Il est le plus discret de La soirée est (encore) jeune, ce que ses collègues ne manquent jamais de rappeler, et c’est pourquoi il est mon préféré. J’aime bien les timides, mais Olivier Niquet se voit plutôt comme un introverti, et il vient d’écrire tout un livre sur ce sujet, Les rois du silence, dont le sous-titre se lit comme suit : Ce qu’on peut apprendre des introvertis pour être un peu moins débiles et (peut-être) sauver le monde.

J’étais d’accord avec la couverture avant même d’ouvrir le livre. Dans ce monde où tout le monde parle, il serait bienvenu de tourner sa langue sept fois avant d’ouvrir la bouche, ou de faire craquer ses doigts douze fois avant d’écrire un commentaire. Heureusement que les introvertis existent pour diluer un peu ce bavardage incessant et souvent violent. En revanche, ce qui est malheureux est que ça laisse toute la place aux plus forts en gueule, qui dominent les discours et orientent les débats. « Je pense que ça irait mieux si les gens réfléchissaient un peu plus avant de réagir toujours vite à tout en criant, dit Olivier Niquet. Par défaut, je suis incapable de donner mon opinion rapidement. Mais si tout le monde était comme moi, c’est-à-dire un peu lent, je crois que ça aiderait au débat. Les gens penseraient avant de s’envoyer promener. »

Olivier Niquet a besoin de temps pour se prononcer sur des sujets, ce qui est un défaut à la radio, et encore plus à la télé, où on ne tolère pas le silence. Comme bien des introvertis, il fait partie de ces gens qui trouvent la bonne réplique une fois de retour à la maison, devant le miroir de la salle de bain.

Je comprends ça, car mes meilleures vannes m’arrivent toujours sous la douche. C’est donc dire que rien ne prédestinait Olivier Niquet à faire ce métier de communicateur, et cela dans l’une des émissions de radio où il faut avoir le plus de répartie. Voilà pourquoi il prône une alliance entre les introvertis et les extravertis dans son livre. Quelque chose qui lui a beaucoup servi en étant un bon ami de Jean-Philippe Wauthier. « Même avant qu’on fasse de la radio ensemble, je savais qu’il pouvait toujours venir à ma rescousse dans une discussion avec n’importe qui. On a commencé avec Le spornographe, qui était une émission plus formatée. Tout était écrit, avec du montage, j’ai compris un peu comment ça marchait. Et c’est devenu un gag, mon introversion, qui n’est pas vraiment un gag parce que c’est ma personnalité. »

Ça semble bien vrai, car en discutant face à face, je vois bien qu’Olivier Niquet n’est pas du genre à se lancer dans une logorrhée. Juste avant d’entrer dans le café, un fan à vélo lui a lancé un gros « yeah, Niquet ! », le poing dans les airs, ce à quoi il a répondu avec un sourire timide en remuant à peine. Dans Les rois du silence, il raconte les malaises qu’il peut provoquer dans la vie sociale, et qu’il est pour cette raison la pire personne avec qui prendre l’ascenseur. On apprend aussi que c’est de famille, parce que ça ne jasait pas beaucoup chez les Niquet. N’appartiendrait-il pas à cette longue lignée d’hommes muets au Québec, plutôt qu’aux introvertis ? « Je ne sais pas si c’est une question de génétique ou de mimétisme, mais ma mère me disait que mon grand-père était silencieux avant ses 50 ans. Moi, je l’ai connu quand il racontait tout le temps des histoires. »

Il y a donc peut-être un peu d’espoir de ce côté-là de sa branche généalogique, mais ça reste à voir, car Olivier Niquet n’aime pas beaucoup le small talk, qui consiste à parler pour ne rien dire. De son propre aveu, il est nul là-dedans. Il n’a pas non plus reçu de diagnostic particulier sur le large spectre de l’autisme, qu’on aime lui coller à la blague.

En fait, il n’aime pas beaucoup cette tendance à transformer en maladie ce qui n’est parfois qu’un trait de caractère. S’il a écrit Les rois du silence, qui s’appuie sur ses anecdotes personnelles, l’humour et plusieurs études sérieuses, c’est surtout pour que l’on comprenne mieux comment ça fonctionne dans la tête des introvertis. « J’ai lu beaucoup de livres sur l’introversion. Je trouve qu’ils donnent parfois l’impression que c’est vraiment le fun d’être introverti, ce qui est peut-être exagéré, ou à l’inverse, que ce sont des gens qui souffrent de phobie sociale et de solitude. Il me semble qu’il y a un entre-deux, ce n’est pas un problème. En tout cas, cela ne m’a jamais nui. Bien sûr, je n’étais pas le plus populaire à l’école, mais j’étais bien comme ça, et je n’ai jamais eu trop de misère à me faire des amis. »

Est-ce que cela a même pu l’avantager auprès de la gent féminine, ce petit côté mystérieux ? « Peut-être, répond-il avec un sourire en coin. Mais je n’ai pas eu des tonnes de blondes, je suis avec la même depuis 20 ans. Disons que je n’ai pas pu tester mon côté “mystérieux” avec beaucoup. »

Olivier Niquet est fasciné par les gens qui sont capables de meubler des heures à la radio ou à la télé, et qui lui fournissent le matériel de ses « bêtisiers des médias » que je ne rate jamais, en particulier sa revue annuelle. Comment peut-on parler sans se fatiguer du Canadien et émettre des opinions à longueur de journée sans se mettre le pied dans la bouche ? « Je ne serais jamais capable de faire ça, admet-il. Ça me prend du temps, me faire une opinion et, bien souvent, je n’ai pas d’opinion sur quelque chose. »

Encore plus rares que les introvertis sont ceux qui admettent ne PAS avoir d’opinion, ce qui fait d’Olivier Niquet une espèce à part dans le paysage médiatique. Avec Les rois du silence, il se fait un peu le porte-parole non pas des sans-voix, mais de ceux qui n’abusent pas trop de leurs cordes vocales, peu importe leur métier. « Je ne veux pas d’accommodements raisonnables pour les introvertis, mais la société n’est pas toujours adaptée à eux. Dans une entreprise, quelqu’un qui fait bien son travail de son côté sans parler aux autres n’aura peut-être pas la promotion par rapport à quelqu’un qui parle à tout le monde autour de la machine à café. Dans les entreprises et dans la société en général, on écoute ceux qui parlent et pas les autres. »

Les rois du silence – Ce qu’on peut apprendre des introvertis pour être un peu moins débiles et (peut-être) sauver le monde

Les rois du silence – Ce qu’on peut apprendre des introvertis pour être un peu moins débiles et (peut-être) sauver le monde

Les éditions de ta mère

130 pages