La galerie d’art fondée par Isabelle de Mévius célèbre ses 10 ans d’existence cet automne avec Réenchantement, très riche exposition des œuvres les plus récentes de la prolifique peintre ontarienne Carol Wainio.

Dans ses grands tableaux très denses, les paysages extérieurs dominent, dans une forme d’expressionnisme figuratif d’où surgissent des personnages tirés de contes populaires, comme Le Petit Poucet ou Le Chat botté, ou encore des animaux mythiques des fables de La Fontaine, comme le lièvre et la tortue. L’ensemble aborde les thèmes du désenchantement, de la pénurie en même temps que des excès de notre époque.

Pour créer ses personnages, Carol Wainio s’est notamment inspirée d’une collection de cartes postales datant de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, qui représentent des scènes marquantes de ces contes. En particulier celui du Petit Poucet.

La directrice artistique et générale du 1700 La Poste, Isabelle de Mévius, n’aurait pu trouver meilleur concept pour célébrer les 10 ans de sa galerie, qui est un ancien bureau de poste ! Mais elle nous assure que ce n’est là que le fruit du hasard. « Je n’avais aucune idée au départ que Carol avait toutes ces cartes postales et qu’elles avaient servi d’inspiration pour créer ses personnages. »

Cette expo, qui rassemble une trentaine de tableaux de Carol Wainio, a été soigneusement préparée pendant près d’un an. Chacune des œuvres regorge de détails et de références visuelles.

  • The Fall, 2015, acrylique sur toile, 198 cm sur 305 cm

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    The Fall, 2015, acrylique sur toile, 198 cm sur 305 cm

  • Apprehension (Summer), 2017, acrylique sur toile, 112 cm sur 168 cm

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Apprehension (Summer), 2017, acrylique sur toile, 112 cm sur 168 cm

  • Exposition de Carol Wainio pour les 10 ans de la galerie 1700 La Poste

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Exposition de Carol Wainio pour les 10 ans de la galerie 1700 La Poste

  • Une partie de la collection de cartes postales qui a inspiré Carol Wainio

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Une partie de la collection de cartes postales qui a inspiré Carol Wainio

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Dans The Fall, par exemple, ce sont les enfants abandonnés du Petit Poucet (ou de Hansel et Gretel) que l’on retrouve au centre de la toile, dans une forêt qui, paradoxalement, a quelque chose d’enchanteur. Des dessins d’enfants ont été ajoutés à l’avant-plan, sous forme de traits simples représentant tantôt des arbres, tantôt une tortue…

« Pour moi, les enfants abandonnés dans la forêt sont aussi une métaphore de l’abandon des futures générations face aux changements climatiques, nous dit Carol Wainio. Tout cela dans un contexte où se multiplient les discours fabulistes et complotistes, et où les politiciens agissent comme des enfants. Il y a un désenchantement, mais aussi un réenchantement, parce que mes personnages sont aussi porteurs d’espoir. »

Il est vrai que les sept enfants abandonnés dans Le Petit Poucet finissent par retrouver leur chemin et, grâce à quelques ruses, rapportent un sac d’or à leurs parents.

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La peintre Carol Wainio

C’est pour l’ensemble de son œuvre qu’Isabelle de Mévius a eu envie d’exposer les toiles de Carol Wainio, peintre ontarienne d’origine finlandaise, et de rédiger un beau livre réunissant ses œuvres. « J’aime sa liberté d’expression, elle ose aller dans le figuratif – en même temps, ce ne l’est pas –, elle interprète la nature, il y a des envolées formidables. C’est une peinture très inventive. »

À la recherche de la vérité

En 10 ans, il faut dire qu’Isabelle de Mévius a eu du flair. À peu près toutes ses expositions ont fait mouche. De Louis-Pierre Bougie à Gilles Mihalcean, en passant par Jean-Pierre Morin, Marc Garneau, Geneviève Cadieux ou Jannick Deslauriers, de la peinture à la sculpture, le public a toujours répondu présent.

Comment la galeriste d’origine belge choisit-elle les artistes qu’elle expose ?

Ce qui m’intéresse, c’est le mystère d’une œuvre, sa vérité. La plupart des artistes sont transparents, c’est ce que je recherche dans la peinture. La vérité de ce qui se dit.

Isabelle de Mévius

Isabelle de Mévius se rappelle la première exposition du 1700 La Poste, dans les décombres du magasin d’antiquités qui avait alors pignon sur rue – avant qu’elle ne transforme le bâtiment du 1700 La Poste en galerie d’art. « C’était une expo de Michel Casavant, se souvient-elle. Il avait plein de tableaux dans son atelier, je lui ai d’abord proposé de faire un livre, et puis on a fait l’expo. »

La directrice artistique du 1700 La Poste en est aujourd’hui certaine, cette galerie d’art est « la plus belle chose » qu’elle ait faite dans sa vie. « Au fil des ans, j’ai appris à connaître ces artistes, j’ai découvert leur art, nous dit-elle. Tout ce travail d’investigation et de compréhension me passionne. Les artistes ont aussi besoin de nous pour vendre leurs œuvres, c’est très important, parce que le marché est lent. »

Les œuvres mettant en scène les personnages du Petit Poucet se trouvent au rez-de-chaussée, tandis qu’au premier étage, on peut voir tout son corpus inspiré des fables de La Fontaine. Au sous-sol se trouvent d’autres toiles de l’artiste, ainsi que les fameuses cartes postales qui l’ont inspirée.

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Isabelle de Mévius, fondatrice et directrice artistique du 1700 La Poste

Les fables sont complètement réinterprétées dans les tableaux de Carol Wainio, note enfin Isabelle de Mévius.

« La tortue, par exemple, se retrouve dans plusieurs positions, soit entière ou alors maintenue en laisse par un contremaître [dans At Hare], nous dit la galeriste. Ça nous donne l’impression que la population avance doucement sous son commandement… Le lièvre, lui, est dépeint comme un laquais, mais il se positionne différemment dans d’autres tableaux. »

Isabelle de Mévius, qui a déjà été peintre, a commencé à organiser des expos à Bruxelles, avant d’émigrer au Québec. « Comme peintre, il me semblait que je n’avais rien à dire, j’étais peut-être trop jeune, alors je me suis occupée des autres. » La suite de l’histoire du 1700 La Poste reste à écrire. La galeriste âgée de 74 ans, qui finance elle-même ses expos, réfléchit aujourd’hui à son avenir. « Est-ce qu’on va espacer les expositions ? Organiser des expos collectives ? Ça reste à voir. »

Réenchantement est présentée au 1700 La Poste du 13 octobre au 21 janvier 2024.

Consultez le site du 1700 La Poste