Procureure de la Couronne devenue juge de la Cour du Québec il y a 20 ans, Suzanne Coupal a annoncé à La Presse qu'elle quittera la magistrature en juillet pour embrasser une autre passion: la peinture. Elle présente d'ailleurs Mutations silencieuses, sa deuxième exposition solo à la galerie Yves Laroche du 1er au 5 juin.

Des affaires, elle en a tranché la juge Suzanne Coupal. Condamnant ou libérant des avocats déviants, des trafiquants de drogue, des gens d'affaires fraudeurs, des bourreaux d'enfants.

Elle a libéré Maurice Mom Boucher en 1995 en attendant la tenue de son enquête préliminaire. Quatre ans plus tard, elle a par contre maintenu Dave Hilton en prison. Elle a condamné le petit-fils de Frank Cotroni à des travaux communautaires et a présidé l'enquête préliminaire de William Fyfe qui avait tué cinq femmes.

Elle a touché au scandale des commandites dans les cas de Jean Lafleur et de Benoît Corbeil. Et elle a su se montrer clémente envers le chanteur Corneille, lui accordant un pardon total après qu'il eut été accusé d'avoir tenté d'éluder des frais de douane pour des vêtements et une montre.

Mais ce que peu de gens savaient, c'est que la juge Coupal avait deux passions: le droit et l'art. Une double piqûre qui remonte à l'enfance. «Je résidais à Saint-Lambert, dit-elle en entrevue dans son atelier. Près de chez moi habitaient Jacques de Tonnancour et Marcelle Ferron. Ma mère faisait de la peinture et mon père du droit!»

Suzanne Coupal a pris des cours de sculpture avec Georges Deligeorges et des cours d'estampe. Depuis 10 ans, elle se consacre à la peinture. Elle a déjà exposé en solo, en 2005, à la galerie Artus.

«J'ai pris un congé sans solde en 2005 pour préparer un certificat en arts plastiques à l'UQAM et l'été dernier, je suis allée à Paris étudier deux semaines aux Beaux-Arts, un stage de sculpture et de dessin. L'UQAM, c'est bien, mais je voulais être confrontée aux études classiques. J'ai été servie. C'était très rigoureux.»

La même énergie

Après l'expérience parisienne, elle prend sa décision. Elle quittera la magistrature. «J'en ai mangé du droit, dit-elle, mais là, c'était rendu que mon atelier était comme mon chalet d'été. Je quittais la cour et je venais m'y réfugier. Avant, mon atelier était au-dessus du restaurant La Banquise, rue Rachel, et je restais là jusqu'à minuit, dans mon monde.»

Suzanne Coupal voit bien des similitudes entre le travail de juge et le geste de créer sur une toile. «C'est la même énergie qu'on dispense», dit-elle.

Très influencés par les automatistes, ses tableaux d'acrylique où elle use de la spatule sont aussi le résultat de ses recherches, de ses visites dans les galeries et les musées. Avec l'expérience, ses couleurs sont aussi devenues plus riches. «Il commence à y avoir de la profondeur dans mes noirs.

«Ma connaissance de Basquiat a éclairé ma peinture. Dans les orangés, dans les bleus. Et je veux pousser ça, car je vais travailler dans de plus grands formats. Je suis aussi fascinée par l'art de la rue, toutes ces expressions qui sont des cris d'urgence. J'aimerais traduire davantage ce que je ressens, devenir moins abstraite et plus figurative.»

Un peu de regret de quitter la magistrature? «Je sais que j'ai été un bon juge, dit-elle. Je reviendrais peut-être avocate, mais c'était incroyable de faire les deux. Passons à autre chose.»

Suzanne Coupal se rappelle que le peintre Jean McEwen était pharmacien avant de laisser tomber la science pour la peinture.

«On ne sait jamais ce que la vie nous réserve, dit la juge Coupal. Avoir juste un petit mur dans une galerie parisienne, ce serait bien. À la fin de ma vie, je vais sûrement me dire que j'ai eu de la chance de connaître les arts. Pour moi, ils sont essentiels. J'ai été privilégiée de développer ça et maintenant, c'est la réconciliation!»

Mutations silencieuses, de Suzanne Coupal, du 1er au 5 juin, galerie Yves Laroche (6355, boulevard Saint-Laurent); www.suzannecoupal.com