Serge Laprade (1941-2024) « Il faisait de la variété dans la plus pure tradition »

Chanteur, comédien et animateur, l’artiste de variété Serge Laprade a été emporté par le cancer, mercredi, à l’âge de 83 ans. Il laisse derrière lui son mari, ses amis et des épisodes marquants du showbiz québécois des années 1970 et 1980.

Serge Laprade a appris à la mi-décembre qu’il souffrait d’une récidive de son cancer à la jambe, qui atteignait désormais un ganglion. Il a passé le temps des Fêtes chez lui, avec son mari Daniel Arsenault, et personne d’autre. « C’était un gars fier », confie ce dernier, qui a trouvé ces semaines à la fois belles et difficiles.

M. Laprade ne voulait pas d’acharnement thérapeutique. Lundi, il a été admis à une maison de soins palliatifs, où il s’est éteint deux jours plus tard, vers 19 h 30. Cette journée-là, il l’avait passée entouré de sa famille et de Daniel, son compagnon des 50 dernières années.

« Le matin même, j’avais un rendez-vous chez mon oncologue, raconte Daniel Arsenault, qui a souffert d’un cancer l’an dernier. Imaginez-vous qu’il m’a appris que je n’avais plus de cancer. Je l’ai annoncé à Serge, même s’il n’était pas conscient. » Au terme de cette journée « remplie d’amour », Daniel Arsenault est retourné manger à la maison. C’est pendant ce court moment que Serge Laprade a rendu son dernier souffle.

« Ça, c’est Serge Laprade. Un homme qui ne se plaint jamais. Un homme extraordinaire », laisse tomber Daniel Arsenault.

« Serge a toujours été un gars très malade », confie l’actrice et animatrice Danielle Ouimet, une amie. « Il faisait du psoriasis, du zona. Il avait toujours mal, mais il n’en parlait pas, parce qu’il avait un travail à faire. »

Pour l’animateur Jean-Sébastien Girard, Serge Laprade était un vrai entertainer « qui touchait à tout : il chantait, il animait, il jouait un peu, résume-t-il. Il faisait de la variété dans la plus pure tradition ».

M. Laprade s’est fait connaître dans les années 1960 avec des succès comme L’amour interdit et sa reprise de Capri, c’est fini – que Jean-Sébastien Girard a maintes fois chantée à La soirée est (encore) jeune. Mais Jean-Sébastien Girard l’associe d’abord à la populaire émission d’été Garden Party, à Télévision Quatre-Saisons, que le chanteur a coanimée avec Michèle Richard à la fin des années 1980. « Et évidemment, de leur très médiatisée chicane », précise-t-il, et de leur réconciliation publique, en 2015.

« Serge ne prenait jamais une défaite en se disant : “Tant pis, j’ai raté mon coup.” Non, il le refaisait jusqu’à ce que ce soit parfait », dit Danielle Ouimet, qui lui a tenu la main le jour de son mariage avec Daniel Arsenault, le 8 octobre dernier. Si Serge Laprade a choisi de parler publiquement de son homosexualité, en 2021, c’était avant tout pour aider les jeunes et sensibiliser leurs parents, indique M. Arsenault.

Pour Danielle Ouimet, Serge Laprade a été non seulement un ami, mais aussi un modèle. Elle a enregistré une chanson avec lui et joué à ses côtés au théâtre et dans le film L’initiation de Denis Héroux, en 1970.

« Dans les dernières années, il est tombé dans l’oubli, comme on l’exige de pas mal toutes les vedettes vieillissantes », se désole Danielle Ouimet. Cette dernière travaille depuis 2016 sur la série Avant de partir, un projet télévisuel d’entrevues-testaments qui seront diffusées après le décès des personnalités publiques. « J’avais approché Serge… mais on l’a perdu », laisse-t-elle tomber.

Serge Laprade n’a jamais été amer, selon Daniel Arsenault, qui a été son agent. « C’était tout à fait le contraire. Il voulait profiter de la vie. »

Un artiste populaire

Né le 13 janvier 1941, M. Laprade a commencé sa carrière au début des années 1960, en travaillant au service de l’information de la station de radio CJMS, tout en participant à des concours de jeunes chanteurs. En 1964, le Gala des artistes l’a couronné « découverte de l’année », en même temps que Ginette Reno.

De 1972 à 1979, il a animé l’émission Le travail à la chaîne sur les ondes de Radio-Canada, solidement appuyé par Jacques Houde dans le rôle de « grand argentier ». Après son départ, les cotes d’écoute étaient passées de 620 000 à 330 000 spectateurs, indiquait à l’époque la chroniqueuse Louise Cousineau. « Comme les prix en argent demeurent fort alléchants, on peut peut-être conclure que l’absence de Serge Laprade se fait durement sentir », écrivait-elle, soulignant l’affection que le public lui portait.

Autre moment important dans sa carrière à la télévision, l’animation du Téléthon de l’Association de la paralysie cérébrale, de 1977 à 1988. En 1987, Serge Laprade a d’ailleurs été victime d’un piège mémorable de l’émission Surprise sur prise, qui avait prétendu lui organiser un « radio-téléthon » pour vendre son livre Moments tendres. « C’était d’une cruauté… », se souvient Jean-Sébastien Girard.

Serge Laprade, lui, avait adoré. « Il avait un grand sens de l’autodérision, dit Daniel Arsenault, qui rappelle qu’il avait collaboré à quelques reprises avec le groupe humoristique Les Bleu Poudre. Il le décrit comme un homme simple, résilient, et serein jusqu’à la fin.

« Ce qu’il m’a répété le plus souvent, c’est qu’il était triste de ne pas avoir le temps de dire adieu à ses fans, dit Daniel Arsenault. Si vous pouviez simplement les remercier… et leur dire qu’il avait beaucoup de respect et un grand amour pour eux. »