent

La cofondatrice constate que l’évènement permet de vivre des émotions vives dans un contexte auquel on a rarement accès. Mais on rit, on échange et on danse (lors des Soirées électristes) aussi au Festival Triste. Et, surtout, on célèbre une multitude de formes d’art, entre les soirées de cinéma (au Cinéma Moderne) ou de poésie, les spectacles de musique ou de danse, les expositions d’installations ou les performances.

Au Festival Triste, on pourra notamment aller voir le film Tendresse ordinaire, de Jacques Leduc. On pourra assister à la performance Naître, c’est disparaître, de l’artiste pluridisciplinaire Nana Quinn. Klô Pelgag présentera son Spectacle triste, Anachnid lancera son album freak of nature, Gazoline offrira son dernier show. Le thème de la tristesse interpelle de nombreux partenaires qui permettent aux organisateurs de bâtir un festival diversifié, raconte Anne-Julie St-Laurent.

Tristesse partagée

Ainsi, Helena Deland montera sur la scène de La Tulipe avec un spectacle qui sera triste, mais pas seulement. Pour cette première tournée en tête d’affiche, elle présente l’entièreté de son récent opus et survole le précédent, entourée d’un groupe de musiciens avec lesquels elle se sent assez en confiance pour qu’ils portent ensemble des chansons si personnelles.

Cet album, elle l’a voulu esthétiquement plus « humble ». « Il y avait un sentiment d’urgence aussi, il fallait que ça sorte parce que je ne voulais pas être face à ces chansons pendant trop longtemps », dit-elle. Encore une fois, parce que le disque est si plein d’un sentiment profondément personnel, sa parution a également été un moment de déchirement. « Deux jours avant la sortie, je ne comprenais pas pourquoi, mais je pleurais, j’étais vraiment triste, raconte Helena Deland. Je vivais une séparation anticipée avec cet objet tellement personnel. J’étais dans la crainte d’être déçue aussi. »

Finalement, le public lui a vite fait comprendre à quel point il comprenait son œuvre, une « récompense vraiment grande » pour l’artiste. Cette universalité dans la tristesse s’est cette fois aussi fait ressentir.

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