Une année où les coups de cœur ont été nombreux pour nos journalistes qui ont eu à couvrir des évènements marquants et même émouvants.

Les femmes du musée des beaux-arts

Françoise Sullivan est née ici et a étudié la danse à New York, dans les années 1940, avant de revenir travailler au Québec où elle est devenue une figure marquante des arts visuels. Marisol est une artiste d’origine vénézuélienne, multidisciplinaire, qui a vécu à New York dans les années 1960. Si elles ne se sont pas croisées dans leur vie professionnelle, le Musée des beaux-arts de Montréal provoque une rencontre en présentant deux rétrospectives de leur travail, deux expos différentes qui font pourtant vibrer des cordes sensibles communes. Je ne connaissais rien de Marisol et j’avais l’impression d’avoir tout vu de Françoise Sullivan : dans les deux cas, il y avait beaucoup à apprendre, à découvrir, à décortiquer. Deux très grandes artistes qui, jamais, n’arrêteront de nous surprendre.

Stéphanie Bérubé, La Presse

Les Cowboys Fringants sur les Plaines

PHOTO CAROLINE GRÉGOIRE, ARCHIVES LE SOLEIL

Les Cowboys Fringants sur les plaines d’Abraham, le 17 juillet 2023

Le hasard a voulu que je sois à Québec pour une autre affectation le lundi 17 juillet dernier. Or, cette date restera à jamais inscrite dans ma mémoire. Appelé au dernier moment à couvrir le spectacle des Cowboys Fringants, je me suis retrouvé au cœur d’une manifestation d’émotion collective qu’il ne m’avait jamais été donné de vivre. Quand Karl Tremblay s’est assis pour reprendre ses forces avant de chanter la désormais inoubliable Sur mon épaule, quand son amoureuse Marie-Annick Lépine s’est penchée sur lui pour l’embrasser, la chaude atmosphère estivale s’est soudainement retrouvée porteuse d’une charge émotive qui s’est posée dans le cœur des 90 000 personnes présentes sur les Plaines. Je suis descendu dans la foule pour partager le moment, un saisissant mélange de mélancolie, de tristesse et d’amour pour cet homme, malgré lui plus grand que nature.

Pierre-Marc Durivage, La Presse

Dylan chante Cohen

PHOTO CHRIS PIZZELLO, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Bob Dylan en 2012

Les spéculations allaient bon train, Bob Dylan ayant pris l’habitude au cours des derniers mois d’offrir à son public une reprise d’un artiste originaire de la ville où il se trouvait. Jouerait-il ce dimanche soir là, à la salle Wifrid-Pelletier, une chanson d’un de ses camarades dont il a le plus jalousé l’écriture ? La réponse viendrait vers la fin de son concert béni du 29 octobre, sous la forme d’une lumineuse relecture de Dance Me to the End of Love, sa première interprétation d’un classique de Leonard Cohen depuis sa version d’Hallelujah au Forum, en 1988. Excusez la formule usée, qui n’aura pourtant jamais été aussi vraie, puisque tous les spectateurs devaient ranger leur téléphone intelligent dans une pochette verrouillée : il fallait être là.

Dominic Tardif, La Presse

Rome

PHOTO MAXIM PARÉ-FORTIN, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Alex Bergeron et Sylvie Drapeau dans Titus Andronicus, le dernier volet du spectacle-fleuve Rome

En réunissant cinq pièces du cycle romain de Shakespeare dans Rome, présenté à l’Usine C à Montréal, ainsi qu’au Théâtre français du CNA à Ottawa, Brigitte Haentjens et Jean Marc Dalpé ont fait le pari que le théâtre demeure le lieu idéal pour illustrer la mégalomanie des hommes de pouvoir et les paradoxes de la démocratie. Au-delà de sa durée (7 h 30 min) et de son imposante distribution (près de 30 interprètes), ce spectacle-fleuve est surtout une magnifique expérience théâtrale et humaine. Une épopée historique qui nous fait réfléchir aux dérives du temps présent.

Luc Boulanger, La Presse

La générosité de -M-

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

-M- en concert à la salle Wilfrid-Pelletier, aux Francos en juin

J’avoue que je doutais que les spectateurs se lèvent pour danser lors du passage de -M- à la salle Wilfrid-Pelletier dans le cadre des Francos en juin. Je le lui ai même dit en entrevue dans sa loge, quelques heures avant le premier de ses deux spectacles à Montréal. « C’est vrai que les sièges sont très confortables, hein ? », a répondu le chanteur français en souriant. J’ai alors voulu le rassurer (je ne sais pas pourquoi) en lui disant que même si les gens restaient assis, le concert serait bon. Il a opiné avant de laisser planer un court silence. « Ils vont se lever », a-t-il dit d’un air entendu. C’est lui qui avait raison, bien sûr. Dès l’arrivée sur scène de l’auteur-compositeur-interprète-entertainer, l’immense salle de la PDA s’est enflammée. Il n’a fallu que quelques riffs de guitare dont il a le secret pour que le public se lève d’un bloc, et après trois chansons, on avait déjà l’impression que l’ambiance avait atteint son paroxysme. Mais le niveau – élevé – de bonheur et de plaisir n’est jamais redescendu, et les spectateurs sont restés debout à danser et à chanter jusqu’à la toute fin, deux heures plus tard. On savait depuis longtemps qu’il avait le sens du spectacle, mais Mathieu Chedid a donné ce soir-là une grande leçon de générosité en distribuant de l’amour et de la musique sans compter. Ce fut un inoubliable moment de joie pure partagée : ça m’apprendra à douter de -M-.

