Les musées lancent leurs filets toujours plus loin sur la toile pour drainer les visiteurs - virtuels aussi bien qu'en chair et en os - de Facebook à YouTube et Google, comme en témoigne le lancement de googleartproject, qui associe 17 des plus grands musées du monde.

Google a lancé mardi à Londres une plate-forme permettant aux amateurs d'art de se promener virtuellement dans 17 musées, dont le MoMA de New York et le Château de Versailles, grâce à sa technologie Street View.

«Il faut aller au devant de l'internaute, le chercher où il est, sur les réseaux sociaux, les sites de partage, partout où il se promène», explique Laurent Gaveau, chargé des nouveaux médias pour le château de Versailles, le seul musée français participant au partenariat avec Google.

Le Louvre, «sollicité par Google» selon un porte-parole, «a préféré se concentrer sur la refonte de son propre site», qui reçoit près de 11 millions de visites par an, soit plus que le musée réel (8,5 millions de visiteurs).

Outre Versailles, le Museum of Modern Art (MoMA) et le Metropolitan de New York, la National Gallery et la Tate de Londres, le Rijksmuseum d'Amsterdam et l'Ermitage de Saint-Pétersbourg ont répondu présent.

Pourtant, tous disposent déjà de leur propre site internet, ont numérisé des milliers d'oeuvres (60 % des 60 000 oeuvres de Versailles sont numérisées) et proposent déjà une visite virtuelle. Alors, pourquoi?

La qualité technique - mise à disposition gratuitement par la firme américaine - a séduit.

Si le nombre d'oeuvres sur googleartproject est somme tout modeste (un millier), 17 images - soit une par musée - sont numérisées en «gigapixel» avec une définition 1000 fois supérieure à un appareil numérique classique.

«L'utilisation du gigapixel est une vraie nouveauté», reconnaît Laurent Gaveau. L'internaute peut saisir des détails d'une finesse inouïe, tels ces petits personnages invisibles à l'oeil nu dans La moisson (Peter Bruegel l'Ancien) qui se révèlent en zoomant une famille de paysans jouant à lancer des bâtons sur une oie.

Autre innovation majeure, l'utilisation de Street Views (l'outil de Google Map) permet une visite virtuelle plus libre que celle utilisée par les musées, où l'image tourne autour d'un axe fixe.

Le visiteur peut désormais se promener à sa guise à travers les peintures, décors et plafonds des appartements royaux et de la galerie des Glaces de Versailles.

Une telle richesse picturale ne risque-t-elle pas de cannibaliser les sites des 17 musées partenaires?

«La fréquentation de notre propre site a doublé au lendemain de l'annonce de googleartproject», constate Laurent Gaveau.

L'internaute «accroché» par Google n'hésite pas à aller vers le site du musée qui l'intéresse.

En trois ans, la stratégie tous azimuts du château de Versailles (Facebook, YouTube, iTunes University, Twitter et bientôt Wikipedia) a permis de doubler la fréquentation du site, qui totalise désormais quasiment autant de visiteurs que le Château (hors jardins): 6 millions par an.

La naissance de Vénus de Botticelli (Musée des Offices à Florence), La nuit étoilée de Van Gogh (MoMA, New York), la Ronde de Nuit de Rembrandt (Rijksmuseum) ... pourquoi se déplacer si on peut voir les tableaux en pantoufles sur son ordinateur, sans faire la queue ni être bousculé?

«Notre expérience montre que les gens, une fois qu'ils ont eu un aperçu sur internet, veulent voir le véritable tableau», note Nicholas Serota, directeur de la Tate.

«Un peu comme une belle vitrine donne envie d'entrer dans le magasin», explique un responsable de la Galerie des Offices de Florence.