C'est à un autre voyage de découvertes que l'artiste Valérie Blass convie le public à la galerie Parisian Laundry avec son exposition Petit losange laqué veiné, qui présente jusqu'au 9 février ses nouvelles sculptures fantastiques. Une visite fascinante dans l'univers de la sculpteure tout juste auréolée du prix Louis-Comtois 2010.

Valérie Blass ne cesse de surprendre avec sa liberté de création, son imagination fertile et son souci du détail. Elle a planté dans la belle galerie de Saint-Henri une forêt magique habitée par des créatures composées d'objets hétéroclites, ses biens aimés, trouvés, recyclés, qu'elle a assemblés et structurés.

L'exposition comporte 16 oeuvres personnelles, dont neuf ont été créées en 2010 et trois, toutes fraîches, datent de 2011. Parmi celles-ci, deux semblent appartenir à une même famille structurale en termes de géométrie et d'assemblage.

La première, Cargo culte, est constituée de tiges industrielles, d'un bâton de marche et d'un piolet rapporté de sa résidence d'artiste à Bâle, en Suisse. Au bout de chaque branche de cette association d'antennes, elle a façonné des mains qui tiennent un oeil, un peigne, un cigare, une statuette de femme ou un propos d'honneur, soit un majeur bien tendu, comme on dit, un finger, qui nous rappelle son oeuvre Ta soeur.

La seconde, Quel regret, révèle le génie de Blass dans sa façon de transmuer la matière! N'eût été la notice, qui songerait que l'oeuvre est faite d'aluminium et de polystyrène extrudé? On n'y voit que du bois - pour ne pas dire que du feu - ou de l'acier rouillé recréé pour donner une illusion et questionner le regret d'une époque révolue.

Son oeuvre Untitled 2009, une grande lettre H chaussée d'une espadrille, nous renvoie à l'échelle d'un Titanic endormi dans les abymes. Mais ce H a des airs d'humain, clin d'oeil de la joueuse qui nous laisse dans le vague avec son titre ni masculin ni féminin.

Pas d'ambiguïté par contre avec Femme panier, acquise par le Musée d'art contemporain, un épouvantail à moineaux sorti de l'esprit de Blass lors de son séjour à Bâle. Avec des jambes de jeune mannequin pourvues de collants trop grands, le personnage a des poumons en osier et des mains menaçantes. L'une est un plantoir de jardin agrippé comme une arme. L'autre, refermée pour égratigner, est peinte avec des griffes et une tête de mort.

Valérie Blass aime regarder les gens, comment ils s'habillent et se comportent. Elle aime aussi visiter les marchés aux puces, y prend des photos et rapporte de ses voyages ces éléments qu'elle utilise pour créer ses oeuvres fantastiques. Femme planche représente une femme en position canine dont le corps semble fait de bois. Là encore, le polystyrène est si travaillé que l'on croirait y voir un vieux tronc écorché et sec, craquelé de partout.

Les collages sont un autre aspect de sa démarche. Se référant notamment à des oeuvres antérieures, ils sont une autre expression de ses recherches et de sa passion de créer des assemblages ludiques, ni beaux ni laids, mais toujours étranges sans être étrangers. Créée il y a quelques années, son oeuvre Bâtons a été ajoutée à l'expo car elle participe du même univers. La beauté naît du détail et de la recherche d'effets d'angle. Faits de bois, d'acier et de peinture, ces bâtons sont un monde de délicatesse à découvrir en faisant varier le point de vue du regard.

Des figures animales se détachent de la masse sculptée, comme s'ils pointaient leurs visages avec force dans un caoutchouc transparent, nous transmettant leur étonnement de se retrouver en ce lieu où, comme le dit la directrice de la Parisian Laundry, Jeanie Riddle, «la Planète des singes rencontre le conte de fées et le langage abstrait».

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Valérie Blass jusqu'au 19 février à la Parisian Laundry.