Parlez-moi d’un concept efficace : une minisérie de trois épisodes d’une heure qui boucle une histoire vraie, autant fascinante que fâchante, seigneur, sans étirer la sauce ou tronquer le récit.

Ouais, Dumas, une histoire de trois heures, ça s’appelle un film, railleront mes super détracteurs. Oui, mais non. Les films de trois heures qui ne renferment pas de mou n’existent pas. À la télé, déployer une intrigue sur trois heures sans ralentir, ça fonctionne divinement bien.

C’est le cas pour A Very British Scandal de la plateforme Amazon Prime Video, une « mini » minisérie offerte en français et en anglais qui s’intéresse à la relation tumultueuse – et 100 % véridique – entre le capitaine Ian Campbell (Paul Bettany) et la future duchesse Margaret Sweeny (Claire Foy, vue dans The Crown).

Relation conjugale toxique, consommation d’amphétamines, multiples adultères, trésor royal sous-marin, château délabré puis restauré en Écosse, complot de fausse paternité, journaux intimes dévalisés et photos osées révélées, tous ces éléments ont alimenté les tabloïds britanniques entre 1947 et 1963.

PHOTO TIRÉE DU SITE D'AMAZON PRIME VIDEO

La minisérie A Very British Scandal est offerte sur la plateforme Amazon Prime Video.

Avant de poursuivre, démêlons un truc qui porte à confusion. Deux séries des mêmes producteurs portent un titre quasi identique. Il s’agit de A Very English Scandal (saison 1) et A Very British Scandal (saison 2). L'Extra de Tou.tv héberge la première saison de 2018 sous le nom d’Un scandale très britannique avec Hugh Grant. Radio-Canada n’a pas pu acheter les droits de la deuxième saison de 2022 avec Claire Foy, qui ne loge que sur Amazon Prime Video.

Ah oui, et pas besoin d’avoir vu le premier chapitre pour visionner le deuxième. Ces deux miniséries vivent indépendamment l’une de l’autre et n’ont pas de lien entre elles, mis à part qu’elles s’intéressent à de véritables scandales aristocratiques qui ont secoué le Royaume-Uni.

Donc, A Very British Scandal, la deuxième histoire. La géniale Claire Foy y campe Margaret, une Londonienne libre, baveuse et moderne. Le riche papa industriel de Margaret finance son train de vie de princesse. Vive, égoïste et sarcastique, Margaret adore les soirées mondaines, le champagne et le sexe.

Après un premier mariage décevant, Margaret s’éprend d’un homme marié, Ian (Paul Bettany), qui provient d’une famille modeste, voire pauvre. L’accroche ? Ian s’apprête à hériter du titre de duc d’Argyll, avec un immense domaine en Écosse, ce qui séduit Margaret, tout comme le caractère bien trempé de son futur époux.

Dans les premiers mois, Margaret et Ian se complètent à merveille, au lit comme en société. Mais deux êtres volcaniques, intenses et centrés sur eux-mêmes finissent inévitablement par se brûler. Nourrie par la drogue, l’alcool et la violence (physique et psychologique), la relation entre le duc et la duchesse s’empoisonne, tandis que la fortune de Margaret, qui paie pour tout dans le couple, fond comme un glaçon dans un verre de scotch.

En quête de réconfort, Margaret, qui a également un côté cruel, s’évade dans les relations d’un soir, dont elle note les détails dans un carnet rouge, toujours déposé sur sa table de chevet. Je le redis : A Very British Scandal s’inspire de faits bien réels. Googlez à vos risques et périls.

La minisérie culmine avec le divorce très public de Margaret et Ian au troisième épisode, ce n’est pas un divulgâcheur. Ce qui se dévoile en cour, par contre, vous fera dresser les cheveux sur la tête. En 2022, un magistrat qui prononcerait des paroles aussi rétrogrades et sexistes passerait au broyeur des réseaux sociaux. On est carrément dans le « slut-shaming » et la misogynie pure.

On s’entend que Margaret n’a jamais été du type « sororité » avec ses copines ou les autres femmes de son entourage. Reste que personne ne mérite de subir une telle humiliation internationale pour un polaroid coquin, qui a servi d’arme de destruction massive.

Ça m’étonne qu’une série somptueuse et sulfureuse comme A Very British Scandal n’ait récolté aucune sélection en prévision du gala des prix Emmy de septembre. La liste des finalistes a été dévoilée mardi et elle réunit de gros canons comme Succession (Crave/HBO), Squid Game (Netflix), Euphoria (Crave/HBO), Ted Lasso (Apple TV+), Hacks (Crave/HBO), Only Murders in the Building (Disney+), The White Lotus (Crave/HBO) et Dopesick (Disney+).

Surprise, Inventing Anna (Netflix) s’est faufilée dans le peloton de tête, tout comme la rigolote comédie Abbott Elementary (ABC/Disney+), un gros coup de cœur. La catégorie meilleure série dramatique regorge de bonnes émissions comme Yellowjackets (Crave), Stranger Things (Netflix), Severance (Apple TV+), Better Call Saul (Netflix) ou Ozark (Netflix).

La crème de la télé américaine, comme la nôtre, se déplace massivement vers les plateformes payantes. Vous êtes nombreux à rouspéter contre cette tendance mondiale, qui encourage les coûteux abonnements multiples, je sais.

Malheureusement pour nos portefeuilles, cette migration numérique s’accentuera dans les prochaines années. L’avenir des contenus télévisuels passe par ces géants en ligne et non plus par les chaînes traditionnelles. Et les plus jeunes ne jurent que par ce mode de consommation « sur demande ».

Comme prix de consolation, dites-vous qu’un abonnement annuel à Disney+ ou à Netflix, c’est l’équivalent de deux coffrets DVD de 24 ou de Sex and the City que l’on payait très cher dans le bon vieux temps.

Une version antérieure de ce texte mentionnait que la plateforme Tou.tv offrait gratuitement la première saison de 2018 sous le nom d’Un scandale très britannique. Or, celle-ci n'est offerte que sur l'Extra de Tou.tv, qui est payant.