Initiative du Cirque du Soleil, Safewalls marie des artistes contemporains du monde entier aux spectacles du Cirque. Les oeuvres créées dans ce cadre sont ensuite vendues sur l'internet et exposées dans les villes où passe la troupe. Londres, Houston et Madrid ont déjà accueilli Safewalls, qui s'arrêtera à Montréal à la fin de l'année. La Presse a rencontré ses trois créateurs.

C'est l'histoire d'un géant qui se souvient qu'il est né dans la rue. Safewalls est en effet à la fois un ballon d'oxygène lancé par le Cirque du Soleil pour réhabiliter l'affiche de cirque et un coup de pouce à certains arts visuels qui ne sont pas encore tout à fait considérés comme des beaux-arts.

Safewalls, c'est aussi une façon de faire parler, chaque mois, d'un spectacle du Cirque du Soleil programmé quelque part dans le monde, tout en faisant appel au street art et au lowbrow, des genres d'art plastique qui ont comme outils le graffiti, la bande dessinée ou la pub. L'idée est partie de l'équipe web du Cirque, une bande de nerds qui est passée de 6 à 50 employés en 6 ans.

«Depuis deux ans, le Cirque reconnaît que le web, c'est une des forces de la compagnie, dit Yan Cordeau, directeur artistique du projet Safewalls. On a eu des budgets supplémentaires pour réaliser un projet authentique et créatif. Le net, c'est l'avenir!»

«On se disait: qu'est-ce qu'on pourrait bien faire avec toute la créativité du Cirque et avec le web? ajoute André Bathalon, chargé de projet. On s'est dit que l'affiche, c'est intemporel, réel et instructif. Et on voulait faire une édition limitée, car, sur le web, les gens veulent se sentir spéciaux et faire partie du bandwagon avant tout le monde.»

Pour encadrer ces deux concepteurs et s'occuper des droits d'auteur et de la reproduction des oeuvres, Martin Bündock, conseiller principal en intégration des arts au Cirque, coiffe le projet. Il vient d'une famille d'amateurs d'art et a été responsable de l'action culturelle au Cirque du Soleil avant de travailler à des projets personnels de Guy Laliberté et à des projets du Cirque.

«Avec Safewalls, on commande des oeuvres et on donne carte blanche aux artistes retenus, dit M. Bündock. Ils ont deux mois pour créer leur oeuvre.»

Un spectacle, trois affiches

Les oeuvres sont dévoilées durant la visite du Cirque dans une ville donnée. Le projet a commencé à Londres en février avec les illustrateurs de renom Glenn Anderson et Jon Burgerman et le roi du street art Sweet Toof. Tous les trois ont planché sur le thème de Totem, présenté depuis janvier dernier au Royal Albert Hall.

Safewalls vend 50 sérigraphies à 350 $ et 300 affiches haut de gamme à 55 $ de chaque oeuvre originale conservée par le Cirque du Soleil. On peut acheter les oeuvres sur safewalls.org.

En mars, le dessinateur à l'univers fantastique Jason Limon, Shag (le peintre californien Josh Agle) et le muraliste El Mac ont créé trois affiches pour OVO, présenté à Houston, au Texas. Enfin, le vernissage des oeuvres associées à Corteo, réalisées par Nuria Mora, Miss Van et Ricardo Cavolo, aura lieu jeudi à Madrid.

«On veut offrir une grande variété de styles et de techniques, dit Yan Cordeau. Dans l'art contemporain, il n'y a pas que les graffiti.» Au vu des neuf oeuvres déjà réalisées, la variété de styles est évidente. Sweet Toof, génial dessinateur londonien obsédé par les dentitions, et la Toulousaine Miss Van, au toucher souple et très classique, n'ont pas grand-chose en commun, par exemple.

«On veut travailler avec les meilleurs artistes, dit Martin Bündock. Et on n'a essuyé aucun refus jusqu'ici. Il faut dire qu'une telle commande, ça n'existe pas beaucoup. L'artiste est payé avant de commencer. Et le Cirque conserve l'original et les droits de reproduction.»

Intéresser les collectionneurs

Avec Safewalls, le Cirque veut intéresser les collectionneurs. D'ailleurs, plusieurs affiches sont presque toutes vendues. «L'affiche de Jason Limon était la plus populaire jusqu'à présent, à tel point qu'elle sera très bientôt épuisée, dit Tania Orméjuste, porte-parole du Cirque. Et l'affiche de Miss Van, en vente depuis le 21 avril, sera rapidement épuisée.»

Après Madrid, Safewalls se déplacera à Las Vegas, puis en Californie et dans une autre ville américaine avant d'arriver à Montréal avec 21 oeuvres à la fin de l'année. On pourra alors voir toutes les oeuvres originales à la galerie Yves Laroche.

Quel spectacle inspirera les artistes retenus pour l'escale montréalaise? The Immortal, spectacle consacré à Michael Jackson qui débute au bord du Saint-Laurent en octobre prochain? On ne le sait pas encore.

«Safewalls va se poursuivre jusqu'à ce que tous les spectacles (actuellement au nombre de 20) aient leurs trois affiches de cirque, dit Martin Bündock. Notre but est que Safewalls fasse des petits un peu partout.»

Et comme le Cirque du Soleil crée des spectacles chaque année, voilà une initiative artistique promise à un bel avenir.