Josée Lapointe, La Presse

Enchanté par Carol Wainio

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

The Fall, 2015, acrylique sur toile, 198 cm sur 305 cm

Son expo Réenchantement porte vraiment bien son nom. En s’attardant aux paysages enchanteurs de Carol Wainio, on retrouve ici et là des personnages tirés de contes populaires comme Le Petit Poucet ou Le Chat botté. En fait, les grands tableaux de la peintre ontarienne abordent une foule de thèmes qui évoquent à la fois la grandeur et la décadence, la beauté de la nature et la crise climatique qui la menace, l’espoir incarné par les enfants en même temps que leur perte de repères et leur abandon… Il y a mille interprétations possibles de ces toiles à la fois expressionnistes et figuratives, sombres et lumineuses. Une des expos les plus intéressantes de l’automne.

Jean Siag, La Presse

Au 1700 La Poste jusqu’au 21 janvier 2024

Consultez le site de l’exposition

Karkwa au MTelus

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Karkwa en spectacle au MTelus, le 30 novembre

J’ai découvert Karkwa à la fin de l’école secondaire, plusieurs années après que le groupe eut annoncé qu’il prenait une pause pour une durée indéterminée. Je vivais son départ prématuré comme une injustice, même si j’avais plongé dans son univers musical en toute connaissance de cause. Vous dire, donc, ma joie lorsque les premières notes de Pyromane ont retenti dans un MTelus plein à craquer, il y a quelques jours à peine. Parmi les admirateurs de longue date, nous étions des centaines de jeunes qui rencontraient le quintette pour la première fois, des étoiles dans les yeux. Sur scène, les cinq musiciens ont été généreux, rattrapant le temps perdu en puisant abondamment dans leurs premiers albums – il y avait quelque chose de quasi thérapeutique à chanter à tue-tête L’épaule froide ou 28 jours. Selon mon collègue Alexandre Vigneault, c’était de loin le meilleur concert de Karkwa. Je n’ai pas de point de comparaison, mais je n’ai pas de peine à le croire…

Léa Carrier, La Presse

Verbal Intercourse sur scène

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Nas et Ghostface Killah

Only Built 4 Cuban Linx…, lancé en 1995 par Raekwon, est mon album préféré de tous les temps. Mon GOAT, comme disent les jeunes lorsqu’ils expriment leur affection pour un artiste, un athlète, un sandwich… Le 2 octobre, Raekwon et tous les autres membres du Wu-Tang Clan ainsi que Nas étaient réunis à la Place Bell. Dans cette soirée truffée de moments mémorables, mon plus fort est arrivé lors de la première transition sur scène entre le groupe de 10 rappeurs et le MC de Queensbridge. Nas est sorti de l’ombre pour entonner le premier et génial couplet de Verbal Intercourse, seule chanson de Cuban Linx qui comprend un invité à l’extérieur du Clan. Raekwon et Ghostface Killah ont ensuite livré les leurs avec panache, l’équivalent pour moi de la cerise sur le sundae.

Pascal LeBlanc, La Presse

Marisa Monte, déesse du Sud

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Marisa Monte

Mon moment musical de l’année, je l’ai vécu à la Place des Arts, où j’ai notamment passé de belles soirées avec Robert Plant et Alison Krauss, Melody Gardot et Avishai Cohen pendant le Festival international de jazz de Montréal. Mon cœur balance toutefois entre Natalia Lafourcade, du Mexique, à la Maison symphonique, et Marisa Monte, du Brésil, au Théâtre Maisonneuve. Nunca Es Suficiente a été ma chanson de l’été, au point où j’ai voulu apprendre à la jouer et à la chanter. Spotify me rappelle toutefois que Marisa Monte est l’artiste que j’ai le plus écoutée en 2023. Alors je la choisis, elle, pour sa fabuleuse entrée en scène – coiffée de son diadème, elle avait l’air d’une déesse – et pour ce généreux concert, empreint d’allégresse. Elle rayonnait sur scène. Nous aussi devant elle.

Alexandre Vigneault, La Presse

Le Roy, la Rose et le Lou[p]

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Le spectacle Le Roy, la Rose et le Lou[p]

Nous avions assisté l’an dernier au tout premier spectacle réunissant sur la scène des Francos Ariane Roy, Thierry Larose et Lou-Adriane Cassidy. La version en salle, améliorée, présentée à l’automne, a été notre grand coup de cœur de l’année, et de loin. Le Roy, la Rose et le Lou[p] est une épopée musicale comme il s’en fait peu, réfléchie avec audace et inventivité, réunissant des talents et des styles qui se complètent à merveille. On ne nous sert pas les chansons évidentes, on présente plutôt une succession de morceaux tirés des trois répertoires, arrangés avec brio, livrés avec fougue ou avec douceur, avec plusieurs voix ou en solo, mais toujours dans ce sentiment de communion, entre les membres de la bande sur scène et avec le public. Soulignons également que les sept musiciens qui accompagnent le trio sont géniaux. Bref, rien ne manque à ce spectacle qui nous est resté dans la tête longtemps après notre soirée au Club Soda de Montréal. La tournée de 10 dates dans la province s’est terminée à la fin du mois de novembre, mais, heureusement, le Roy, la Rose et le Lou[p] monteront de nouveau sur la scène des Francos l’été prochain. Nous y serons assurément.

Marissa Groguhé, La Presse