Sa carrière a littéralement explosé depuis trois ans: Birmingham, Barcelone, Melbourne, Shanghai, Séoul, Berlin, sans parler de Toronto et de Montréal. Tous les publics s'entichent de son travail unique et novateur.

Adad Hannah crée des tableaux vivants, des vidéos montrées sur écran plat, se présentant comme des photographies. Même s'ils sont bien vivants et regardent le plus souvent le spectateur, les personnages, toutefois, ne bougent pratiquement que pour respirer ou cligner des yeux.

Évoquant la peinture et la photographie, l'artiste de 37 ans utilise la vidéo pour discuter, tout en s'amusant, avec le spectateur d'histoire et d'histoire de l'art, de la vie quotidienne et de son double imaginaire.

«Le tableau vivant, pour moi, explique-t-il, n'est pas une fin en soi, sinon la façon de chercher, de confronter de nouvelles idées. Par exemple, comment le présent peut changer le passé ou comment le passé affecte le présent.»

Devant ses tableaux vivants, le spectateur est d'abord surpris. Il croit voir une photo qui reconstitue une toile d'un grand maître, se surprend d'y déceler des mouvements, puis est happé par l'ébauche d'un récit et d'une réflexion, dans lesquels ils se projettent aisément.

De New York à Montréal

Né à New York de parents artistes, il a grandi et étudié en Israël, à Londres et à Vancouver, au réputé Emily Carr College et ici, où il réside depuis 2001, à l'Université Concordia. Typiquement montréalais, quoi! Il a suivi sa femme à Montréal sur un coup de tête qui s'est transformé en coup de coeur.

«J'ai beaucoup voyagé avec mes parents. J'aime découvrir de nouveaux endroits, mais Montréal reste une ville extraordinaire pour un artiste», soutient-il.

Le célèbre musée du Prado à Madrid lui a aussi ouvert ses portes afin de lui permettre de travailler avec le non moins célèbre tableau Les Ménines de Velasquez, chef-d'oeuvre de 1656 où le peintre regarde les spectateurs droit dans les yeux. Il en a tiré des «vidéo-photos» ludiques où les regards des uns et des autres s'entrecroisent à l'infini.

«Je n'essaie pas de travailler de manière trop didactique ou intellectuelle, note-t-il. Il y a plusieurs niveaux de lecture. Je donne des indices qui seront utiles pour certains, pour d'autres non. Je m'intéresse toujours au spectateur et à ses réactions.»

Réalisée en Colombie-Britannique, sa dernière oeuvre, Le radeau de la Méduse (100 Mile House), est exposée en ce moment à la galerie de Pierre-François Ouellette.

Cette réinterprétation de l'oeuvre de Géricault - datant de 1819 et exposée au Louvre - consiste en un tableau vivant représentant les rescapés d'un navire échoué en mer, sur leur embarcation de fortune. Dans la vraie vie, ces naufragés avaient sombré dans la folie après s'être adonné au cannibalisme.

«La ressemblance avec l'original n'est pas aussi importante pour moi que les émotions des figurants de 2009 essayant de s'imaginer les émotions de leur personnage dans le tableau qui étaient joués à l'époque par des figurants qui tentaient eux aussi de revivre le drame de 1816», souligne-t-il.

Adad Hannah utilise les images qui bougent, dans un tableau pseudo-photographique, pour jouer avec la perspective, le temps qui passe et les effets miroir que tout cela produit. Le spectateur est lui-même regardé, participant à une oeuvre dont il émerge une certaine beauté.

«Je crois que la beauté peut servir de catalyseur pour nous faire pénétrer plus profondément dans une oeuvre», ajoute l'artiste.

Avec sa popularité grandissante, son agenda se remplit facilement. Il a un projet avec le Royal Ontario Museum pour l'année 2012 et s'emballe pour son travail sur des photographies de l'époque des tsars retrouvées dans les voûtes de la bibliothèque du Congrès à Washington. De quoi inspirer n'importe quel citoyen du monde.

«C'est une collection de 2 000 photos. C'est formidable, lance-t-il avec un regard de feu. Ce qui m'inspire, c'est la technique utilisée pour réaliser les photos. Comme avec Le radeau de la Méduse, quand l'oeuvre d'origine est si parfaite, c'est difficile d'aller plus loin.»

En un mot

Vidéophotographe de tableaux vivants

> Montréal, c'est...

«Une ville unique, si différente du reste de l'Amérique du Nord. On pourrait croire que le bilinguisme en fait un endroit moins dynamique, mais c'est tout le contraire. Je ne sais pas ce que c'était il y a 10 ans, mais le mélange actuel des cultures est une grande richesse.»

> Que dit-on de Montréal ailleurs?

«Montréal est reconnue comme une ville artistique où les loyers sont moins chers et où le gouvernement soutient les arts davantage que n'importe quel autre au Canada.»

> Que manque-t-il à Montréal?

«Plus de vols directs entre Montréal et Vancouver.»

> À voir sur le web

http://www.pfoac.com/exhibitions/AH_2009_FR.html