Christian Bégin s’est fait brasser par la vie depuis un peu plus d’un an. Mais celui qui animera lundi la quatrième Nuit de la déprime commence l’année avec un appétit de vivre toujours aussi grand, et l’envie de continuer à se déployer dans plusieurs types de projets.

Lors de l’émission En direct du jour de l’An diffusée le 31 décembre, Christian Bégin a été présenté comme « le ressuscité de l’année ». Cela a bien fait rire l’animateur et comédien, qui s’est fait enlever d’urgence au printemps dernier une tumeur au cerveau « non maligne, mais mal placée » : même si elle était dangereuse pour sa vie, ce n’est pas du tout comment il se sent.

« Je n’ai pas combattu un cancer. J’ai vécu quelque chose d’inquiétant, mais ponctuel. Maintenant que la tumeur est enlevée, en tout cas en partie, je n’en porte pas de séquelles et tout laisse croire que je n’aurai pas à revivre ça. C’est un évènement que je ne souhaite à personne et que j’aurais voulu éviter, mais qui est derrière moi. »

Bref il n’y a pas d’avant et d’après, sinon une conscience peut-être un peu plus aiguë que la vie est fragile, et le désir d’en savourer chaque moment. « Mais en même temps, ça faisait déjà partie de ma nature. J’ai toujours été quelqu’un qui mord dans la vie de toute façon. »

Pour bien des gens, ce genre d’évènement aurait aussi été une occasion de changer de travail, de déménager ou de prendre leur retraite. Mais pas question de modifier quoi que ce soit à son existence, puisqu’elle le comblait et le comble toujours parfaitement.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Christian Bégin

J’aime ma vie. Pis la vie est encore généreuse avec moi. Alors je vais rester dans le train tant qu’on ne va pas me prendre et me pitcher en bas.

Christian Bégin

Apprentissage

Christian Bégin ne garde aucune séquelle de l’intervention, mais les deux premiers mois ont été difficiles. Il a souffert de strabisme (une déviation des axes visuels) et d’étourdissements, ce qui l’a forcé à abandonner la tournée de son spectacle Les 8 péchés capitaux entreprise en octobre 2022.

Une décision inévitable, mais crève-cœur, puisque ce troisième one-man-show, qui arrivait 25 ans après son précédent, avait pris son erre d’aller après des débuts chaotiques – lire : des réactions pas mal unanimement négatives.

« Ça a été long, mais finalement c’est un show qui marchait bien et dont j’étais fier. Il y aura toujours un sentiment de coït interrompu avec ce spectacle. Je ne sais pas si j’en ferai un autre. Pas sûr. »

On reconnaît dans ses réponses le Christian Bégin honnête et entier. Il ne le cache pas et il l’a dit plusieurs fois déjà : il a pleuré sa vie en lisant les critiques. Mais plutôt que de se rouler en boule dans un coin, il a décidé de retravailler son spectacle.

J’avais surestimé mon capital de sympathie, que les gens allaient accepter mes maladresses. J’avais moins travaillé que j’aurais dû. Mais après avoir dit à ta blonde que tu veux plus aller sur le stage, tu te relèves les manches. Parce que c’est ton métier.

Christian Bégin, au sujet de son spectacle Les 8 péchés capitaux

Le choc a été d’autant plus grand que c’était la première fois de sa carrière qu’il était éreinté par la critique – à 60 ans, un beau rappel à la réalité ! « C’est important de se dire, mais mon garçon, rien n’est jamais acquis ! » Surtout que quelques mois plus tard, il a été confronté au fait qu’il aurait pu mourir. « Tout à fait. Ça a été une année… très instructive. »

Soirée galvanisante

Christian Bégin ne sait pas s’il réécrira un spectacle d’humour. Cependant, l’auteur a commencé à écrire sa quatrième pièce de théâtre – « Mais je ne jouerai pas dedans » –, et il y a un projet dans l’air avec sa bande des Éternels pigistes. L’animateur a aussi pu reprendre l’automne dernier les enregistrements de Curieux Bégin et de Y’a du monde à messe, et cet hiver, il participera régulièrement à l’émission de Marc Labrèche Je viens vers toi. Quant au comédien, on peut le voir dans Indéfendable et La candidate, et il sera bientôt à l’affiche dans la websérie La médiatrice.

