TV5 Québec Canada, TV5Unis, TV5MONDE, TV5MONDEplus… Vous voyez clair dans tout cela, vous ? Moi, non. Chez nous, l’univers de TV5 a plusieurs déclinaisons. Tant mieux pour l’offre et l’accessibilité, mais il y a de quoi en perdre son latin. Pour y voir plus clair, j’ai soumis une kyrielle de questions à Marie-Philippe Bouchard, présidente-directrice générale de TV5 Québec Canada. Elle est la première à reconnaître que ce n’est pas facile de s’y retrouver.

Pour bien démêler les fils, il faudrait peut-être remonter au moment où TV5 Québec Canada s’est retrouvé avec une certaine autonomie. C’était en 2003. Que s’est-il passé ?

Quand l’Europe a commencé à prendre de l’expansion, l’Amérique a vécu la même chose. On gérait le signal au Canada, aux États-Unis et en Amérique latine. En 2003, on a subdivisé les signaux et il a été décidé que nous allions nous concentrer sur le Canada. TV5 Paris est devenu TV5MONDE et a pris le contrôle de tout le reste.

PHOTO FOURNIE PAR TV5 QUÉBEC CANADA

La présidente-directrice générale de TV5 Québec Canada, Marie-Philippe Bouchard

Comment faut-il voir TV5 Québec Canada ?

Nous avons la mission de faire rayonner la francophonie à travers un marché commun avec du contenu provenant de chaînes publiques représentées par France Télévisions, la RTBF (Belgique) et la RTS (Suisse). À cela s’ajoute un nouveau joueur, la télé publique de Monaco. Du côté canadien, on retrouve Radio-Canada, Télé-Québec et TV5 Québec Canada.

TV5 Québec Canada présente des émissions européennes et du contenu fait chez nous. Est-ce une obligation du CRTC de présenter du contenu canadien ?

Oui, 15 % de notre grille-horaire doit être constituée de contenu canadien original. Nous travaillons pour cela avec des producteurs indépendants du Québec et du Canada francophone.

Est-ce que TV5 Québec Canada est une chaîne de télévision généraliste ?

En fait, elle a des aspirations généralistes, car elle diffuse de tout, de la culture, des variétés, du documentaire et des bulletins de nouvelles. Mais elle a un modèle d’affaires de chaîne spécialisée.

Pourquoi ne voit-on pas les mêmes émissions sur TV5 Québec Canada que sur TV5MONDE ?

Il faut savoir que nous composons avec plusieurs territoires. TV5MONDE représente neuf signaux différents. Les droits de diffusion peuvent différer d’un territoire à un autre. Les partenaires qui fournissent les contenus ont des stratégies qui peuvent imposer des restrictions. Si un documentaire a été vendu à Télé-Québec ou à RDI, on ne peut pas le diffuser.

Est-ce que les émissions produites par TV5 Québec Canada sont automatiquement diffusées ailleurs sur TV5MONDE ?

La réponse courte est qu’elles sont à peu près toujours offertes. Elles ne sont pas toujours disponibles. Les producteurs canadiens détiennent les droits. Ils peuvent choisir de les exploiter autrement à l’international.

Est-ce que les droits des autres émissions canadiennes présentées sur TV5MONDE doivent transiter par TV5 Québec Canada ?

On ne prénégocie pas pour TV5MONDE. On achète des droits pour le Canada pour pouvoir faire notre propre exploitation. Mais comme ce sont des choix qui se marient bien aux programmations de TV5MONDE, on les place dans un panier de choix possibles. Cette sélection est faite conjointement avec Radio-Canada et Télé-Québec. Par la suite, mon équipe négocie avec les producteurs pour libérer des droits de diffusion non exclusifs pour TV5MONDE1.

Qui paye qui ?

C’est un budget dont on dispose annuellement grâce aux gouvernements du Québec (ministère de la Culture et des Communications, ministère des Relations internationales) et d’Ottawa (Patrimoine canadien). Cela nous permet d’alimenter TV5MONDE en contenu canadien.

Vous êtes en train de me dire que c’est de l’argent canadien qui permet l’exportation d’émissions canadiennes sur TV5MONDE ?

Oui ! C’est grâce à un partenariat historique2 que nous pouvons faire cela.

À quoi ressemble votre budget ?

Nous sommes maintenant à 33 millions de chiffres d’affaires. Les proportions se déclinent ainsi : environ 80 % des redevances du câble (depuis 2014, TV5 Québec Canada et Unis TV ont obtenu la distribution obligatoire au service de base de la câblodistribution partout au Canada), une subvention de 2,3 millions d’Ottawa et de Québec, le reste provient des revenus commerciaux (publicitaires et distribution). Nous sommes donc très dépendants du privilège de la distribution du câble.

Vous avez créé Unis TV. Et maintenant il y a TV5Unis. Quelle est la différence ?

La volonté derrière Unis TV était d’ajouter à l’offre francophone des contenus reflétant la réalité des francophones hors Québec. Mais aussi, de produire du contenu québécois qui vient de l’extérieur de Montréal. En 2019, on a procédé à une refonte. Unis TV est une chaîne linéaire et TV5Unis est une plateforme web qui offre l’essentiel des contenus d’Unis TV et de TV5 Québec Canada.

TV5MONDE a récemment lancé la plateforme TV5MONDEplus. Là, on entre un peu dans un centre commercial ?

En effet, c’est un magasin de contenus. Cela dit, encore là, les droits ne sont pas nécessairement les mêmes partout. Il y a des choix qui sont faits en fonction de notre territoire. Les usagers sont géolocalisés. Si vous allez sur cette plateforme, dans laquelle le gouvernement canadien a largement investi, vous allez également retrouver le contenu de TV5Unis et TV5 Québec Canada.

En terminant, Montréal a une importante communauté de Français. J’entends souvent que des gens se dotent d’un VPN pour avoir accès à TV5MONDE ou d’autres chaînes européennes en temps réel. Comment voyez-vous cela ?

Je sais que ça existe, surtout dans les communautés expatriées. Le VPN ne permet pas tout. Cela dit, il faut tenir compte du fait qu’on enfreint des règles de droits d’auteur qui protègent les œuvres. Quand on contourne cela avec un VPN, on contourne les ayants droit. Je n’encourage pas cela.

1. En fonction de la Charte de TV5, chaque pays membre fournit des émissions libres de droits à TV5MONDE et TV5 Québec Canada pour leur permettre de constituer leur programmation. Les opérateurs sont toutefois libres d’acquérir des contenus autres que ceux fournis par les pays partenaires.

2. En 2019, le gouvernement fédéral a consenti une somme de 14,6 millions sur cinq ans pour appuyer le lancement de la plateforme TV5MONDEplus, dont un minimum de 7,2 millions devait être utilisé pour libérer des droits sur des contenus canadiens. En 2021, le gouvernement du Québec a consenti la somme supplémentaire de 1,6 million sur 3 ans pour l’enrichissement du contenu québécois sur la plateforme TV5MONDEplus.