Londres a réservé un accueil à son image aux musiciens de l’OSM et à son chef Rafael Payare au terme d’une tournée européenne de cinq villes et six concerts : la réaction a été surprenante, échevelée, mais aussi passionnée et franche.

Au Royal Festival Hall du Southbank Centre, l’OSM a retrouvé le pianiste Víkingur Ólafsson pour le Concerto pour piano en sol majeur de Ravel, comme ç’avait été le cas à Zagreb et à Budapest.

Ce musicien, surnommé le « Glenn Gould islandais », a montré sa grande maîtrise du toucher dans le premier et le troisième mouvement, tandis que le second lui a permis de faire entendre son extrême sensibilité. Ce fut l’un des grands moments de la soirée.

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Le pianiste Víkingur Ólafsson, surnommé le « Glenn Gould islandais »

En seconde partie, la Symphonie n10 en mi mineur de Chostakovitch a littéralement envoûté le public. Il faut dire qu’avec la Symphonie no 5 de Mahler, cette œuvre du compositeur russe était l’un des faits saillants de la tournée.

Rafael Payare et ses musiciens ont reçu une étonnante ovation alors que rien ne laissait présager cela en début de soirée.

Le programme s’est amorcé avec Elysium, du compositeur montréalais Samy Moussa, présent au concert pour recevoir les applaudissements mérités des spectateurs.

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Samy Moussa, compositeur montréalais

Question de vous situer, le Royal Festival Hall est une salle de 2700 places, sorte d’hybride de la Maison symphonique et de la salle Wilfrid-Pelletier. Le lieu est vaste (les billets n’étaient pas tous vendus), ce qui fait de lui une bête pas toujours facile à maîtriser. Mais son intérieur en bois et la disposition du public tout autour de la scène (plutôt basse) font de cette salle un merveilleux écrin pour la musique.

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L’OSM sur la scène du Royal Festival Hall, à Londres

Le public présent vendredi soir à Londres est sans doute le plus hétérogène que j’ai vu cette semaine. Impossible de faire un portrait net de ceux qui étaient présents. Jeunes novices, vieux habitués, familles avec enfants, travailleurs ordinaires, hommes à cravates, le mélange était renversant.

Certains applaudissaient entre les mouvements. Good Lord ! diraient certains puristes. Pas au Royal Festival Hall. On préfère l’expression des sentiments aux règles anciennes.

Le Southbank Centre est situé à un jet de pierre du London Eye (la grande roue) sur la rive sud de la Tamise. Ce lieu est hyper animé avec la présence de nombreux restaurants à ciel ouvert, de musiciens et de divertissements. C’est un quartier très prisé par les jeunes.

Cet arrêt au Royal Festival Hall était l’ultime étape de cette tournée européenne qui, comme je l’ai rapporté au fil des jours, a été couronnée de succès. Tant pis pour ceux qui auraient aimé que je souligne une quelconque faiblesse chez les clarinettes dans un passage très précis d’un mouvement de la symphonie de Chostakovitch.

Ce que nous avons entendu cette semaine, c’est la passion, c’est le désir d’offrir de la musique de haut niveau, de séduire des publics avertis qu’on connaît moins. C’est aussi l’envie de plaire à un chef dont on apprécie grandement la présence.

Rhapsodie familiale

Une chose était frappante durant cette tournée, et c’est la présence d’enfants accompagnant leurs parents musiciens. Même en tournée, les musiciens de l’OSM tentent d’appliquer le concept de la conciliation travail-famille.

Un formidable exemple de cela est Alexander Read, violoniste, et sa conjointe Laura D’Angelo, violoniste. Ils ont fait la tournée avec leurs deux enfants, Lily, 3 ans, et James, 15 mois.

Comment faisaient-ils le soir quand ils étaient sur scène ? Béatrice, la sœur de Laura, a pris des vacances pour venir s’occuper des enfants. Les enfants avaient une nounou de choix et de confiance.

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Béatrice (au centre), sœur de Laura, a accompagné la famille en Europe pour la tournée de l’OSM.

Pour ces deux musiciens, en couple depuis 2006, cette semaine a été faite de plaisir. Lorsqu’ils sont à Montréal, les choses sont parfois plus difficiles à gérer, avec les gardiennes auxquelles on doit faire appel plusieurs fois par semaine.

Laura a été initiée à la musique à 3 ans et demi, Alexander à 5 ans. Ils souhaitent que leurs enfants aient cette envie. En tout cas, depuis leur naissance, ils entendent au quotidien des sons qui leur sont maintenant très familiers.

Ann Chow, violoniste, et son mari Ken Tsai ont fait la tournée avec leur fils Elliott, 14 ans. Ce dernier savoure chaque instant de ce voyage en Europe. « J’apprends plus que si j’étais à l’école », m’a-t-il dit.

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Le fils d’Ann Chow et Ken Tsai, Elliott, les a suivis en Europe.

Ce n’est pas leur première tournée en famille. Ils ont déjà voyagé au Brésil, en Argentine et en Chine. « On en profite pour voir du pays », dit Ann. Il arrive que la mère de Ken les accompagne aussi.

Ann et Ken ont un autre fils, Sébastien. Ce dernier apprend le violon alors qu’Elliott se consacre au violoncelle. Les parents n’ont pas d’attentes. Ils laissent la passion suivre son cours.

Comme dans plusieurs milieux spécialisés, il y a plusieurs couples au sein de l’OSM. J’ai rencontré Alison Mah-Poy, violoniste, et Sylvain Murray, violoncelliste. Ils ont une fille qu’ils ont laissée aux bons soins de la sœur de Sylvain.

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Alison Mah-Poy, violoniste, et Sylvain Murray, violoncelliste, à Londres

Alison trouve que les journées passent trop rapidement lorsqu’ils sont à Montréal. « Les concerts sont maintenant plus tôt. Le souper et la gardienne arrivent vite. »

Les deux musiciens se voient en répétition et lors des concerts. « Bien sûr que nous échangeons sur les œuvres, mais comme nous sommes dans deux sections différentes, les préoccupations sont parfois différentes », dit Sylvain.

Carnet de tournée

Vous vous demandez peut-être ce que font les musiciens d’un orchestre symphonique lorsqu’ils ont une soirée de libre ? Certains vont entendre d’autres orchestres, d’autres en profitent pour raffermir des liens avec des musiciens de leur « famille » musicale. C’est ce que les trombonistes de l’OSM ont fait mardi soir dernier à Vienne en allant déguster un repas avec des collègues trombonistes. J’aurais aimé être une mouche pour entendre ce qui s’est dit.

Lors d’une rencontre avec des journalistes viennois, le directeur du Konzerthaus, Matthias Naske, a donné une information qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Il a confirmé que l’OSM serait de retour dans sa salle en 2024. Ça m’étonnerait que l’on déplace une centaine de musiciens pour un seul concert… Une autre tournée européenne serait-elle en préparation ? Tout porte à croire que oui.

Il y a une habitude au sein des orchestres : lorsque le chef revient saluer le public, il fait signe aux musiciens de se lever. Ceux-ci attendent d’abord que le violon solo se lève. Or, à quelques reprises cette semaine, Andrew Wan s’est gardé de se lever, forçant ainsi le chef Rafael Payare à savourer pendant quelques secondes les bravos du public. Belle attention !