Le directeur du Musée d’art contemporain de Montréal (MAC), John Zeppetelli, trouve « blessantes » certaines critiques qui visent depuis quelques mois la gestion des travaux d’agrandissement de son institution. Mais en même temps, il voit là-dedans « des déclarations d’amour » à l’égard du MAC.

J’ai profité d’une rencontre de presse tenue mercredi sur les projets d’exposition du musée pour savoir ce qu’il pensait des points de vue qui sont publiés dans les journaux et qui multiplient les reproches. Le dernier en date est une lettre de l’artiste Michel Goulet qui, dans notre section Débats du 12 août, a lancé un véritable cri du cœur.

« Fermer pendant près d’une décennie un musée essentiel à notre nourriture intellectuelle et sensible, à notre culture commune, est une vraie honte. De votre fabuleux projet architectural, je ne veux plus ; de votre cathédrale, je ne veux plus ; de vos espaces impressionnants et majestueux, je ne veux plus. De vos murs blancs que vous allez colorer pour créer des scénographies d’expositions, je ne veux plus. »

Rappelons que le MAC a annoncé le lancement de son projet d’agrandissement en 2014 avec un budget de 44 millions. Les soumissions ayant été jugées largement au-dessus des prévisions budgétaires, la Société québécoise des infrastructures (SQI) a mis le projet sur la glace en 2019.

À la suite de la paralysie causée par la pandémie, le musée s’est installé à la Place Ville Marie. Un nouvel appel d’offres doté d’un budget de 85 millions a été lancé au printemps 2022. La surchauffe du marché a fait gonfler le montant des travaux. L’appel a été annulé.

Il y a quelques semaines, les gouvernements fédéral et provincial annonçaient qu’ils augmentaient leur aide, portant ainsi le budget à 116 millions.

John Zeppetelli espère lancer un nouvel appel d’offres le mois prochain, procéder à une première pelletée de terre d’ici à décembre prochain et à une réouverture en 2027.

Mais pour plusieurs voix critiques, dont celle de Michel Goulet, ce projet est déjà une catastrophe. « Ce qui est paradoxal dans tout ça, c’est que ce projet a été lancé pour mieux servir la communauté et les artistes et donner à Montréal un bâtiment digne de l’ambition artistique de la ville, dit John Zeppetelli. On va y arriver. »

Le DG tient à souligner que ce projet a été nourri par les trois dernières administrations, et ces tentatives n’ont pas abouti pour diverses raisons. « Dans notre cas, si on avait su que nous allions vivre la pandémie et une surchauffe, sans doute que nous aurions fait les choses différemment. »

John Zeppetelli tient à dire à ses détracteurs que cette décision n’a pas été prise à la légère. « C’est le résultat d’une cinquantaine de rencontres avec un échéancier qui a été revu des douzaines de fois avec des firmes externes. Nous ne sommes pas seuls là-dedans. On travaille avec plusieurs partenaires. »

Quoi qu’il en soit, le MAC se retrouve aujourd’hui avec des collections permanentes totalisant 8400 œuvres entreposées dans divers lieux de la ville, car les réserves sont situées sous l’esplanade de la Place des Arts, épicentre de la zone des travaux.

Il serait très difficile de monter des expositions à partir d’œuvres picturales dans de telles conditions. C’est pourquoi le MAC, qui dispose temporairement d’une salle d’exposition à la Place Ville Marie, met l’accent sur des installations vidéographiques, des œuvres numériques, des œuvres murales et des performances.

Avant de rencontrer John Zeppetelli, je me suis entretenu avec Claude Gosselin, directeur général et artistique du Centre international d’art contemporain de Montréal. Ce dernier déplore le fait que le MAC n’ait pas conclu une entente avec un autre musée pour la durée des travaux – le Musée des beaux-arts de Montréal ou le Musée national des beaux-arts du Québec, par exemple.

« J’ai fait plusieurs démarches avec toutes sortes de musées, dit le patron du MAC. On ne veut pas remplacer ce que les autres musées font, on veut ajouter, on ne veut pas disparaître », ajoute-t-il, tout en rappelant que des œuvres seront présentées à la Fonderie Darling et à la Cinémathèque au cours des prochains mois.

Le MAC n’écarte pas l’idée de présenter d’autres œuvres à Arsenal Art contemporain, au Centre canadien d’architecture, à la Place des Arts ou au Musée des beaux-arts de Montréal.

Le MAC fonctionne avec un budget d’exploitation d’environ 10 millions de dollars. J’ai demandé à John Zeppetelli si les conditions actuelles lui permettaient de faire de grandes économies.

Pas du tout ! La masse salariale continue d’augmenter. On doit quand même payer les taxes foncières du bâtiment inoccupé en plus de payer la location des bureaux qui accueillent la centaine d’employés.

John Zeppetelli

On a aussi reproché au MAC d’avoir cessé de faire des acquisitions. John Zeppetelli reconnaît qu’il y a eu un moment d’arrêt. « Mais on va recommencer à faire des acquisitions à compter du mois d’octobre », promet-il.

Arrivé en poste il y a dix ans, John Zeppetelli n’avait pas prévu la tempête qu’il doit aujourd’hui braver. Il sait que les prochaines semaines seront cruciales. Lui et ses partenaires ne peuvent pas se tromper. Ils devront conjuguer le budget au projet architectural et mener tout cela à bon port sous la loupe de nombreuses voix critiques.

Tout en élaborant des expositions extra-muros jusqu’en 2027, il devra préparer le « nouveau » MAC. Ah oui, j’oubliais, il y a aussi le 60e anniversaire de l’institution l’année prochaine qu’il faut organiser, un détail.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais après les crises du Musée des beaux-arts du Canada et du Musée canadien de l’histoire, de même que le projet des Espaces bleus géré par le Musée de la civilisation, il me semble qu’être patron d’un musée est maintenant un boulot plutôt rock’n’roll !

Lisez la lettre de Michel Goulet