Sur les 400 exposants du Salon des métiers d'art du Québec (SMAQ), qui se tient Place Bonaventure, à Montréal, jusqu'au 22 décembre, 86 sont joailliers et artisans de bijoux. Parmi eux, Luci Veilleux, une des grandes artistes de la joaillerie québécoise.

Elle est encore marquée par la disparition de celui qui a accompagné son travail pendant 21 ans. Luci Veilleux a littéralement grandi en tant qu'artiste avec l'aide, les conseils et la compagnie de Georges Delrue dont elle a partagé la vie et l'atelier, à Val-Morin. Georges Delrue (1920-2010) était une sommité du monde de la joaillerie, un mélange de talent, de technique et de finesse reconnu internationalement.

Issue de l'École de joaillerie et de métaux d'art de Montréal, Luci Veilleux a hérité de ce savoir, de cette patience à travailler l'or, l'argent ou le platine, à en extraire, dans la précision, des images fortes et des courbes gracieuses pour donner naissance à une bague, un bracelet-montre ou un collier.

Dans la vitrine où Luci Veilleux présence quelques-unes de ses oeuvres au SMAQ 2011 (près du stand 311), on trouve celles qu'elle a réalisées depuis le «départ» de Georges Delrue.

«Ce bracelet s'appelle Déchirement, dit-elle avec une émotion voilée. Ça va toujours un peu avec ce qu'on vit. C'est ce que j'ai réalisé quand j'ai pu me remettre au travail. Il y a aussi Voile, Envol et Envolée. C'est ce qui m'est venu spontanément.»

Luci Veilleux crée beaucoup de pièces uniques avec des métaux et des pierres précieuses, des oeuvres miniatures qui nécessitent de six à huit semaines et se vendent plusieurs centaines voire plusieurs milliers de dollars. Elle façonne le métal de ses mains, de ses yeux et de son esprit. «Pour chaque pièce, il y a une idée, dit-elle. L'idée peut être transmise à travers plusieurs pièces, alors j'essaie d'épurer, de dire une seule chose par pièce, pour ne pas tout mélanger. Mais pour moi, c'est souvent comme de la magie. On ne sait jamais ce que ça va donner...»

Son bracelet Abstraction et Géométrie a été conçu après qu'elle eut trouvé une petite plaque de bois très fine, comme une dentelle, ressemblant à une peinture abstraite.

«J'ai fait un plâtre sur la pièce de bois, dit-elle. Je l'ai montée dans un moule sur un cylindre puis j'ai fait le processus de cire perdue avec une matière organique à l'intérieur.»

Quand Luci Veilleux crée ses bracelets-montres, elle travaille tout, jusque dans le mécanisme d'horlogerie. Si ces créations se portent au poignet ou dans le cou, elles s'exposent aussi. Certaines se trouvent dans des collections, comme au Musée des beaux-arts de Montréal ou au Musée des arts décoratifs. Elles voyagent aussi: Chicago, New York, Los Angeles, Paris, Corée du Sud...

«C'est très motivant de voir vos pièces voyager et être exposées avec celles de gens qu'on admire», dit-elle.

Pour l'avenir, elle n'a qu'un projet en tête: créer. «Quand Georges est décédé, j'avais une sorte de crainte à l'idée de retourner dans l'atelier, mais finalement je me suis rendu compte que je me sentais bien en créant. J'en ai besoin. Créer, c'est une survie. Une façon de s'exprimer.»

D'autres créateurs, qui vivent de leur art, sont au SMAQ 2011, un événement prisé en Amérique pour la qualité de ses artisans. La Presse a notamment rencontré Véronique Martel et ses céramiques enfumées, et aperçu les chaises berçantes de Jean-François Dugal, de véritables oeuvres d'art en bois exotiques.

«Le salon est de plus en plus design, dit François Beauvais, directeur général du SMAQ. Des exposants gagnent des prix partout dans le monde. Il y a des objets utilitaires et des objets artistiques. Et tous les produits sont certifiés métiers d'art.»

Salon des métiers d'art, à la Place Bonaventure, jusqu'au 22 décembre; infos: www.metiers-d-art.qc.ca