Autant on a aimé haïr la terrible Nancy Riopelle dans District 31, autant on aime aimer Isabelle Granger dans Stat, cette chirurgienne au grand cœur tellement maladroite dans les rapports humains. Dans ce rôle, Geneviève Schmidt réussit à nous émouvoir et à nous faire rire même quand elle annonce les pires nouvelles à ses patients.

Ce grand écart est ce qui plaît particulièrement à la comédienne dans son travail. « Ce qui compte pour moi est le moment présent quand on tourne, explique-t-elle. Si je suis bien, je vais te donner la lune et faire tout ce que tu veux. Je sais que ça va être bon, et je sais que le public va être content. C’est ça, ma paye. Tourner une scène de Stat par exemple, et savoir que le public va capoter. J’arrive à la maison et je me dis que je fais le plus beau métier du monde. »

Je ne fais ça que pour le public. Je suis un peu une espèce de Michel Louvain. J’ai discuté une fois avec lui dans un ascenseur quand je n’étais pas encore connue, et il m’avait dit : “Tu vas voir, Geneviève, chaque personne est importante.” Mais je le savais déjà.

Geneviève Schmidt

Bien sûr qu’elle le savait, puisqu’elle a grandi dans les coulisses du Théâtre des Cascades que ses parents avaient acheté quand elle était petite. Par les trous du décor, elle n’a jamais cessé d’observer le public.

« La comédie, c’est un rythme, et j’ai appris là avec de super bons shows et des flops. Avec des acteurs où la mayonnaise ne pognait pas, avec des gangs qui se parlent encore 22 ans plus tard. J’ai vu des drames, des gens qui perdent leurs parents et viennent jouer une comédie le soir, j’ai vu des histoires d’amour et des séparations, mais à la fin, tu t’en vas faire rire le public. The show must go on. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE RADIO-CANADA

Dans la quotidienne Stat, Geneviève Schmidt interprète l’attachante chirurgienne Isabelle Granger.

Mais l’envie de devenir comédienne ? C’est arrivé assez tard, car elle préférait les coulisses où elle a fait tous les métiers. Elle se voyait beaucoup plus derrière, dans l’ombre, que dans la lumière des projecteurs. Et pourtant, s’il y a une comédienne qui capte la lumière, c’est bien Geneviève Schmidt. Quand elle entre dans une pièce, on ne voit qu’elle, avec sa longue crinière blonde et son visage espiègle. Et ça, les gens de casting l’ont peut-être vu avant elle, car c’est en donnant la réplique deux fois à des amis lors de leurs auditions dans les écoles de théâtre qu’on lui a dit qu’elle devait absolument auditionner elle aussi. « Je faisais un peu ma Roy Dupuis, je pense, lance-t-elle à la blague. Je disais que je ne croyais pas aux écoles. »

Geneviève Schmidt a fini par faire le saut et a terminé sa formation à l’École nationale de théâtre en 2008, alors qu’elle avait 30 ans, entourée d’étudiants qui n’avaient pas encore 20 ans. Dès sa sortie de l’école, elle n’a pas chômé, d’abord au théâtre. On l’a vue ensuite à la télé dans Ruptures, Les beaux malaises, Unité 9, District 31, La maison bleue, L’échappée, La vie compliquée de Léa Olivier et Stat, mais aussi au cinéma où elle est actuellement à l’affiche du film Bungalow de Lawrence Côté-Collins, et dans le prochain film de Denys Arcand, Testament.

Elle est même là où on ne l’attend pas. Ce n’était pas évident d’accepter l’animation du Gala Québec Cinéma dans les difficiles conditions de la pandémie, ce qu’elle a fait avec joie pendant deux ans. Elle trouve d’ailleurs très dommage la disparition de cet évènement, car elle estime important que le cinéma québécois ait une visibilité. « On aime rattraper les films pour la soirée des Oscars, pourquoi on ne ferait pas ça pour les films québécois ? »

Enfin, autre surprise dans son parcours : elle est la nouvelle narratrice de l’émission de téléréalité L’île de l’amour. La première femme à le faire dans ce format télévisuel populaire dans 25 pays. « Où on pense que je vais aller, dis-toi que je m’en vais de l’autre bord, note-t-elle. C’est très important pour moi. Je veux moi-même me surprendre dans mes choix et ce n’est jamais un choix financier, c’est toujours un choix de cœur. J’ai toujours une raison. Personne ne s’attendait à ce que je fasse L’île de l’amour et c’est ce que j’aimais. »

Dans un tourbillon

Malgré une grande présence à l’écran, on n’a pas l’impression de beaucoup connaître Geneviève Schmidt, qui dit être quelqu’un de solitaire et de « peu intéressant ». Elle se décrit même comme vieux jeu, elle qui ne possède pas d’ordinateur et qui dépose encore ses chèques au comptoir à la banque. Une première de classe aussi, puisqu’elle réécrit à la main et de mémoire tous ses textes avant de monter sur scène, la meilleure façon pour elle de savoir si elle possède bien ses répliques.

L’un de ses moteurs de travail est justement qu’elle a l’impression à chaque projet que le public ne la connaît pas. « Il faut donc que je lui montre que je suis une bonne actrice et qu’on a bien fait de me choisir. »

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Le rôle de Jessica dans Unité 9 a marqué un tournant dans la carrière de Geneviève Schmidt.

Mais le public s’identifie beaucoup à elle, car elle reçoit des centaines de messages tous les jours, en particulier depuis le rôle de Jessica dans Unité 9, un tournant dans sa carrière. Des femmes à la tête de familles monoparentales qui lui confiaient avoir eu des pensées suicidaires ou être passées proche de commettre l’irréparable avec leur enfant. Elle se souvient qu’un jour en Floride, une mère et sa fille se sont obstinées devant elle, l’une affirmant que c’était l’actrice qui la faisait le plus rire et l’autre disant qu’elle était l’actrice qui la faisait le plus pleurer. Le grand écart, encore une fois.

C’est fort, la télé. On entre dans le salon des gens. Avec Stat, je reçois beaucoup de choses. Je vois que les femmes n’ont pas confiance en elles, et elles m’écrivent que je leur fais du bien. On dirait que c’est du girl power malgré moi. Elles me disent : “Tu es belle, tu t’assumes, tu pourrais être mon amie.” Et pourtant, je ne parle pas beaucoup de ma vie.

Geneviève Schmidt

Et sa vie, dans les derniers mois, n’a été qu’un tourbillon. Au travers de multiples projets qui lui demandent d’apprendre de 30 à 80 pages par semaine, elle a vécu une séparation, et vit dans les boîtes parce qu’elle s’apprête à déménager sur la Rive-Sud après avoir vécu plus de dix ans dans le Nord.

Est-ce que le travail prend trop de place pour cette bûcheuse acharnée ? « Non, je pense que je ne suis pas chanceuse ! lance-t-elle en riant. Pendant Unité 9, mon père avait l’alzheimer, et faire cette émission a été ma thérapie. Même chose avec Nancy Riopelle, alors qu’il se passait autre chose dans ma vie intime. Les acteurs ont souvent des histoires comme ça. Tu es en peine d’amour et tu t’en vas jouer la plus belle déclaration dans la même journée. Ma vie personnelle n’est pas un long fleuve tranquille, mais avec l’équipe de Stat, on se tient vraiment ensemble, on se serre les coudes, et on rit énormément. Tu veux être là tous les jours. »

Et c’est peut-être pour ça aussi que les téléspectateurs ne se lassent pas de la voir quotidiennement, parce que Geneviève Schmidt est précisément là où elle veut être, c’est-à-dire à l’endroit où elle nous surprendra toujours.