Le Musée des beaux-arts de Montréal présente J. W. Waterhouse. Le jardin des sortilèges, la première rétrospective internationale consacrée au peintre victorien qui se nourrissait de mythes et de beauté.

Ils se disent gothiques ou wiccas; fervents du Moyen Âge ou du nouvel âge; adeptes de réalisme classique, voire de naturalisme en peinture; ils aiment les histoires extraordinaires; Harry Potter ou le Seigneur des anneaux. Ils sont différents, mais des milliers à avoir adoré l'exposition J.W. Waterhouse. Le jardin des sortilèges, qui s'ouvrira à Montréal vendredi.L'exposition a d'abord été présentée aux Pays-Bas, à Groningue, puis à Londres à la Royal Academy of Arts. C'est maintenant le tour du Musée des beaux-arts, seul point de chute en Amérique du Nord.

«Je peux vous dire que plusieurs Américains planifient leur visite à Montréal pour cette exposition. Il y a eu des foules immenses à Groningue et à Londres», note Peter Trippi, rédacteur en chef du magazine Fine Art Connoisseur et l'un des quatre commissaires, avec Patty Wageman, Elizabeth Prettejohn et Robert Upstone de cette rétrospective comprenant quelque 80 oeuvres du peintre londonien, né à Rome en 1849.

Avec quelques autres préraphaélites, Waterhouse réagissait, dans son travail, aux règles de la Royal Academy qui considérait, au milieu du XIXe siècle, le peintre italien Raphaël (1483-1520) comme l'artiste idéal.

«Selon moi, l'histoire de l'art doit tenir compte de l'histoire tout court, poursuit M. Trippi. Au XIXe siècle, les peintres voulaient utiliser le passé pour parler du présent. Ce n'était pas une fuite, mais davantage un commentaire social ou politique sur la société victorienne. On se servait du Moyen Âge de façon stratégique.»

À l'origine de ce projet, les commissaires se sont aperçus depuis une dizaine d'années de la popularité des toiles de Waterhouse auprès des visiteurs de certaines institutions muséales aux Pays-Bas et en Angleterre.

«Les gens apprécient l'équilibre entre les thèmes imaginaires et la technique naturaliste. Les sujets sont peints d'une façon très réelle, presque photographique, explique le commissaire. Waterhouse nous raconte des histoires enchantées, érotiques, mais jamais vulgaires. Nous vivons à une époque où le sexe est vulgaire, banal. Waterhouse utilise la sexualité de façon élégante et symbolique.»

Kate Moss: femme idéale

La beauté féminine est au centre de l'oeuvre de Waterhouse, s'éloignant toutefois de celle des modèles du XVIIIe siècle de Rubens. La femme, que veut libérer Waterhouse d'une société victorienne étouffante, ressemble davantage à... Kate Moss!

«C'est assez incroyable, mais c'est ça, s'exclame M. Trippi. Il y a des similitudes dans les couleurs et les caractéristiques physiques. D'autres artistes victoriens avaient pourtant des visions différentes, qui ne ressemblaient en rien aux top-modèles d'aujourd'hui.»

Plusieurs mythes ou légendes, qui ont inspiré Waterhouse, étaient très populaires au milieu du XIXe siècle. C'est le cas de sa toile la plus connue, The Lady of Shalott, d'après le poème romantique de Tennyson, dont le MBAM est le seul à présenter les quatre différentes versions. Cette invisible princesse se mourant d'amour pour Lancelot était connue des Anglais il y a 150 ans, mais même si Loreena McKennitt en a fait une chanson, ce n'est pas une icône moderne.

«Il s'agit de mettre le spectateur en contexte et d'expliquer comment Waterhouse atteint un summum de narration avec cette oeuvre, croit M. Trippi. Dès qu'on le comprend, on se sent aspiré dans l'histoire. Les autres préraphaélites souhaitaient davantage créer une atmosphère. Waterhouse s'intéressait plus au théâtre. Certaines de ses figures féminines font penser à la grande Sarah Bernhardt, qui était aussi populaire en Angleterre qu'en France.»

À Montréal, en musique

À Montréal, la scénographie de l'exposition Waterhouse est signée par deux habitués des arts de la scène, Nathalie Claude et Raymond Marius Boucher. Les quatre commissaires donneront également des conférences au cours des prochaines semaines.

«Nous sommes très satisfaits, note Peter Trippi, parce que les trois expositions ont leurs propres particularités. L'accrochage, la couleur des murs, les panneaux explicatifs, tout est différent. Chaque culture a marqué l'exposition à sa façon parce que la relation du public avec l'art est différente partout. C'est la bonne façon de procéder.»

À Montréal, comme le MBAM aime le faire depuis plus d'un an, le public aura droit à un parcours muséal musical. Sur l'audioguide, les visiteurs pourront entendre les choix effectués par Kent Nagano et même écouter, à des stations prévues à cette fin, des oeuvres symphoniques en lien avec certains tableaux.

Également inspiré par Waterhouse, le film tiré de l'album de la musicienne montréalaise Melissa Auf der Maur, Out of Our Minds, sera projeté au Musée.

«Waterhouse s'intéressait au théâtre, mais aussi à la musique, dit M. Trippi. On voit souvent ses femmes chanter ou des anges jouer d'un instrument de musique. Cet angle montréalais est tout à fait approprié.»

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J.W. WATERHOUSE. LE JARDIN DES SORTILÈGES est présenté du 2 octobre 2009 au 7 février 2010 au Musée des beaux-arts de Montréal.