Connu pour sa célèbre photographie de Marilyn Monroe et sa robe blanche soulevée par l'air d'une bouche de métro new-yorkais en 1954, le photographe montréalais d'origine américaine George S. Zimbel fait l'objet ce mois-ci de deux hommages pour souligner son talent: un ouvrage, Le livre des lecteurs, est publié par les éditions du passage, et une exposition de ses photos est organisée à la Place des Arts dans le cadre du Festival international de la littérature.

Dans les années 50 et 60, George S. Zimbel a photographié les vedettes américaines de la politique et du cinéma: Harry Truman, Jacqueline et John Kennedy, Richard Nixon, Marilyn Monroe, etc. Parce qu'il était contre la guerre du Vietnam, il a toutefois franchi la frontière nord de son pays avec sa femme et ses quatre enfants pour s'installer au Canada en 1971.

Quarante ans plus tard, il savoure son plaisir de vivre à Montréal et de travailler, encore et toujours, dans son studio de photographie logé au sous-sol d'un édifice du boulevard Saint-Joseph.

Né au Massachusetts de parents immigrants juifs, il a développé jeune une passion pour la photo. «Mon père avait un magasin de vêtements à Woburn, dit-il. Quand il a vu qu'à 14 ans, je faisais de la pige comme photographe pour des journaux locaux, il a eu peur que je n'aille pas à l'université. Mais comme il dessinait, il me comprenait.»

George Zimbel se rend à l'Université Columbia de New York au moment où le futur 34e président américain, Dwight David Eisenhower, devient le président de son université. Le jeune Zimbel tombe alors amoureux de la politique, tout en s'initiant à la photographie documentaire.

C'est dans ce domaine qu'il va exceller en Europe, en Asie et en Amérique. Ses photos sont présentes dans une vingtaine de musées du monde, notamment au Musée d'art moderne de New York, au Musée de la photographie de Tokyo, à l'Institut d'art moderne de Valence et au Musée d'art contemporain de Montréal.

En 1976, il croise René Lévesque à l'Île-du-Prince-Édouard, où la famille Zimbel réside. Il tombe sous son charme. «J'aimais l'idée d'un changement social, dit-il. Quand on est venus à Montréal en 1980, on savait qu'il y aurait des remous. Mais on m'avait dit que Montréal était le coeur artistique du Canada, donc je voulais être ici. Je ne l'ai jamais regretté, sauf de ne pas mieux parler le français!»

C'est lors d'une visite à Paris que George Zimbel a eu l'idée de prendre des clichés de personnes lisant en public. «Les Parisiens lisent partout, jour et nuit!», dit-il.

L'ouvrage Le livre des lecteurs est donc composé de 70 photos en noir et blanc prises dans la rue, des bibliothèques, des écoles, sur le quai de la station de métro Sherbrooke, dans le métro parisien ou à Venise. Des photos qui rappellent Doisneau, Cartier-Bresson ou Gabor Szilasi.

George Zimbel dit qu'il est plus difficile de faire de la photo aujourd'hui. «C'est souvent interdit. Même avec la carte du Regroupement des artistes en arts visuels du Québec, on a du mal à faire notre travail.»

Pour bonifier Le livre des lecteurs, l'éditeur a demandé à Dany Laferrière de raconter 10 de ses souvenirs de lecteur. Il en ressort un livret inséré dans le livre où la plume de Laferrière traduit bien cette passion du lecteur qu'a saisie le 35 mm de George Zimbel.

Le livre bilingue contient aussi des extraits de pages de notes et un hommage de la critique du New York Times Vicki Goldberg, qui soulève le caractère humaniste du travail de Zimbel.

Humaniste, mais pas optimiste, George Zimbel, sur l'espèce humaine. «Les années Kennedy étaient tellement inspirantes, dit-il. L'espoir était partout. Aujourd'hui, c'est très déprimant. Mes yeux voient de belles choses, mais mon esprit me dit que le monde n'est pas en forme. Le grand-père que je suis trouve ça difficile à accepter.»

Mais la société québécoise lui apporte une lueur d'espoir. «Le Québec est très intéressant, car les gens ont un sens des valeurs humaines, dit-il. Pas toujours, mais souvent. Et ça, ça me rassure.»

Les photos du Livre des lecteurs seront exposées à la Galerie de l'Espace culturel Georges-Émile-Lapalme, à la Place des Arts, du 13 au 25 septembre (de 7h à minuit). L'entrée est libre. Le vernissage de l'exposition et le lancement du livre ont lieu au même endroit, mercredi à 17h30.

Le livre des lecteurs

George S. Zimbel

les éditions du passage

160 pages, 70 photos, 49,95$