Avec 25 expositions gratuites de photographes canadiens et étrangers dans 14 lieux, le Mois de la photo de Montréal aborde cette année le thème de la lucidité, un sujet qui n'est pas qu'artistique.

Si la lucidité est une maladie qui mène à la solitude, a dit le poète Léo Ferré, le Mois de la photo, qui se déroule jusqu'au 9 octobre, fait tout pour sortir les amateurs de photographie de leurs tanières.

Poursuivant un doctorat en histoire de l'art à l'Université de Montréal sur les liens qui unissent conscience humaine et arts visuels, la commissaire invitée Anne-Marie Ninacs est en passe de réussir son pari d'intéresser un large public à la photo. Il y avait près de 1000 personnes au lancement de l'événement à l'Arsenal, le 8 septembre.

Le goût pour les questions existentielles d'Anne-Marie Ninacs a imprimé à l'événement un regard introspectif de la photo, les photographes retenus ayant tourné leur lentille «vers eux-mêmes».

«Quand je fais des expositions, les questions que je pose sont très souvent philosophiques, sur le sens de la vie, ce qu'on fait de notre existence, comment trouver un sentiment de présence, et je constate que non seulement les artistes se les posent à travers leur pratique, mais je les trouve aussi nécessaires en ce moment, quand on regarde autour de nous.»

Lucidité/Vues de l'intérieur propose des images pour tous les goûts avec des photographes de tous les âges, de partout et aux styles singuliers. Qui dit lucidité dit lumière. La photographie est donc idéale pour aborder la réalité et les ombres intérieures des artistes.

Anne-Marie Ninacs a constitué des parcours de découvertes des artistes, notamment à l'Arsenal où l'on peut voir les oeuvres de neuf photographes disposées selon un chemin qui passe de l'ombre à la lumière.

«J'ai essayé de faire résonner les oeuvres ensemble et que se construise une sensation de la lucidité», dit Anne-Marie Ninacs.

Jack Burman

Parmi les artistes exposés à l'Arsenal, Jack Burman est particulièrement intéressant. Voici un photographe ontarien qui fait le tour du monde depuis 25 ans pour visiter des camps de concentration, des laboratoires médicaux et des catacombes dans le but de prendre des images de cadavres ou de têtes conservées dans le formol.

Au premier abord, on craint l'angle macabre. Mais sur les photos de sa série The Dead, la vie habite la mort. Sur le visage de cette jeune fille «endormie» la bouche ouverte survit encore son sourire.

Même morts, les visages conservent des expressions de la vie: la peur chez cet homme exécuté au XVIIe siècle, la déception chez cet autre, la surprise ou la paix et la sérénité.

Autres moments forts de l'exposition, les photos tourmentées du Sud-Africain Roger Ballen et la vidéo angoissante du Portugais Marco Godinho sur la promenade de deux hommes dans un tunnel sombre de Norvège. Impressions de malaise.

Parmi les autres expositions à voir ce mois-ci, citons le travail d'Hans-Peter Feldmann présenté par Dazibao à la Cinémathèque québécoise. La maison de la culture Frontenac expose l'oeuvre de l'artiste coréenne Kimsooja, A Needle Woman.

La galerie SBC (Belgo) expose Aujourd'hui (dates-vidéos) de Claire Savoie. Toujours au Belgo, la galerie SAS propose Déclic 70, une exposition collective de photographies des années 70.

La Galerie Leonard&Bina Ellen présente la première exposition solo du Danois Jesper Just au Canada, Nomade en soi-même. La galerie de l'UQAM propose Some Thames, des sculptures photographiques de la New-Yorkaise Roni Horn et Caméraroman d'Edith Brunette.

Le Centre d'art et de diffusion Clark montre Introspections photosensibles de Massimo Guerrera et Whose Utopia du Chinois Cao Fei. Le MAI (Montréal, arts interculturels) expose Requiems, soit les photos de Juan Manuel Echavarria sur les tourments de la Colombie.

Autres galeries

D'autres galeries emboîtent le pas avec la photographie. La galerie Simon Blais expose les photos de corps d'Éliane Excoffier. La nouvelle galerie Pangée ouverte au Belgo propose les photos de nature de Normand Rajotte, aussi présent à l'Arsenal. Toujours au Belgo, Art45 présente les photos abstraites de paysages espagnols d'Edward Burtynsky, Joyce Yahuda propose la dernière production d'Alana Riley et Les territoires expose le projet Grey Scale de David Manseau.

Le 1er Salon de la photo artistique Griffe de lumière a lieu au Centre Pierre-Charbonneau cette fin de semaine. Et la galerie de l'Espace culturel Georges-Émile-Lapalme de la Place des Arts expose les photos de lecteurs de George S. Zimbel.

Le Mois de la photo organise enfin un colloque le 30 octobre au Centre canadien d'architecture, avec l'historienne de l'art Christine Ross, le philosophe américain Richard Shusterman, les artistes Luis Jacob et Mark Lewis et les experts Thierry Davila et Louise Déry. Ils évoqueront la lucidité en tant que mise au jour de faits qui se dissimulent à la pensée.

Activités et informations: www.moisdelaphoto.com