Parc Émilie-Gamelin, mercredi. Une dizaine de grands panneaux viennent de faire leur apparition le long de la rue Sainte-Catherine, près de la sortie du métro. «La vie est un sport extrême», dit le panneau explicatif. Qu'est-ce qu'on peut bien vouloir nous vendre à quelques semaines de Noël? Rien? Rien. Sauf de l'art actuel.

Les nouvelles vitrines à deux faces exposent de grandes photographies saisissantes. Cette petite Chinoise, par exemple, qui vole au-dessus d'un terrain vague; cette autre Chinoise qui semble lancer son homme par le pied comme s'il s'agissait d'un Frisbee. Cet homme, en équilibre sur un lampadaire au-dessus d'une rue. Mais toutes les photos de Li Wei mettent en scène des gens qui flottent dans l'espace comme s'ils échappaient à la loi de la gravité.

Li Wei, apprend-on sur les panneaux qui présentent ses oeuvres n'arrange pas ses photos avec l'aide d'un logiciel. Ses images sont vraiment le résultat «d'acrobaties périlleuses réalisées à l'aide de câbles, de miroirs et d'échafaudages». On sent que pour cet artiste de Pékin, c'est la photographie qui est un sport extrême.

Restons en Chine avec Nadav Kander, artiste londonien né en Israël. Il a pris ses photos le long du Yangtze, plus long fleuve au monde. On peut y voir un groupe de jeunes gens autour d'une table sur laquelle on a mis une nappe, en train de manger. La scène se passe sous un pont désaffecté dont les colonnes trempent dans l'eau trouble du fleuve. Le pique-nique n'a pas lieu sur l'herbe, mais sur du gravier malpropre. Dans une autre photo, des hommes sont assis, chacun seul sur sa bouée, et rament vers une destination inconnue. Ils sont tout petits dans ce fleuve immense.

Dans le cas de Wei comme dans celui de Kander, c'est la Chine en démolition et en reconstruction qui sert de toile de fond.

Le parc Émile-Gamelin est l'un des lieux publics où l'on peut voir une quarantaine d'oeuvres de six artistes photographes d'envergure internationale. Les quatre autres sont Lynne Cohen et Alana Riley (Canada), Olaf Breuning (États-Unis) et Denis Darzacq (France). Certaines photos se retrouvent dans des abribus ou prennent temporairement la place d'annonces dans des panneaux publicitaires appartenant à CBS.

L'exposition est organisée par le MAP (Mouvement art public) et bénéficie de l'appui de la Ville de Montréal et de CBS. Le MAP est un organisme à but non lucratif dont l'objectif est de démocratiser l'art actuel en le rendant accessible à un vaste public. Aux risques et périls des oeuvres. Déjà, mercredi dernier, au parc Émilie-Gamelin, un citoyen plus extrême que sportif, avait mis sa griffe sur certaines photos.

C'est un risque que les organisateurs étaient prêts à courir, explique Manuel Bujold, l'un des fondateurs du MAP. «En effet, c'est extrêmement dangereux, c'est le prix à payer, dit-il. La Ville nous a offert la possibilité d'exposer à cet endroit, dans le quartier. Il s'agit d'un projet pilote. Si tout va bien, on sera là en permanence. C'est un beau cadeau pour nous. Les gens qui sortent du métro viennent de partout.»

Il y a beaucoup d'artistes photographes dans le monde, comment le MAP fait-il son choix? «On a notre signature, dit Manuel Bujold. On utilise des espaces liés à la pub, il nous faut donc choisir des oeuvres accessibles et frappantes, des oeuvres qui interpellent.» Celles qui sont dans la rue Sainte-Catherine, près du métro Berri, frappent dans le mille. Peut-être apporteront-elles un autre genre d'évasion à la clientèle si particulière du parc Émilie-Gamelin.

La vie est un sport extrême, jusqu'en janvier dans les abribus, durée illimitée au parc Émillie-Gamelin.