Pas d’intro boboche ou de gag à saveur hôtelière pour briser la glace dans le verre d’Aperol Spritz : la deuxième saison de The White Lotus, qui s’amène dimanche sur Crave, en français et en anglais, décroche une note quasi parfaite sur TripAdvisor.

Ménage (à trois) bien fait, discrétion à propos des indiscrétions et personnel ultraprofessionnel — dans tous les sens du terme —, j’ai adoré mon séjour dans ce chic établissement au luxe discret, pas clinquant.

En fait, j’ai avalé d’une traite les cinq épisodes (sur un total de sept) qui m’ont été fournis par la production. Ciao, amici ! Grazie ! Prego !

C’est à la fois drôle, grinçant, inconfortable et rempli d’esprit. Bonus : il y a encore une mort à élucider sur fond de crise existentielle de clients hyper riches, le 1 % de la planète, mais peu portés sur l’introspection.

Le deuxième opus quitte Hawaii et se téléporte dans un autre établissement de la chaîne The White Lotus à Taormine, en Sicile. C’est ma-gni-fi-que. La mer Ionienne scintillante, les vignobles volcaniques, les parasols rétro bleu et blanc, le marbre brillant, le prosecco qui pétille dans les coupes, la musique pop bonbon de Raffaella Carrà, la pétarade des Vespa, c’est de l’évasion intelligente et divertissante, à petit prix.

Et j’ai tout googlé pour vous éviter d’avoir à le faire : la minisérie américaine a été tournée au Four Seasons San Domenico Palace de Taormine, qui a été aménagé dans un ancien couvent du XVe siècle avec vue sur l’Etna. Le coût ? Plus de 1500 $ la nuit, ce qui n’inclut pas le buffet déjeuner ni les billets d’avion. Ça fait beaucoup de tirelires UNICEF à vider.

De retour à nos voyageurs privilégiés, ils vivent la même expérience hôtelière que leurs camarades de la première incarnation hawaiienne. La série débute encore avec la fin : le cadavre d’un client flotte dans la mer bleue. Le personnel de l’hôtel capote : il n’y aurait pas un seul mort, mais bien plusieurs morts à signaler. Woups.

L’intrigue recule alors d’une semaine et nous montre l’arrivée, par bateau, toujours, des touristes américains que nous suivrons pendant sept jours. Jour un, épisode un, jour deux, épisode deux, et ainsi de suite.

Deux couples fin trentaine ont été vissés au cœur de ce divorce à l’italienne. Le nerd timide Ethan (Will Sharpe) et la cassante Harper (Aubrey Plaza) incarnent le couple de bourgeois progressistes typiques, qui donnent à des organismes de charité, qui regardent les nouvelles et qui lisent le New Yorker, genre.

Ethan a fait fortune dans la techno, Harper travaille comme avocate en droit du travail. Ils partagent une chambre communicante avec Cameron (Theo James), un bro banquier qu’Ethan a connu à l’université, et son épouse parfaite Daphne (Meghann Fahy, la révélation de la série).

Au premier souper, la tension grimpe entre les quatre « amis » qui se connaissent très peu. Le premier couple, sans enfants, se méfie du deuxième qui s’aime trop, qui le démontre trop, qui a trop de fun et qui ferme les yeux sur des incartades mutuelles, disons. Plus le récit progresse, plus le quatuor se provoque et teste ses limites, toujours à un verre de vin de la dérape.

Aussi sur le radar, la famille Di Grasso, composée du fils diplômé de Stanford (Adam DiMarco), du père producteur à Hollywood (Michael Imperioli, alias Christopher dans Les Soprano) et du grand-père séducteur (F. Murray Abraham). Encore ici, le choc des générations cogne fort, génération Z contre baby-boomers.

Le plus jeune Di Grasso, très au fait du consentement et du patriarcat, en veut à son père volage, qui en veut également à son propre père libertin. La gravité des reproches, qui éclaboussent autant fiston que papa et grand-papa, grimpe à chacun de leurs repas, et c’est savoureux.

Le seul personnage rescapé du premier chapitre est l’héritière complètement sautée Tanya (Jennifer Coolidge), toujours mariée avec Greg (Jon Gries), rencontré au White Lotus d’Hawaii. Pauvre Tanya et son vin triste. Tout l’or des hommes n’épongera jamais son mal de vivre. En attendant, c’est son assistante Portia (Haley Lu Richardson) qui paie le prix du malheur profond de Tanya.

Contrairement à la première saison, The White Lotus 2 s’intéresse peu aux employés de l’hôtel, à part la directrice de l’établissement néo-classique, Valentina (Sabrina Impacciatore), une femme cassante qui porte un gros secret. Une prostituée locale (Simona Tabasco) et son amie pianiste (Beatrice Granno) ajouteront beaucoup de piquant au voyage assez acide de nos estivants favoris.

The White Lotus met en scène des gens malheureux, égocentriques, déraisonnables, mal lunés et déconnectés, auxquels on finit par s’attacher. Ils ne font pas pitié dans leurs ensembles Prada ou leurs chemises de soie Versace. La jalousie les gruge, ils encouragent des dynamiques de pouvoir malsaines et le sexe, carburant principal de The White Lotus 2, les pousse au bord de la falaise.

Nous sommes ici dans une tragicomédie élégamment cousue. La scène où l’affligée Tanya assiste à une représentation de Madama Butterfly, au cinquième épisode, n’est pas anodine. Comme dans l’opéra de Puccini, l’histoire racontée dans The White Lotus 2 est une histoire de mort, de trahison et de désespoir, drapée dans d’élégants costumes.