Le Musée des beaux-arts de Montréal présente dès aujourd’hui sa grande exposition de l’automne consacrée à une artiste que vous ne connaissez pas. Mais que vous devez découvrir. Absolument.

Soyons honnêtes : à peu près personne n’avait entendu parler de Marisol avant de voir les affiches de sa rétrospective apparaître un peu partout en ville. Afin de faciliter votre visite, nous vous présentons un petit mode d’emploi qui devrait vous convaincre d’accorder un vote de confiance au Musée des beaux-arts. Car oui, il faut aller voir cette exposition, fabuleuse.

Pourquoi aller voir l’exposition Marisol ?

Pour l’artiste elle-même, méconnue, mais qui a marqué son époque par une représentation des enjeux sociétaux des années 1950, 1960 et 1970, ceux qui résonnent toujours si fort aujourd’hui. Un exemple : plongeuse, Marisol a inclus les fonds marins dans une partie de son travail. Autant en photo que par ces intrigants poissons qui arborent son visage à elle.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Marisol a cessé de faire de la plongée lorsqu’elle a pleinement pris conscience des dommages que cela peut faire subir aux coraux et aux autres espèces marines.

Les questions politiques, féministes et environnementales sont présentes dans son travail, d’une manière intelligemment subtile. L’artiste a évité la satire, les gros traits qui manquent de finesse. Elle a plutôt misé sur le bon jugement des gens qui allaient voir son travail. Merci à elle.

Les commissaires de cette exposition ont eu l’idée géniale de présenter les œuvres en ordre chronologique. À partir des années 1960, l’artiste a fait de magnifiques sculptures qui se laissent facilement apprivoiser par tous, les grands personnages présentant de multiples niveaux de lecture, mais étant tous fort beaux, presque charmeurs.

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Les enfants apprécieront les personnages de bois de Marisol, si vous visitez le musée en famille.

Marisol qui ?

C’était bien sûr la question sur toutes les lèvres lors de la présentation de l’exposition, plus tôt cette semaine. Ou plutôt pourquoi le Musée des beaux-arts consacre-t-il sa grande exposition automnale à une seule artiste, totalement méconnue ?

« Exactement pour ça », a répondu la commissaire en chef de l’institution montréalaise, Mary-Dailey Desmarais. Elle-même a dû plonger dans le travail de cette artiste, dont elle connaissait le nom, plus que l’ensemble de l’œuvre.

« J’ai été complètement frappée par la singularité de la pratique de Marisol, a-t-elle précisé. Personne d’autre à cette époque ne faisait des sculptures grandeur nature, en bois, avec tous ces éléments dessinés. Comme disait une conservatrice à l’époque, personne n’a dégonflé la complexité humaine, l’arrogance humaine avec autant de perspicacité que Marisol. »

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« Je voyais dans son travail un engagement envers des questions qui sont très pertinentes aujourd’hui. L’environnement par exemple, l’impact de la guerre, l’expérience des immigrants et leur rôle dans la société. Elle abordait ces questions d’une façon complètement novatrice », dit Mary-Dailey Desmarais, conservatrice en chef du musée, ici en compagnie de son directeur, Stéphane Aquin.

Marisol est née à Paris de parents vénézuéliens. Elle a eu une vie aisée en confort matériel, mais très complexe émotivement. Après avoir assisté au suicide de sa mère, la jeune Marisol s’est enfermée dans un mutisme presque complet jusqu’à l’âge adulte.

Elle a beaucoup voyagé et a posé ses valises en 1950 à New York alors qu’elle entamait sa vingtaine et définissait sa pratique artistique.

Elle est rapidement devenue une coqueluche médiatique, ses fameux personnages étant très rassembleurs auprès des publics des galeries. Mais l’artiste a évolué vers un style moins populaire et a perdu cette attention médiatique. Ses expos étaient moins courues, ses œuvres se vendaient moins, après sa période pop art.

Pourquoi alors ne pas être retournée vers ce style manifestement plus universel ?

« Parce que c’est une grande artiste ! », dit Cathleen Chaffee, conservatrice en chef du Buffalo AKG Art Museum qui est l’organisateur de cette expo itinérante, présentée en primeur à Montréal.

« C’est ce qui fait les grandes artistes, poursuit la conservatrice. Elles ne font pas leur travail pour la presse ou pour les acheteurs. »

On a la chance de mettre en lumière une artiste qui a été oubliée et qui mérite notre attention, non seulement à cause de la qualité esthétique et novatrice de son travail, mais aussi pour son engagement social et féministe.

Mary-Dailey Desmarais, conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal

Quand faut-il y aller ?

L’exposition commence le samedi 7 octobre et le musée est ouvert le lundi de l’Action de grâce.

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Le musée est ouvert tout le week-end de l’Action de grâce.

Notre recommandation : allez-y en novembre. Quand la ville est grise et le moral, bas.

Marisol est une artiste importante du pop art, ce mouvement revendicateur qui a su mettre de la couleur et de l’humour dans sa représentation d’enjeux sérieux et graves. Voir son parcours, aussi dur soit-il, est porteur d’espoir et de réflexions qui font grandir.

Combien de temps consacrer à la visite ?

L’expo Marisol mérite deux bonnes heures si on veut y mettre le temps. Pour faire quelque pas de recul devant les personnages et avoir encore assez de temps pour les dernières salles qui proposent des œuvres moins frappantes que celles de l’entrée. Pour avoir le temps aussi de lire les détails qui révèlent la vie fascinante de cette artiste singulière.

La rétrospective regroupe plus de 250 œuvres au total.

Mais tant qu’à être au musée, faites aussi un saut à l’exposition Pop La vie ! qui y est présentée jusqu’en mars 2024 et qui montre un visage très local du mouvement.

Ces deux expos, mais particulièrement celle consacrée à Marisol, réussissent le presque impossible : rassembler autour de ce qui divise.

Marisol, une rétrospective, jusqu’au 21 janvier 2024

Consultez la page de l’exposition

Qui est Marisol ?

Maria Sol Escobar est née à Paris en 1930 et est morte à New York en 2016. Elle a vécu à Caracas, New York et Los Angeles et a étudié à l’École des beaux-arts de Paris.

Son travail est d’abord influencé par l’art précolombien et la peinture abstraite expressionniste. Elle a ensuite côtoyé Andy Warhol et son entourage dans les années 1960 – elle représente d’ailleurs Warhol dans une pièce qui fait partie de la rétrospective.

Sa pratique s’étale sur près de 60 ans, mais c’est dans les années 1950 et 1960 qu’elle a connu le plus de popularité.