PHOTO ÉVA-MAUDE TC, TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE L’ÉMISSION

Christian Bégin à Y’a du monde à messe

« J’ai la même soif, le même désir de me déployer sur plusieurs terrains de jeu. » Et l’année commence bien avec La nuit de la déprime, qu’il anime avec le plus grand des bonheurs depuis quatre ans.

« C’est la soirée la plus galvanisante que je puisse imaginer. » Lors de la première présentation en janvier 2020, il avait été difficile de convaincre les artistes de participer, se rappelle-t-il. « Ils ne comprenaient pas la nature du show, mais maintenant c’est le contraire, on est obligés de refuser du monde ! »

Résultat, une affiche diversifiée d’une vingtaine de personnes, qui va de Klô Pelgag à Laurent Paquin en passant par Anne Dorval et Guylaine Tanguay. Tout ce beau monde chantera et racontera la déprime en se vautrant bien dedans.

« Autant dans une soirée comme ça on rit beaucoup, autant on est profondément touché. Par procédé comique, l’accumulation de numéros qui tournent autour de la déprime, ça crée un effet cathartique, un exutoire incroyable. Les gens sortent de là crinqués, et moi aussi ! »

Dans ce contexte de morosité ambiante « aux effluves de fin du monde », cette soirée unique peut faire beaucoup de bien, estime Christian Bégin, qui reste convaincu que l’art et la culture sauvent quand « la vie a été adverse et l’est encore beaucoup. »

Revoir le système

La grève des profs, le coût de la vie, l’accès à la propriété : l’avenir est inquiétant, constate Christian Bégin, et c’est aussi le cas dans le milieu de la télévision. Il mesure sa chance de travailler pour des émissions à longue durée, alors que plein de gens dans le milieu se cherchent du travail.

C’est capoté. Tout le monde développe des projets. En fiction, les diffuseurs font des appels de projets, on écrit 3-4 épisodes, on est payé, mais pas un ne va voir le jour. C’est très questionnable.

Christian Bégin

Que lui souhaite-t-il, à la télé, justement ?

« Qu’on se fédère. Je n’y connais pas grand-chose, mais la seule réponse qu’on peut avoir devant le phénomène incontournable des grandes plateformes, c’est de cesser de s’atomiser et de se cannibaliser. En agriculture on appelle ça un intégrateur : c’est quelqu’un qui prend toute la chaîne, qui élève, abat, transforme et vend. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Christian Bégin

Non seulement la concurrence entre les réseaux et les plateformes ne sert personne, mais elle ne peut plus fonctionner.

Tout le système [télévisuel] est à repenser. Et dire que c’est impossible parce que ça a toujours été comme ça, ce n’est plus un argument.

Christian Bégin

L’impulsion devra venir autant des gens du milieu que des instances, estime Christian Bégin, qui ajoute que pour fédérer, il faut avoir la sagesse de renoncer. « Que l’intérêt commun passe avant les intérêts particuliers. C’est ce qu’on appelle l’abnégation. »

Si tout le monde était regroupé sous une même bannière « en gardant son identité et en se partageant le gâteau, cela donnerait de la force de frappe devant la “toute-puissance” des Netflix, Crave et HBO ». Parce qu’il est là l’enjeu, dans la continuité de cette culture francophone en Amérique du Nord.

« Quoi qu’on fasse, les jeunes ne vont pas aller à la télé comme elle se vit en ce moment. Il faut vivre notre époque et changer notre façon de faire, sinon on va disparaître culturellement. Ce n’est pas magique de continuer à vivre, on est déjà une aberration historique. Si on ne fait pas attention… »

La nuit de la déprime, à l’Espace St-Denis le 22 janvier, 19 h 30

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